Critique du spectacle de Dieudonné intitulé "Cocorico" dans le
Télérama du 26 juillet 2006 n°2950
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"Aujourd'hui, écrire sur Dieudonné revient à danser sur un champ de
mines. On tient son stylo avec des pincettes et chaque trace d'encre
se transforme en traînée de poudre. On ne regarde plus ses
spectacles comme ceux de Jean Amadou. La chose est bien plus grave,
entre le beaucoup mieux (car cela dérange) et le bien pire (quand
cela déborde). Il y a les dérapages que l'on sait (le sketch peu
drôle du rabbin nazi, chez Fogiel en 2003), cete nauséabonde manie
de jouer sur la concurrence victimaire entre fils de Shoah et fils
de l'esclavage. Et puis il y a les spectacles qu'on connaît moins,
comme ce Cocorico ! joué à Bobino, où l'homme a encore le contrôle
du curseur.
A peine une allusion border line à Moïse qu'il part sur un autre
terrain, enchaîne des personnages plutôt bien campés : le laveur de
pare-brise voyou et fan de Jacques Chirac, l'adjudant-chef qui a
torturé en Algérie sans respecter les "conventons de Megève" (sic),
l'institutrice obsédée par l'insécurité, et surtout le puant
journaliste de France 3 Limoges. On ne peut pas nier qu'il y a là un
regard sur la société, une caricature assez piquante de ses peurs,
de ses travers. On rit même, juré. Ce spectacle rappelle qu'il y a
deux Dieudonné : d'un côté, l'humoriste qui désamorce les
crispations ; de l'autre, le militant qui les attise. Le premier
avait bien du talent".
Erwan Desplanques