Hugo Chavez «le Latino-Africain»
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Je suis chez moi ici. Je suis comme un poisson dans l’eau.» a affirmé le président vénézuélien Hugo Chavez lors de sa visite au Mali. (Photo:AFP)
«Je suis chez moi ici. Je suis comme un poisson dans l’eau.» a affirmé le président vénézuélien Hugo Chavez lors de sa visite au Mali.
(Photo:AFP)
Que ce soit au Mali ou au Bénin, où il a fait escale mercredi dans le cadre de la tournée mondiale qui l’avait d’abord conduit en Russie et au Vietnam, le président vénézuélien, Hugo Chavez se sent chez lui. Communicant de génie, il profite à Bamako de la présence de caméras pour lancer :«Je suis métis. Mon père est noir comme Amadou», Amadou Toumani Touré, en l’occurrence, le président de la république, qui promet d’appuyer la candidature du Venezuela à un fauteuil permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.
De notre correspondant à Bamako
A Cotonou, saluant les corps constitués réunis sur le tarmac de l’aéroport, Hugo Chavez s’attarde auprès d’une dame. Sa marque de déférence est appréciée. Non loin du siège du palais présidentiel de Bamako, une unité de cavalerie de la gendarmerie nationale lui rend les honneurs. Des enfants accourent pour le saluer. Le président vénézuélien s’agenouille presque pour se placer à leur hauteur. «Mon petit que veux-tu faire plus tard ? », demande-t-il à l’un des gamins. «Militaire ! », répond le garçonnet. «Alors fais-moi un garde-à-vous ! », lance Chavez en se figeant lui-même dans la position du soldat aux ordres, face à une foule médusée qui applaudit. C’est son style que Hugo Chavez exporte d’abord.
Discours anti-américain
A l’aéroport de Bamako, comme plus tard à Cotonou, de très longs tapis rouges attendaient Hugo Chavez. Des troupes folkloriques aussi. Le «révolutionnaire» n’hésite par à se balancer au rythme du tam-tam africain. Arrivé au Mali après le chant du coq, en retard sur le programme annoncé, c’est un Chavez en pleine forme qui donne un premier coup de griffe à «l’impérialisme américain». Il le brocardera tout au long de son séjour en reprenant un autre leitmotiv : «l’amitié» entre les Africains et les Latino-Américains.
«Vous les Africains, et nous les Latino-Américains, nous avons deux continents qui se font face. Nous sommes très proches. Je suis chez moi ici. Je suis comme un poisson dans l’eau», lance-t-il à un journaliste. Et de lui tapoter l’épaule avant de poursuivre la visite au pas de charge, accompagné du président malien, Amadou Toumani Touré. Les deux hommes commencent par la Banque malienne de la Solidarité (BMS), la banque des pauvres. L’hôte du Mali improvise un discours… anti-américain : «Ils veulent faire main basse sur le pétrole de l’Irak. C’est pour ça qu’ils sont là-bas» ou encore «les Américains ne constituent que 6% de la population mondiale, mais ils consomment 20% de l’énergie de la planète».
Hugo Chavez est venu avec une bonne nouvelle au Mali. Le Venezuela fournira du carburant au Mali, à hauteur de 100 millions de dollars. Tonnerre d’applaudissements. Il enfonce le clou : son pays accordera une ligne de crédit d’au moins 10 millions de dollars pour renflouer les caisses de la BMS. «Le héros des pauvres» insiste sur le développement de la micro-finance pour sortir du cycle infernal de la pauvreté. A ses yeux, tout doit se construire autour de trois structures qui existent déjà dans son pays : la banque du peuple, la banque des femmes, la banque populaire.
Chavez plaît. C’est aussi un excellent comédien. Mimiques à l’appui, il insiste sur «l’union des pays du Sud». Le bon, c’est nous. Le méchant, c’est le pouvoir américain, martèle-t-il. Chavez prend la défense des paysans pauvres, «matrice du développement». Il veut changer la face du monde. L’homme fort de Caracas a épaté les Maliens. «C’est vraiment un révolutionnaire. Il sait galvaniser les gens. C’est un maestro, quelqu’un de franc qui n’a pas peur des Américains. Avec lui, aucun doute, les pays sous-développés ont un porte-parole coriace», commente Alassane Diombélé, journaliste malien.
Echange de bons procédés
Sa visite de terrain conduit également Hugo Chavez sur l’un des nombreux chantiers de logements sociaux en construction au Mali. Il regarde les bâtiments. Scrute les plafonds. Devant les micros tendus, il éclate : «Le président malien m’a dit que le gouvernement subventionne à hauteur de 50% la construction de chaque logement social. Voilà, c’est la clé du développement». A Bamako, Il a parlé, promis, mais il a aussi signé des accords de coopération, un protocole d’accord sur la suppression des visas entre le Mali et le Venezuela pour les titulaires de passeports diplomatiques, un mémorandum d’entente entre ministères malien et vénézuélien en charge de l’énergie. Et aussi, un accord dans le domaine universitaire.
Arrivé tête nue dans la capitale malienne, c’est coiffé d’un bonnet rouge traditionnel offert par son homologue malien que Chavez est entré dans l’avion qui s’envole pour Cotonou. Dans la capitale béninoise où il reçoit les honneurs à l’aéroport (21 coups de canon, danse endiablée des groupes folkloriques, bain de foule, etc.) Chavez reste muet comme une carpe, contrairement à Bamako. Il a beaucoup de retard sur son programme et demande aux pilotes de son avion de ne pas s’éloigner de l’appareil. Il doit quitter très rapidement Cotonou (dans la nuit de mercredi à jeudi) après un entretien avec le président Yayi venu l’accueillir à l’aéroport.
Un communiqué conjoint indique que les deux chefs d’Etat ont décidé notamment de «promouvoir» la solidarité et «la banque Sud-Sud», de développer leurs relations dans le domaine de l’énergie, notamment dans le secteur des hydrocarbures. L’homme de Caracas profite de son séjour béninois pour inaugurer les locaux de sa nouvelle ambassade au Bénin. L’imposant bâtiment, sis dans le quartier chic des «Cocotiers», est perçu par les observateurs comme l’une des portes d’entrée du Venezuela en Afrique.
En foulant les sols malien et béninois, Hugo Chavez n’oubliait sans doute pas que le Venezuela est candidat à un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Il compte sur les voix du Mali et du Bénin. Difficile, très difficile en effet de refuser son appui à une puissance pétrolière riche de promesses. Le Bénin ne s’est pas encore prononcé sur la question. «Nous aviserons très rapidement», confie toutefois un conseiller du chef de l’Etat béninois. Mais pour le Mali, l’affaire est dans le sac.
Le Mali l’a annoncé officiellement. C’est d’ailleurs dès leur premier tête à tête, qu’Amadou Toumani Touré a donné son accord à son hôte vénézuélien. «Si vous êtes au Conseil de sécurité, c’est exactement comme si le Mali y était» a-t-il déclaré à Hugo Chavez. George Bush appréciera.
par Serge Daniel
Article publié le 03/08/2006Dernière mise à jour le 03/08/2006 à TU
http://www.rfi.fr/actufr/articles/080/article_45393.asp