Le Devoir
LE MONDE, samedi 19 août 2006, p. a9
Raúl Castro révèle l'ampleur de la mobilisation à Cuba
Le ministre de la Défense donne de bonnes nouvelles sur la santé de son frère
Patrick LESCOT, AFP
La Havane - Cuba a mobilisé «des dizaines de milliers» de réservistes et de miliciens pour faire face à une éventuelle attaque américaine à la suite de l'accident de santé de Fidel Castro, a révélé hier son frère Raúl.
Dans sa première interview publiée dans la presse officielle depuis qu'il est à la tête de l'État cubain, le ministre de la Défense s'est toutefois déclaré «toujours prêt à normaliser» les relations de Cuba avec les États-Unis, mais «sur un pied d'égalité» et non en réponse à des «diktats» ou à des «menaces».
Dans une longue interview accordée à Granma, organe central du Parti communiste cubain (PCC, parti unique), Raúl Castro, 75 ans, a également tenu à rassurer les Cubains sur la santé de son frère, après l'opération intestinale qui l'a conduit le 31 juillet à passer provisoirement les pouvoirs à son frère cadet, numéro deux du régime.
«Je pense que son extraordinaire constitution physique et mentale a joué un rôle essentiel dans sa récupération satisfaisante et progressive», a-t-il déclaré avant de remercier «les médecins et les autres camarades qui s'en sont occupés d'excellente manière, avec un professionnalisme inégalable et surtout beaucoup d'amour et de dévouement».
Détaillant la mobilisation du régime après l'annonce de l'opération de Fidel Castro, le ministre de la Défense a révélé: «À trois heures du matin le 1er août, en application des plans approuvés [...], j'ai décidé d'élever de manière substantielle notre capacité et notre dispositif de combat, en appliquant pour cela les mesures prévues, parmi lesquelles la mobilisation de plusieurs dizaines de milliers de réservistes et de miliciens.»
«Tout le personnel mobilisé a accompli ou est en train d'accomplir en ce moment un important cycle de préparation et de cohésion pour le combat», a-t-il dit. «Ces troupes effectueront des rotations [...], tous les réservistes et miliciens qui y participeront connaîtront à l'avance leur date d'incorporation», a-t-il ajouté.
«Toutes les mesures ont été prises pour empêcher une quelconque tentative d'agression. Le peuple fait une démonstration formidable de confiance en lui-même», a-t-il ajouté, soulignant qu'à ses yeux, «il règne une absolue tranquillité dans le pays». Selon lui, «certains faucons de l'empire [américain] ont pensé le 31 juillet dernier que le moment était venu de détruire la révolution. On ne pouvait pas écarter le risque que quelqu'un devienne fou, ou plus fou encore, à l'intérieur du gouvernement américain», a-t-il dit.
Réagissant ainsi aux propos de Raúl Castro, un porte-parole du département d'État, Eric Watnik, a réaffirmé hier que «les États-Unis n'ont aucun projet d'envahir Cuba».
Dès le 4 août, la Maison-Blanche avait qualifié d'«absurdes» les craintes cubaines d'une invasion américaine de l'île, tandis que le président George W. Bush avait souligné que «ce sont les gens sur l'île de Cuba qui doivent décider» de leur avenir. Raúl Castro s'en est pris longuement au «plan de transition» du président Bush destiné à favoriser l'avènement de la démocratie à Cuba, déclarant que «jamais nous n'avons traité par-dessus la jambe une menace de l'ennemi». «Il serait irresponsable de le faire face à un gouvernement comme celui des États-Unis, qui déclare avec la plus grande impudence qu'il n'accepte pas ce qui est établi par la Constitution cubaine», a-t-il ajouté.
Rappelant que le président américain avait averti la semaine dernière qu'il «prendrait note» de ceux qui s'opposeraient à une telle transition, Raúl Castro a jugé qu'il s'agissait là d'une «attitude de bravache de banlieue», d'une «grande stupidité». «Ce n'est pas mon intention d'exagérer les dangers [...], a-t-il toutefois prévenu, «jusqu'à présent, les attaques de ces derniers jours n'ont pas dépassé la rhétorique, sauf pour l'augmentation des émissions subversives radio-télévisées contre Cuba».
Le numéro deux du régime cubain n'a pas écarté pour autant toute idée de dialogue avec Washington: «Au point où nous en sommes, ils devraient savoir clairement qu'avec des diktats et des menaces, on n'arrive à rien avec Cuba. En revanche, nous avons toujours été prêts à normaliser les relations sur un plan d'égalité. Ce que nous n'admettons pas, c'est la politique de toute-puissance et d'ingérence que l'actuelle administration de ce pays pratique régulièrement.»
Catégorie : Politique nationale et internationale
Sujet(s) uniforme(s) : Politique extérieure et relations internationales
Type(s) d'article : Article
Taille : Moyen, 517 mots
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Doc. : news·20060819·LE·116256
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