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 Verschave et La lutte contre la Françafrique

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zapimax
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zapimax


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18072005
MessageVerschave et La lutte contre la Françafrique

Verschave et La lutte contre la Françafrique : Une colossale contribution, un héritage exigeant
04/07/2005

François-Xavier Verschave, spécialiste des relations franco-africaines post-indépendances est décédé le 29 juin 2005 d’un cancer, il laisse derrière lui l’énormité du travail accompli de décryptage, d’information citoyenne, de dénonciation de la Françafrique. Ce mode maffieux et criminel de régulation des relations entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique était devenu la cible systématique de cet homme de conviction, travailleur acharné et investigateur méthodique. Au sein de l’association Survie dont il était membre fondateur, et en réseau avec d’autres associations [Agir Ici, …], il avait su patiemment mettre sur pied une démarche rigoureuse de compréhension et de dissémination de l’information sur les crimes de la Françafrique.

Faisant appel à une créativité ininterrompue en même temps qu’un sens aigu de la vulgarisation des écrits majeurs d’une cause à laquelle il était tout dévoué, ses efforts ont, de haute lutte, contraint les médias «autorisés» du discours sur l’Afrique [Le Monde, Libération, RFI, …] à intégrer l’envahissante et sombre dimension des rapports France Afrique.

Son émergence à la fin des années 80 avait bouleversé la donne d’une légitimation aisée des prédations et complicités françaises en Afrique, renversant le discours culpabilisant qui avait éjecté le tiers-mondisme. Son départ laisse un énorme vide dont se réjouissent les médias «de référence» qui voient le champ éditorial sur l’Afrique débarrassé d’un gêneur, d’un accusateur. Une conscience qui rendait à l’abjection les ouvriers directs et indirects du capital de la Françafrique, de ses paupérisations, de ses privations matérielles, politiques, culturelles.



Car de Françafrique il a été très souvent question chez François Xavier Verschave. Ce mot aurait été à l’origine utilisé une fois par le premier président de la Côte d’Ivoire formellement indépendante, M. Houphouët Boigny. Elevé par François Xavier Verschave au rang de paradigme de compréhension des relations adultérines entre des Etats africains et l’Etat français [France à fric], il rendait compte du système des acteurs, enjeux, stratégies de captations des personnalités, administrations, sociétés privées impliquées dans les meurtres de dirigeants africains, les détournements d’aide au développement, les coups tordus électoraux conservant des élites impopulaires à la tête des pays africains…

Parmi les mots-clés de la méthodologie Verschave-Survie, en plus de la Françafrique, certains rappels et insistances : corruption, loges maçonniques [surtout l’influence de le Grande Loge Nationale de France en Afrique], services secrets français [notamment DGSE, services extérieurs], ELF, Bolloré, mercenaires, Jacques Chirac, Charles Pasqua, Sassou N’Guesso, Bongo, Idriss Deby, assassinats de Um Nyobé, Moumié, Ouandié, Outel Bono, Sylvanus Olympio, fraudes électorales… Ces cibles, loin d’être des simples porteurs de valises sont allées jusqu’à porter plainte contre l’auteur de Noir Silence [Les Arènes, 2000] pour offense à chef d’Etat étranger, en l’occurrence M.M. Bongo, Sassou N’Guesso et Idriss Deby, respectivement présidents du Gabon, du Congo-Brazzaville, et du Tchad. François-Xavier Verschave avait été jugé non coupable, le tribunal ayant considéré le «sérieux des investigations effectuées», il s’en suivit un appréciable gain de crédibilité et de notoriété.





La nécessité de dévoiler l’envers des discours et du décor des respectables apparences des gestionnaires de la Françafrique apparaissait pour Verschave comme un devoir moral et de citoyen français, vivant comme un déshonneur les concussions, dévoiements et crimes odieux couverts par les revêtements de la république. De ce fait, il s’est constamment permis le cran de remettre en cause les grands et puissants, pouvoirs secrets, occultes, les faiseurs d’opinion au-delà de ce que d’autres avaient eu le mérité de faire jusque là dans le journalisme politique ou d’investigation [Péan, …].

Le rôle de conservation en dépendance de l’Afrique francophone résultait désormais de l’action volontariste et permanente, professionnalisée des quelques groupes organisés interdépendants et individus lancés dans des parcours de carrière sans foi ni lois. Rarement les services secrets français, les loges maçonniques, les relations interpersonnelles, les quelques clivages de la Françafrique [de gauche et de droite], et tous les «intouchables» n’avaient été mis en observation, voire en examen citoyen avec tant d’ardeur et d’attention.

La Françafrique. Le plus long scandale de la république, paru en 1998 chez Stock et Noir Silence, des éditions Les Arènes [2000] sont les références de l’approche Verschave, plusieurs fois réédités.

Son énorme mérite aura été de forcer l’ensemble des commentateurs même hostiles à ses positions à intégrer ce vocable [Françafrique] et quelques unes de ses implications, les usages à contrecoeur, contresens, contre-emploi étant légions cela dit. On pourrait dire qu’après Verschave-Survie presque plus personne n’a commenté avec un minimum de crédit les relations France Afrique sans parler ou penser, ou encore se référer au concept de Françafrique, parmi les commentateurs et spécialistes du domaine.

Ceci a d’autant plus d’importance qu’après la liquidation médiatique des penseurs du tiers-mondisme qui avaient eu une audience significative jusqu’aux années 70, la représentation de l’Afrique était coincée entre l’économisme de la pensée ultralibérale et le bazar idéologique du tout-Bayard. Jean-François Bayart représentait le parangon doctrinaire, l’autorité tutélaire de cette indigente doxa dite de la Politique du Ventre en Afrique [Cf. L’Etat en Afrique. La Politique du Ventre de Jean-François Bayart, 1989, Fayard]. Ainsi les appareils de domination avaient t-ils retourné les fusils de l’accusation contre les paupérisés, les Africains, mus par leur unique anatomie damnée, leurs accumulations politiques, leurs ethnismes, leurs effets de chevauchements.

Les Africains étant désormais les seuls responsables et producteurs de leur champ politique, il n’était guère besoin de chercher ailleurs, en France, auprès de respectables énarques des relations maffieuses ayant un impact destructeur sur les évolutions des sociétés africaines… D’autant que les ultra-libéraux, colonisateurs d’à peu près tous les espaces de paroles, d’écrits, d’ébauches de brouillons n’avaient de mots que pour fustiger les politiques économiques erronées, nationalistes, autarciques, fermées, inflexibles… des décideurs africains. La cause était donc entendue et l’on pouvait paupériser la conscience tranquille, le paternalisme haut, la leçon prompte. C’est ce monde qui a explosé avec le concept de la Françafrique, et qui a poussé dans l’obsolescence les Bayart et leurs émules, obligeant la république à fabriquer de nouvelles figures de dissimulation, d’autisme politique et de déculpabilisation à l’instar d’un Stephen Smith [auteur de la magmatique éructation livresque Négrologie]. La sociologie historique du politologue Bayart, par trop savante -quoique fausse et impuissante à rendre compte des affaires ELF, des guerres du pétrole, du Rwanda… par ses seuls prémisses- a été troquée par une redoutable mais plus digeste inculture d’Etat, facilement mémorisable, celle principalement de l’écriveur de la face cachée du journal Le Monde.



La stratégie de Verschave [celle de l’association Survie plus globalement] de vulgarisation des crimes qu’il dénonçait reposait sur plusieurs types d’actions cohérentes. Les grands ouvrages, traitant de la Françafrique en détail et de façon panoramique [La Françafrique, Noir Silence, Noir Procès, Noir Chirac…] étaient complétés par des supports plus accessibles en prix, ciblant des thématiques précises, traitées de façon assez succincte, comme la publication par Survie et Agir Ici des Dossiers noirs de la politique africaine de la France. A côté de ses dossiers thématiques, une lettre mensuelle éditée par Survie dirigée par Verschave, Billets d’Afrique et d’ailleurs fourni périodiquement des «Informations et avis de recherche sur les avatars des relations franco-africaines». C’est d’ailleurs à partir d’un article paru en Juin 2004 dans le n°126 de cette lettre mensuelle qu’Odile Tobner, Mme Mongo Beti militante active de Survie, publiait un article intitulé «Négrophobie. Pourquoi l’Afrique de Papa meurt». Cet article était le prélude à ce qui apparaîtra comme l’ouvrage testamentaire du président de Survie, Négrophobie [2005, les Arènes] co-écrit avec Odile Tobner justement et Boubacar Boris DIOP.

La création, la participation à des événements susceptibles de donner écho à la lutte contre la Françafrique a longuement mobilisé Verschave et Survie. C’est le cas du lancement des campagnes " Mercenaires : Halte là ! ", puis " Bolloré : monopoles services compris ". Survie organisera aussi une manifestation au Trocadéro pour réclamer la constitution d'une vraie commission d'enquête sur le rôle de la France au Rwanda. L’association participera au contre-G7 en 1996. En 2004, Survie initiera la campagne "Les dictateurs amis de la France ! " contre le soutien de la France aux dictatures en Afrique. L’association militante interpelle les élus pour un contrôle démocratique de cette politique criminelle, de fait domaine réservé de l'Elysée.



La stratégie consistant à attaquer la Françafrique par toutes les accroches pacifiques et démocratiques en jouant sur une information de qualité multiformat, des événements capitalisant sur une réelle créativité artistique, militante et la recherche des ressorts d’une vraie mobilisation collective aura marqué des points évidents. A priori reproductibles.

L’idée de faire pression sur les élus, les gouvernants, les médias pour une information authentique sur les relations franco-africaines n’a cependant pas changé fondamentalement les pratiques anciennes. Le parfait exemple en est donné par le Togo, dictature qu’une éminente démocratie a soutenu à visage découvert, jusqu’à en garantir l’hérédité. En 2005 !



Verschave lègue une approche réformiste des relations franco-africaines basée néanmoins sur le rôle des acteurs internes à ce champ politique, géopolitique. Son angle de vue reste marqué par les clivages apparents de la politique française. Les Africains ont un intérêt évident dans l’énorme travail abattu depuis plus de 20 ans par Verschave, tout en étendant cette approche aux relations de l’Afrique au monde. Le recours à des facteurs plus structurels, macrologiques comme les Plans d’ajustements, les positionnements géopolitiques des autres grands blocs, Europe, Japon, Chine, USA devrait poursuivre les investissements de Verschave.

La méthode, l’intelligence dans les apprentissages sociaux et la créativité dans la recherche des contournements démocratiques des barrières informationnelles de la Françafrique sont également un actif important, un héritage aussi précieux que difficile à assumer. Plus encore à fructifier.
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