Dieudonné à la fête du Front National, quelles sont ses motivations?
Entretien avec l'humoriste le plus controversé de la Douce France...
Par Capucine Légelle
© grioo.com
Le dernier coup d’éclat de Dieudonné : rendre visite à Jean Marie le Pen à la fête Bleu Blanc Rouge du Front National qui s’est déroulée ce week-end au Bourget. Réactions mitigées des militants frontistes : entre accueil chaleureux et répulsion contre cet « antisémite qui n’a rien à voir avec nous ».
Les médias s’emparent rapidement du scoop, certains s’étonnant, d’autres affirmant que sa présence aux côtés de Jean Marie le Pen est logique…
Mais quid des motivations de l’humoriste, ex-candidat à la présidentielle ?
Entretien avec Dieudonné
Peux-tu nous expliquer le but de cette visite au BBR ?
N’étant plus candidat faute de pouvoir réunir les 500 signatures, j’ai besoin d’observer, de rencontrer toutes les formations pour voir quels sont les moyens mis en œuvre. J’ai prévu d’aller voir tout le monde, notamment Bayrou et Chevènement. Alors il y a une diabolisation qui touche Jean Marie le Pen et je suis sensible à ce genre de diabolisation médiatique, ayant été l’axe du mal à moi tout seul pendant plusieurs mois. Je sais bien qu’aujourd’hui la réalité est toute différente et d’ailleurs le fait que Jean Marie le Pen soit présent au second tour des élections présidentielles la dernière fois et que tout le monde le donne présent cette année encore, ça me fait dire que c’est intéressant de voir ce qui se passe. A aucun moment ce n’est un appel au vote pour Jean Marie le Pen, mais je regarde, j’observe.
Tu donnes comme point positif au Front National le discours de Valmy qui selon toi « fédère » puisque M. le Pen s’y adresse notamment aux français d’origine étrangère. Tu penses vraiment qu’il est sincère en disant vouloir rassembler sans distinction ?
On a beaucoup pensé à notre place, on nous a toujours dit Jean Marie le Pen, le vieux raciste, l’épouvantail, faites attention… Mais là c’est un grand changement de direction, le discours de le Pen aujourd’hui est beaucoup plus soft, et d’ailleurs plus souple sur les immigrés que celui de Sarkozy qui lui aime se faire prendre en photo à côté des avions d’expulsés. C’est son axe.
Jean Marie le Pen a déclaré « croire en l’inégalité des races », ton avis sur cette déclaration ?Moi je ne crois pas dans le concept de race, je pense que notre race est la race humaine, qu’elle est une et indivisible, il n’y a pas à l’intérieur de cette espèce de peuple élu ou de race supérieure. Nous sommes égaux, c’est mon point de vue, maintenant on a peut-être déformé son propos aussi, il faudrait reprendre les choses exactement.
Je te coupe parce que ça il l’a dit très clairement…
Hé bien il a été présenté souvent comme l’homme raciste.
Même sans être présenté comme tel, il l’a dit clairement et mot pour mot !
S’il l’a dit et s’il le pense, parce qu’il a même le droit de le penser, je préfère discuter avec ce genre d’individu qui donc serait d’une race différente de la mienne, et puis voir effectivement son degré de racisme, plutôt que d’avoir affaire à des intermédiaires. La réconciliation, la paix ne peuvent se faire qu’avec ses ennemis.
Le jeu même de la démocratie c’est de pouvoir dialoguer avec ceux qui pensent à l’extrême de ce qu’on peut penser. Si on arrive à se mettre d’accord, c’est la réconciliation nationale qui est en jeu et je trouve cela formidable.
Finalement quel est le résultat de cette journée, quelles conclusions tires-tu de cette rencontre avec Jean Marie le Pen et les militants d’extrême droite ?
C’est très positif, c’est-à-dire qu’on peut être très différents, penser très différemment et puis se retrouver dans une démocratie pour parler et pour échanger. Moi j’ai écouté, ce discours de Valmy m’a bien plu, ensuite j’ai envie de dire qu’on va avancer, on va aller découvrir le discours des autres sur certains sujets… Par exemple j’ai entendu Bayrou qui parlait des médias et j’étais assez proche de ce qu’il pouvait ressentir. A gauche, je suis désolé je n’ai pas trouvé celui tant attendu, le Hugo Chaves à la française, il n’est pas là alors bon qu’est-ce qu’on va faire ?
Jean Marie le Pen peut révolutionner la République puisqu’il serait un président qui ne peut pas gouverner car n’ayant pas de majorité, il n’a pas un seul député à l’Assemblée. Comme nous sommes dans un régime parlementaire, nous aurions des élections législatives ensuite qui seraient passionnantes puisque là toutes les cartes seraient redistribuées et on irait vers une sixième Constitution. C’est une stratégie que j’entends un peu partout, et dans les milieux alter mondialistes d’extrême gauche. Je la trouve intéressante mais pour cela il faut créer des ponts et discuter, voir la demande et… Pourquoi pas ?
En tout cas voir comment ça se passe et peut-être que Jean Marie le Pen aujourd’hui est capable de se couper d’une base radicale réputée raciste pour envisager une main tendue à l’extrême gauche, c’était cela tout le discours de Valmy donc je pense que ça peut créer les conditions d’un séisme politique et pré révolutionnaire.
Ce qui est certain c’est que pour l’instant c’est un choc, mais j’ai l’habitude, maintenant il faut laisser reposer les choses. Ouvrir le dialogue et réfléchir à toutes les possibilités.
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