Monde arabe - Liban
Editorial n° 11, 13 août 2006
La résolution 1701 évitera-t-elle une Nakba à Tsahal ?
La résolution 1701 que le Conseil de sécurité des Nations unies vient d’adopter à New York entrera en vigueur lundi matin à 7 heures : le comandement militaire sioniste, après avoir en début d’après-midi samedi déclaré par la voix de son chef Dan Halutz que les opérations continueraient pendant encore une semaine, a plus tard déclaré qu’il respecterait dès lundi matin la résolution . C’est historique : pour la première fois de son existence, Israël semble prêt à respecter une résolution des Nations unies. Reste à voir comment les sionistes vont interpréter désormais l’injonction émanant du palais de verre à cesser les opérations militaires « offensives ». depuis le 12 juillet. Israël a en effet sans cesse répété que ses attaques et bombardements contre le Liban étaient « défensifs ». Encore une illustration de leur fameuse « beyond chutzpah » (= au-delà du culot, titre du dernier livre de Norman Finkelstein).
Du côté libanais, les choses sont plus claires : le Hezbollah a dit qu’il était critique sur plusieurs points de la résolution mais qu’il la respecterait. Le gouvernement Siniora à l’unanimité a adopté la résolution, tout en la critiquant par la voix de son ministre de la Culture faisant office de représentant extraordianire auprès des Nations unies.
L’objectif réel de la résolution, fruit de tractations entre USA, France, Russie, Israël et Liban, n’est pas très clair. Son effet possible l’est un peu plus : ce cessez-le-feu, qui va bien sûr, s’il est appliqué, soulager la population libanaise (et israélienne) et peut-être même la population palestinienne (cela est moins sûr), vient à point nommé pour permettre à l’armée sioniste de lécher ses blessures et tenter d’enrayer les effets en cascade de sa défaite.
Samedi aura été la journée la plus noire pour cette armée « sûre d’elle et dominatrice ». Elle a perdu un nombre important d’hommes (au moins 18 tués et 84 blessés), 19 tanks et un hélicoptère. Selon un expert russe, l’armée israélienne a perdu depuis le début de son attaque-éclair une brigade entière, soit 3 000 hommes. L’Etat-major sioniste et les chefs politiques accusent le coup. Ils ont connu la première défaite militaire stratégique de leur existence. Une défaite militaire stratégique qui est aussi politique, idéologique et mentale.
Les objectifs affirmés par ceux qui ont déclenché cette guerre d’agression ont été successivement de détruire les bases du Hezbollah dans le Sud-Liban, puis de repousser cet ennemi au nord du fleuve Litani. Le premier objectif n’a pas été atteint, le second a de fortes chances de ne pas l’être. Israël ne pouvant désarmer la Résistance, c’est donc la communauté internationale qui va s’en charger. Comment va-t-elle s’y prendre ? Comment le Hezbollah va-t-il réagir ? On va le voir très rapidement.
Pour comprendre la situation d’aujourd’hui, il faut faire un petit retour en arrière et dresser une série de constats :
> Tout comme pour la situation en Palestine et en Iraq, la « communauté internationale » est divisée sur l’attitude à adopter face à la nouvelle guerre qui a éclaté le 12 juillet entre Israël et le Liban ;
> Mais à la différence de la guerre contre l’Iraq, la guerre contre le Liban a eu l’aval de fait non seulement des USA et de la Grande-Bretagne mais de toute l’Union européenne, France en tête, qui a simplement nuancé son soutien à Israël en critiquant du bout des lèvres le caractère « disproportionné » de la « légitime défense » sioniste face aux Katyushas du Hezbollah ;
> La position française a été en droite ligne de la position adoptée face au Liban, à la Palestine et à la Syrie depuis deux ans : élaboration de la résolution 1559, participation pleine et entière à la double mystification autour de l’assassinat de Rafic Hariri (la Syrie a été accusée alors que, de toute vraisemblance, les auteurs de l’attentat ont été commandités par Israël), soutien dépité au « mouvement du 14 mars » lancé par la droite chrétienne libanaise – suivie par la « gauche » féodale druze de Walid Joumblatt – et soutenu fortement par les USA, sabotage du processus engagé par le gouvernement issu de ce mouvement – lequel a échappé à ses parrains usaméricains et a vu des retournements extraordinaires, tels que l’alliance du courant Hariri et du courant Aoun avec le Hezbollah.
L’objectif usraélien était d’empêcher la réalisation du nouveau « Pacte national » en cours de réalisation au Liban, visant à intégrer les chiites –Hezbollah et Amal – à l’appareil d’Etat et à l’armée : la France, dont le président a perdu en Rafic Hariri son principal soutien financier, s’est ralliée de fait à cet objectif, tout comme elle s’est rangée derrière l’objectif visant à étouffer et exterminer la nouvelle Autorité palestinienne dirigée par le Hamas et soutenue par le FPLP, le Jihad islamique et la base du Fatah.
> La guerre déclenchée le 12 juillet était en préparation depuis au moins un an et était prévue pour septembre-octobre : la capture des deux soldats israéliens en territoire libanais par le Hezbollah le 12 juillet n’a été qu’un prétexte qui a précipité les choses. De toute évidence, l’armée israélienne n’était pas prête à livrer cette guerre avec succès. Il ne suffit pas d’avoir les armes usaméricaines les plus sophistiquées pour gagner une guerre contre une guérilla populaire exemplaire [remember Vietnam !]. L’échec de l’agression sioniste n’est pas seulement militaire : il est politique, pschologique et idéologique. Il condamne définitivement l’entité sioniste à freiner sa fuite en avant depuis les élections palestiniennes du 25 janvier 2006 ou à sombrer corps et biens. Il est parallèle et simultané à l’autre grand échec : celui des occupants de l’Iraq.
> Face à la fuite en avant meurtrière de la direction sioniste [ils sont les vrais kamikazes dans cette histoire], certains gouvernements et certains leaders d’opinion européens, suivis par une grande partie des organisations et coalitions non-gouvernementales ont une attitude pour le moins ambigüe, consistant dans le raisonnement suivant :
Oui, Israël a le droit de se défendre, mais dans des proportions raisonnables, donc, SVP, Monsieur Olmert, faites donc une guerre aux méchants-barbus-fanatiques-soutenus-et-financés-par-la-Syrie-et-l’Iran, mais essayez de faire une guerre propre et humanitairement correcte, exterminez le Hezbollah, mais épargnez les pauvres civils, au moins les chrétiens. Bref, faites une guerre sans crimes.
Position absurde puisque toute guerre injuste implique des crimes de guerre et la guerre d’Israël contre le Liban est injuste [jurdiquement, politiquement et moralement]. Cerise sur le gateau de cette position perverse, hypcrite et de toute façon absurde et même comique : le summum de la « critique » de la gauche et de l’extrême-gauche laïques, démocratiques et molla(h)ssonnes, c’est « l’argument » suivant : par ses crimes de guerre, Israël fait le lit de l’islamisme et ne fait que renforcer le Hezbollah au Liban et le Hamas en Palestine. Cette position, partagée par la plupart des petits leaders d’organisations qui ont organisé à travers tout le monde occidental des manifestations de protestation pour « la paix au Liban » ces dernières semaines est parallèle aux critiques émanant des Démocrates usaméricains contre la manière dont Bush et les Républicains ont géré le 11 septembre : ils disent que la manière de gérer la « guerre au terrorisme » après le 11 septembre ne fait que renforcer le terrorisme. Mais maheureusement pour tout ce beau monde, il y a un vice de fond dans leur raisonnement : le Hezbollah et le Hamas, contrairement au fantôme Al Qaïda, sont des mouvements de masse dotés d’institutions, de militants, de combattants et soutenus par des millions de personnes. Et contrairement à Al Qaïda, ils ne sont pas fonctionnels à la stratégie usraélienne. Ils sont AUTONOMES et pratiquement impossibles à manipuler, à infiltrer, à dévoyer. Comme dit le vieux dicton latin, « Vox populai, vox Dei ».
Le fond commun des positions du « camp démocratique, humaniste et laïc » est la défense du « droit d’Israël à l’existence ». C’est la motivation principale de toute la nébuleuse cryptosioniste et parasioniste. Ces gens-là confondent le contenu et le contenant : ils acceptent l’idée monstrueuse qu’une population (les juifs vivant en Palestine) ne puisse être représentée que par un Etat pratiquant l’apartheid. Ce qu’ils n’acceptent nulle part ailleurs, ils sont prêts à l’accepter pour la Palestine. Cette position est non seulement contraire au droit, à la raison et à la morale, mais elle est condamnée par l’histoire. Les Juifs ne pourront vivre en paix sur la terre de Palestine que s’ils acceptent de partager des structures politiques et administratives avec tous les autres habitants de cette même terre, en application d’un principe simple : une personne, une voix. Bref, la seule solution, c’est un seul Etat pour tous. Un Etat bien sûr laïc et démocratique. Utopie ? Non : réalisme.
Source : quibla.net, 13 août 2006
Mer 16 Aoû - 22:20 par mihou