Le Sud, front de refus
Interview de Maxime Vivas, coauteur de l'ouvrage Les Etats-Unis de mal empire. Ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud*(05/04/2006)
Coauteur de l’ouvrage Les Etats-Unis de mal empire. Ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud*, Maxime Vivas revient sur l’actuel dynamisme politique d’une Amérique latine en plein bouleversement.
Comment expliquez-vous le basculement à gauche de l’Amérique latine ?
Ces peuples ont connu, au cours des dernières décennies, une succession d’expériences tragiques. D’un côté, des régimes civils corrompus partis à l’étranger avec la caisse, comme en Argentine ou à Haïti avec Bébé Doc, et de l’autre, des régimes militaires d’une férocité inouïe ont reçu l’aide des Etats-Unis. Ce grand voisin trop proche a également soutenu le renversement de régimes démocratiques au Nicaragua, au Guatemala et, en 2002, au Venezuela. La faillite en Argentine, les échecs de l’Alena ont également décrédibilisé le modèle néolibéral. Un front de refus de l’hégémonie américaine a ainsi émergé.
De Castro à Bachelet, en passant par Lula, Morales et Chavez, ils sont quand même très différents...
Oui, mais ils bénéficient, à part le Brésil, d’une langue commune : l’espagnol. La chaîne Telesur a ainsi pu être lancée sur tout le continent. L’idée était de contrebalancer CNN. Il existe aussi une conjonction d’intérêts. Ainsi, le Venezuela vend à Cuba – mais pas seulement – du gaz et du pétrole à prix bradés et reçoit en échange les services de médecins et d’enseignants cubains.
Comment est perçu le vénézuélien Hugo Chavez ?
Ce dirigeant a remporté démocratiquement neuf élections dans un pays où la plupart des médias sont entre les mains de l’opposition. Au Venezuela, des journaux peuvent appeler à l’assassinat de leur dirigeant sans être inquiétés. Un opposant peut écrire que “Chavez doit mourir comme un chien”. Dans aucun autre pays au monde, une telle chose est possible. Sans compter que ce pays devrait être riche depuis longtemps. Mais il a été pillé, notamment par les entreprises étrangères.
Cuba est-il considéré comme un repoussoir ?
La vision que nous avons ici est complètement faussée. Cuba a le taux de médecins le plus élevé au monde, un taux de mortalité infantile inférieur à celui des Etats-Unis et l’espérance de vie la plus longue de toute l’Amérique latine. L’analphabétisme a disparu et la famine n’existe pas. La torture non plus, contrairement à beaucoup d’autres pays du continent, dont les Etats-Unis. Chaque année, l’ONU condamne le blocus que subit l’île. Pourtant, depuis 45 ans, ce petit pays tient tête aux Etats-Unis.
La liberté de la presse n’est-elle que secondaire ?
Le droit de vote n’est rien sans justice sociale. Il faut savoir lire et être en bonne santé pour pouvoir voter. C’est comme la pluralité de la presse qui ne vaut rien si l’information est toujours la même, si elle n’est pas un contre-pouvoir... n’en déplaise à Reporters sans frontières. RSF, qui ne s’occupe que de la presse pauvre dans les pays pauvres, a quand même été la seule ONG à féliciter Pedro Carmona après son coup d’Etat contre Chavez, remis au pouvoir par le peuple 48 h plus tard. Belle leçon de démocratie de la part d’une ONG financée par des officines écrans de la CIA !
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