lundi 4 avril 2005
Les dérives de la lutte contre l’antisémitisme
VÉRITÉ-JUSTICE
Il existe des choses qu’on ne devrait pas avoir besoin de redire. Nous avions déjà écrit ici (1) notre condamnation totale, inconditionnelle et définitive de l’antisémitisme, tel qu’il avait jadis pratiqué par la Russie tsariste et porté au comble de l’horreur par le nazisme, sous la forme de la « Shoah ». Cet antisémitisme-là, le vrai, nous le combattrons toujours, comme les plus anciens l’ont combattu en résistant à l’occupant.
Qu’est-ce que l’antisémitisme ? C’est une forme du racisme qui rejette l’autre, en l’occurrence le Juif, non pour ce qu’il fait, mais parce qu’il est . Les nazis n’ont pas fait de choix dans leur entreprise d’élimination. Même des anciens combattants de la première Guerre mondiale, qui s’étaient illustrés dans les armées du Kaiser, ont subi, comme les autres, les affres de la « solution finale ». C’est intolérable, comme est intolérable le génocide des Arméniens ou celui des Tutsis par les Hutus au Rwanda ; comme doit être condamné le racisme anti-arabe ou anti-noir, que l’on voit se manifester ici ou là. Si nous nous voulons humanistes, respectons l’Homme, dans son être.
Mais respecter l’Homme dans son être n’enlève rien au droit de juger les humains sur leurs actes. Du seul fait qu’il est un homme, l’Arabe, le Noir, le Tutsi, l’Arménien, le .... Juif, n’a pas droit à un brevet d’infaillibilité. Dans chaque catégorie, comme aussi parmi les Français, les Allemands, les Anglais, les Américains, tous les autres et les Juifs aussi, il y a les bons, les moins bons, les médiocres et les mauvais. Condamner les erreurs, les fautes les exactions, les massacres commis par tel ou tel d’entre eux, cela n’est pas du racisme. Dire qu’en plusieurs circonstances, les autorités israéliennes et les forces armées israéliennes ont violé les droits de l’homme, ce n’est pas, ce ne peut pas être de l’antisémitisme.
Cependant, certains dirigeants de l’État d’Israël, certaines organisations qui le soutiennent, en France et ailleurs, n’hésitent pas à faire l’amalgame. Critique-t-on Ariel Sharon, son gouvernement, tel ou tel aspect de sa politique, les opérations de son armée, l’édification d’un mur en plein milieu des exploitations agricoles des malheureux paysans arabes de Palestine ? on est antisémite ! Quel abus ! On en arrive à la « police de la pensée », telle qu’Orwell l’a décrite.
Nous nous élevons avec vigueur contre les sanctions prises, par la radio d’État, (s’il vous plaît !), pour cause d’antisémitisme, contre un éminent journaliste français Alain Ménargues, qui a couvert, parfois au risque de sa vie le conflit libanais, un de nos meilleurs connaisseurs du Proche Orient Qua-t-il fait, pour mériter sa révocation ? Il a commis le crime ( !) de traiter le Mur construit par les Israéliens en Palestine de « Mur de l’apartheid » et de « Mur de la Honte » ; Eh bien ! nous reprenons à notre compte cette appellation, en rappelant que la Cour Internationale de Justice de La Haye a ordonné la destruction de ce mur, que l’Assemblée générale de l’ONU l’a formellement condamné et que la Cour suprême de l"État, d’Israël, elle-même, a jugé que son tracé s’écartait trop des lignes de démarcation qui séparent l’État d’Israël des Territoires palestiniens occupés. Qu’attend-on pour les accuser d’antisémitisme ?
Une bonne fois pour toutes, à l’adresse de chacun, et notamment des organisations juives de France, -qui rendraient plus service à l’État d’Israël en observant une attitude plus neutre à l’égard de certains de ses dirigeants- : la critique de la politique d’Israël est libre. Ce n’est pas, ce ne sera jamais de l’antisémitisme de même que ce n’est pas de l’antisémitisme que de condamner le Juif qui a assassiné Ithzak Rabin !
La liberté de penser et d’exprimer sa pensée, dans le respect de la Loi, est la conquête majeure de la démocratie. Ce sont les tribunaux qui en sont les gardiens, non le CRIF ou la LICRA. Nous leur reconnaissons volontiers le droit de défendre des politiques que nous n’approuvons pas. Nous revendiquons la réciprocité. Mais nous refusons que des mesures législatives, justifiées, qui ont été décidées pour réprimer le racisme et l’antisémitisme, soient invoquées contre nous, qui ne jugeons pas les hommes ou les États pour ce qu’ils sont, mais pour ce qu’ils font.
(1) France-Pays Arabes, n’235, 11/2003. Michel Habib-Deloncle