mardi 12 septembre 2006, 19h47Des clandestins sénégalais manifestent aux îles Canariesagrandir la photo
LOS CHRISTIANOS, Espagne
(Reuters) - Redoutant d'être rapatriés de force, des centaines
d'immigrés clandestins sénégalais ont manifesté mardi dans un centre de
rétention des îles Canaries jusqu'à ce que la police leur promette
qu'ils resteraient en Espagne, a rapporté un responsable syndical.
Les troubles avaient commencé dimanche au
centre surpeuplé de Matorral, sur l'île de Fuerteventura, après
l'arrivée de policiers sénégalais venus vérifier l'identité de leurs
ressortissants pour que l'Espagne puisse les renvoyer chez eux, a
précisé Agustin Brito.
"Nos collègues policiers leur ont dit de
ne pas s'inquiéter, qu'il ne leur arriverait rien et qu'ils ne seraient
pas rapatriés", a poursuivi Brito, secrétaire général de la
Confédération des policiers espagnols aux Canaries.
"Il leur fallait faire quelque chose pour
les calmer. Le problème va surgir quand ils s'apercevront en sortant de
l'avion qu'ils sont au Sénégal", a-t-il ajouté.
Un porte-parole de la police canarienne a
confirmé qu'un incident avait eu lieu dimanche, mais en se refusant à
toute précision. Aucun représentant du gouvernement espagnol n'était
joignable dans l'immédiat.
Les policiers sénégalais se sont rendus
aux Canaries à la suite de pressions de Madrid visant à identifier les
clandestins qui arrivent dans l'archipel espagnol en nombre de plus en
plus considérable à bord d'embarcations de fortune. Beaucoup sont
originaires d'Afrique de l'Ouest.
Plus de 22.000 Africains ont déjà
débarqué cette année dans l'archipel espagnol de l'Atlantique dans
l'espoir de trouver du travail en Europe,
soit cinq fois plus que pour l'ensemble de l'année 2005. Un sondage
récent montre que l'immigration est devenu le sujet d'inquiétude
prédominant des Espagnols.
Jusqu'ici, le fait que la plupart des clandestins refusent de révéler leur nationalité a entraîné leur transfert en Espagne continentale et leur mise en liberté, par souci ne pas submerger les centres de rétention des Canaries.
L'Espagne a exercé des pressions sur le
Sénégal, qui n'avait plus accepté le rapatriement de clandestins après
de violents incidents provoqués il y a plusieurs mois par un groupe à
sa descente d'avion à Dakar.
PANIQUE
Le gouvernement socialiste espagnol a
récemment procédé à la régularisation de centaines de milliers
d'immigrés clandestins mais assure désormais que l'Espagne ne pourra
plus absorber davantage de clandestins.
"Le marché du travail a ses limites (...)
Il ne peut plus absorber une nouvelle vague d'immigrés", a déclaré le
secrétaire d'Etat espagnol aux Affaires étrangères, Bernardinho Leon, à
l'issue d'un entretien mardi avec le président sénégalais Abdoulaye
Wade.
"Les Sénégalais doivent en prendre conscience", a-t-il poursuivi.
Selon Brito, quelque 600 clandestins ont
été pris de panique après l'arrivée des policiers sénégalais, qui
déterminaient leur origine selon des critères comme les
caractéristiques faciales, le langage et l'accent. Au centre, seuls
cinq policiers étaient censés garder plus de 1.500 immigrés.
"La police a dû réclamer des renforts.
Grâce à Dieu, il n'est rien arrivé de grave, mais ils se sont mis à
crier "Pas de rapatriement au Sénégal !" et "Espagne
! Espagne ! Espagne", a dit Brito, ajoutant que des clandestins
s'étaient noué des morceaux de tissu rouges autour de la tête en signe
de protestation et avaient refusé de s'alimenter ce jour-là.
Des centaines, voire des milliers
d'Africains ont péri en tentant d'atteindre les Canaries cette année,
déclarent les autorités. Selon Brito, la plupart se conduisent
correctement dans les centres de rétention mais ils ont explosé
dimanche à l'idée de voir échouer leur tentative pour trouver du
travail en Europe: "Leur rêve de vie nouvelle était brisé."
Vendredi dernier, les ministres de
l'Intérieur des deux pays ont annoncé qu'Espagne et Sénégal avaient
adopté une "politique de tolérance zéro" envers l'immigration
clandestine en Europe,
en promettant une coopération renforcée pour endiguer le flot de
sans-papiers africains déferlant sur les rivages des Canaries.
Leon a de nouveau appelé mardi à la mise
en place d'une politique plus répressive. "Nous devons clairement
renforcer les mesures contre ces mafias, contre ce trafic de
personnes", a-t-il dit.
Madrid et Dakar ont toutefois noté que le
succès d'un renforcement des contrôles passait par une politique
incitant les candidats à l'"Eldorado européen" à rester chez eux.
http://fr.news.yahoo.com/12092006/290/des-clandestins-senegalais-manifestent-aux-iles-canaries.html