Immigration : période de haute pression
Il y a des initiatives qui partent d'un bon sentiment -d'un sentiment de justice à accomplir ou à rétablir- qui dépassent
quelquefois ceux qui les lancent provoquant ainsi des situations embarrassantes pour ne pas dire ingérables. C'est peut-être
le cas avec le processus de régularisation des sans-papiers voulu par Nicolas Sarkozy. Le ministre de l'Intérieur vient en
effet de se faire taper sur les doigts par le chef du gouvernement parce que les choses traîneraient en longueur. «Il faut
apporter une réponse rapide, cela ne doit pas devenir le feuilleton de l'été», a fait remarquer le Premier ministre, lui qui a
déjà précisé qu'à son avis et pour l'instant aucun candidat à l'élection présidentielle n'avait fait de propositions à la hauteur
de la compétition. C'est donc en peu de temps la deuxième fois que Dominique de Villepin met la pression sur Nicolas
Sarkozy. Une attitude qui tendrait à prouver qu'il n'a pas dit son dernier mot et qu'il espère toujours que le vent tournera
dans les prochains mois.
Et il faut bien avouer que le Premier ministre a des raisons de s'inquiéter avec tout ce qui se passe depuis quelques jours
autour des sans-papiers. Il y a beaucoup de confusion. Après avoir annoncé une loi sur l'immigration (très ferme la loi) le
ministre de l'Intérieur a en effet choisi d'ouvrir une brèche dans son dispositif afin de prendre en compte les familles
d'enfants scolarisés en France, ce qui a donné un espoir a tous ceux qui sont dans cette situation. Résultat, hier, les files se
sont allongées devant les centres d'accueil des étrangers et, dans un entretien au quotidien Le Monde, Yannick Blanc, le
directeur général de la préfecture de police de Paris, a expliqué ou avoué que ce sont «des milliers de familles qui vont être
régularisées», ce qui -est-ce bien surprenant ?- a immédiatement fait réagir.
Jean-Marie le Pen a dit redouter la création d'une nouvelle filière d'immigration familiale. Il voit là une bonne occasion de
rappeler que la fermeté c'est lui et personne d'autre. Et il a formulé cela en expliquant qu'on savait déjà que le Kärcher du
ministre de l'Intérieur n'était qu'un brumisateur, et qu'aujourd'hui on apprenait que s'il voulait effectivement organiser des
charters de clandestins, c'était vers la France et non l'inverse. Ambiance. Ceux qui pensaient que la campagne présidentielle
ne se ferait pas sur les thèmes de la violence et de l'immigration se sont un peu trompés. D'ailleurs pour couper court à une
polémique qu'il sent monter, Nicolas Sarkozy a cru bon de contredire et même de remettre à sa place Yannick Blanc en
rappelant que tous ceux qui parlent de chiffres parlent de sujets qu'ils ne connaissent pas, ce qui est pour le moins
surprenant pour un directeur général de préfecture de police chargé du dossier.
En réalité, Nicolas Sarkozy veut du cas par cas. Or le cas par cas reviendrait à examiner entre 50 et 100 000 dossiers
suivant le Réseau Education sans Frontières. Une tâche difficile et presque insurmontable qui reviendrait à mettre en place
une vraie politique de régularisation sans le dire. Ou sans s'en rendre compte, ce qui est plus étonnant. Finalement la grande
leçon de tous cela, c'est qu'il ne faut jamais parler plus vite que notre ombre.
par Patrice Biancone
http://www.rfi.fr/actufr/articles/079/article_44894.asp