L'OPERATION DE POLICE AUX MUREAUX
Excès de médiatisation
par Jean-Marcel Bouguereau,
rédacteur en chef
au Nouvel Observateur
et éditorialiste
à la République des Pyrénées,
pour laquelle a été
rédigé cet article
LONGTEMPS, le spectre de Malik Oussekine a hanté les locaux du ministère de l’Intérieur. Malik Oussekine c’était ce jeune homme qui avait été matraqué à mort en 1986 lors d’une manifestation contre la réforme Devaquet et qui avait en quelque sorte stoppé la carrière du ministre de l’Intérieur de l’époque, Charles Pasqua. C’est ce spectre qui hantait Nicolas Sarkozy lors de son arrivée place Beauvau. Mais pour un candidat à la présidence de la république, le danger peut venir de tous côtés. Du côté des opérations très médiatisées comme celle des Tarterêts, ou comme celle d’hier matin aux Mureaux où une centaine de policiers sont intervenus à l’aube accompagnés d’une nuée de journalistes, puisqu’une trentaine de médias étaient représentés. Alors que les médias avaient été prévenus dès 5h30, le maire divers gauche de la ville a été mis au courant qu’à 7h45. Mais dans ce cas de figure l’excès de
médiatisation est en train de retourner contre les forces de l’ordre, les journalistes ayant été témoins de la brutalité de l’intervention policière, des appartements ayant été retournés par erreur, des portes défoncées, des meubles cassés, un enfant de deux ans et demi s’étant fait braquer un pistolet sur la tempe dans sa chambre. « Pour eux, on est juste une famille d’arabes et de noirs. Ils nous considèrent comme des animaux », se plaignait une jeune femme qui entend porter plainte. La direction de la police nationale a demandé une enquête, le ministère de l’Intérieur affirmant n’être en rien à l’origine de la présence de la presse. Reste qu’en habituant les forces de l'ordre à intervenir en présence de caméras, Nicolas Sarkozy les y a accoutumés. Comme il les a acclimatés à faire de ces cités de banlieues son champ de bataille. Celui de l’homme qui protège le reste de la France des hordes sauvages qui les peuplent. Sûr de sa mission et, surtout, sûr d’être en harmonie
avec les désirs de la France profonde. Mais à force de se présenter comme le premier flic de France, viendra un moment où il ne lui sera plus possible d’esquiver son bilan, en renvoyant la balle à la Justice. Car, contrairement à ce qu’on a laissé entendre, le représentant de Sarkozy dans le « 93 » ne s’était pas contenté de dénoncer le laxisme des juges mais également de pointer les failles du bilan de son patron. J.-M. B.
(le jeudi 5 octobre 2006)
jmbouguereau@nouvelobs.com
Source : http://permanent.nouvelobs.com/societe/20061005.OBS4646.html