L’industrie européenne du thon tropical sur la défensive
Depuis quelques mois la cherté du pétrole a dopé les cours du thon tropical destiné principalement aux conserveries. En une
année la tonne d’albacore, l’espèce appréciée pour la préparation au naturel, a augmenté de 20%, passant de 1 000 à 1 200
euros la tonne. Pour pêcher ce poisson il faut le traquer, c’est-à-dire accomplir de grandes distances pour repérer les bancs
convoités par les thoniers, mais avec la hausse du brut, les bateaux ont sérieusement ralenti la chasse, préférant
s’immobiliser la nuit par exemple plutôt que de dépenser du carburant pour un résultat bien improbable. Plus coûteuse la
pêche devient aussi plus aléatoire en raison de la disponibilité de la ressource, mais cette tendance n’inquiète pas vraiment la
filière européenne, d’une part parce qu’elle concerne tous les producteurs de la planète, d’autre part parce que la demande
est toujours aussi soutenue. En revanche, l’évolution des règles du commerce mondial donne bien des soucis à la filière
européenne.
Alors que le directeur de l’OMC Pascal Lamy fait une ultime tournée dans l’espoir de convaincre les grands pays
protectionnistes d’abaisser leurs subventions à l’agriculture pour parvenir à un accord à la fin du mois, les industriels
européens du thon, fabricants de conserve et armateurs réunis en comité, font du lobbying à Genève, au siège de l’OMC, pour
défendre leurs intérêts menacés par le volet industriel de l’accord. Ce chapitre prévoit la baisse des droits de douane de 24
à 7% pour les produits industriels, dont le thon en conserve, ce qui ouvrirait grand la porte aux producteurs asiatiques qui
détiennent déjà 30% du marché européen. Pour supporter cette concurrence dominée par la Thaïlande, Français et Espagnols
ont délocalisé depuis belle lurette une grande partie de leurs conserveries dans les zones de pêche bénéficiant de conditions
commerciales préférentielles, c’est-à-dire les pays ACP et un certain nombre d’Etats américains, leur production entrant sur
le marché communautaire libres de droits.
Les pays d’Afrique occidentale comme la Côte d’Ivoire, le Ghana, ou ceux de l’océan Indien sont devenus les partenaires de
l’industrie européenne. Aux Seychelles, cette activité rapporterait plus d’argent que le tourisme. Selon Pierre Commere, le
secrétaire général du comité Eurothon, cette mondialisation avec un filet de sécurité a créer de la richesse et de l’emploi
dans les pays en développement tout en maintenant en Europe les débouchés haut de gamme du thon tropical. Dans d'autres
régions du monde, ce ne sont pas les négociations de l'OMC qui fragilisent cet équilibre mais la signature d'accord
bilatéraux. Celui que les Etats-Unis s'apprête à signer avec la Thaïlande pourrait bien être fatal aux conserveries des îles
Samoa américaines dont plus de 80% de l'activité reposent sur le thon.
par Dominique Baillard
http://www.rfi.fr/actufr/articles/079/article_44954.asp