Discrimination aux ADP ? Historique, un Noir concerné et trois collègues blancs solidarisés accusent !
21/07/2006
Les histoires de racisme à l’emploi, de discrimination dans les évolutions de carrière paraissent être en définitive le lot
commun de la vie des entreprises en France, petites ou grandes, signataires ou non de chartes très médiatiques sur la
diversité, l’éthique et contre le racisme. Le journal L’Humanité -10.07.06- s’est fait l’écho d’une nouvelle affaire de
discrimination présumée ayant conduit au licenciement de quatre agents de maîtrise travaillant à l’agence signalétique des
Aéroports de Paris [ADP] à Orly.
Ainsi que l’a confirmé à la rédaction d’Afrikara.com Thierry Badjeck, celui par qui tout est arrivé, cette affaire est
historique en ce sens que, pour une fois dans une affaire de discrimination de cette ampleur, des personnes non concernées
immédiatement, blanches, se solidarisent et soutiennent jusqu’au bout des procédures leur collègue. Au point de se faire elles
aussi licencier !
En fait c’est en 2005, en prélude à la privatisation annoncée de l’entreprise ADP que, dans le cadre du renforcement du
service où travaille Thierry Badjeck et ses collègues, Thierry (un autre), Didier et Pascale, un poste de cadre est à pourvoir.
Ce poste correspond selon les accusateurs aux compétences de Thierry Badjeck, qui jouit d’une ancienneté de quatre ans,
travaillant sur une mission similaire à laquelle devait être rajoutée du management.
Seulement la responsable du service ne semble pas l’entendre de cette oreille puisque, contrairement aux procédures
habituelles de la maison qui consistent à rechercher les compétences en interne via un intranet puis le cas échéant se
retourner vers l’extérieur, le choix de recourir à un intérim est fait par l’entreprise, la chef de division précisément. Ainsi le
poste n’est affiché en interne que le 13 mai 2005 alors que le 28 avril une intérimaire passait déjà un entretien d’embauche.
Sans se démettre pour quelque chose qui se présente comme joué d’avance, Badjeck postule tout de même pour le poste de
cadre. Reçu le 12 juillet 2005, il se voit éconduit avec cette phrase d’une délicatesse digne des immondices de luxe qui
pavent l’encadrement de bien des firmes : «Vous-même vous savez pourquoi». Stupéfait, l’impétrant est ensuite interrogé sur
ses origines, celle de ses parents !
L’autre Thierry, l’un des trois collègues solidaires de leur camarade témoigne d’avoir parlé avec la responsable de la
promotion de Badjeck dont le profil est considéré adapté à l’emploi. Perle de délicatesse de nouveau en guise de réponse :
«Non, ce n’est pas pour les Blacks».
Les quatre se révoltent, alertent la direction, les syndicats, avant de subir divers harcèlements : une tentative de les
rétrograder arrêtée par l’intervention ses syndicats, des empêchements professionnels, la partie la plus intéressante de leur
travail est confiée à des intérimaires qui ne se privent pas de les railler. Ces pressions ont progressivement raison des quatre
qui sont mis en arrêt maladie, à l’exception de Badjeck qui devra s’y résoudre, succombant déprimé nerveusement aux
provocations d’un responsable des ressources humaines qui l’effondreront.
C’est alors que les indésirables, évoluant dans de telles conditions sollicitent «un droit de retrait», c'est-à-dire un droit de
quitter leur poste, considérant l’exercice de leur fonction risquée pour leur santé. L’inspection du travail alertée dénoncera
leur situation mais estimera injustifié le droit de retrait. C’est à partir de cet avis que la direction décidera du licenciement
des quatre agents de maîtrise, avec quinze ans d’ancienneté pour les camarades de Badjeck, pour «exercice abusif du droit
de retrait».
Pourtant entre-temps, selon Thierry, cette même direction avait proposé que Badjeck quitte la société avec un chèque, et que
ses collègues blancs soient eux … reclassés. Refus net des quatre. Fin mai 2006 la décision de licenciement est prise. Les
quatre collègues entendent porter l’affaire aux Prud’hommes exigeant leur réintégration et pour Badjeck sa promotion.
Selon Thierry Badjeck et l’actualité lui donne raison, le cas Laurent Gabaroum opposé à l’entreprise Renault relaté en juin
2006 par Afrikara.com est là pour l’illustrer, «C’est une histoire banale qui se produit tous les jours en France» [source
l’Humanité, 10.07.06], à la différence que eux ont dit non, le discriminé se levant pour revendiquer ses droits, et ses
collègues refusant le confort de l’indifférence pour faire reculer un véritable fléau national, celui de la relégation des non
conformes de couleur, pour peu qu’il s’agisse de visibilité professionnelle.
Afrikara
http://www.afrikara.com/index.php?page=contenu&art=1329