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1. De la « recherche historique » des négationnistes aux « modernes négriers »
de « l’Usraël »
Depuis que Dieudonné a annoncé son intention de présenter sa candidature à la
présidence de la République, il a ajouté à la galaxie des sites voués à sa
glorification un site spécifiquement politique, www.dieudo.net/2007 (qui est une
« déclinaison » du « site officiel », c’est-à-dire commercial, de Dieudonné,
www.dieudo.net). Ici, l’« humoriste » Dieudonné ne pratique pas l’humour.
Articles, communiqués, tout se veut très sérieux. Ainsi, l’affichage sur le
site, en bonne place, de l’intégralité d’une dépêche intitulée « Caricatures :
le Guide suprême iranien dénonce une “conspiration sioniste‿ » ne doit pas
être compris comme une facétie mais comme une marque d’adhésion de Dieudonné et
de son équipe à la théorie de la « conspiration sioniste ».
Lorsque nous disons : Dieudonné et son équipe, il s’agit notamment des membres
de son « bureau de campagne » dont la liste est donnée sur le site. Un bureau
formé d’illustres inconnus, à deux exceptions près : le cinéaste Francesco
Condemi, compagnon de route du conspirationniste Thierry Meyssan, et Ginette
Hess-Skandrani, exclue des Verts en raison de ses affinités avec les
négationnistes.
Dans un article daté du 8 février 2006, qui figure sur le site « présidentiel
» de Dieudonné, Mme Skandrani ne se cache pas de son identification avec « tous
les exclus de la pensée dominante », entendez par là ceux qui défendent « la
liberté d’expression, y compris dans la recherche historique » (la « recherche
historique » en question désignant, dans le vocabulaire propre au milieu auquel
appartient Ginette Skandrani, la propagande négationniste).
Ginette Skandrani est une familière de Dieudonné. Le 19 février 2005, lorsque
Dieudonné tient une conférence de presse après avoir associé la mémoire de la
Shoah à une « pornographie mémorielle », c’est Ginette Skandrani qui est
responsable de l’accueil des journalistes à l’entrée de la salle. En novembre
2004, déjà, Ginette Skandrani s’était associée avec la négationniste Maria
Poumier pour publier un compte rendu enthousiaste d’une rencontre entre
Dieudonné et des « rabbins antisionistes » qui appelaient au « démantèlement »
de l’État d’Israël.
Or voici que Maria Poumier est de retour... sur le site dieudo.net/2007. Elle
y publie un article daté - le hasard fait bien les choses - du 8 février 2006,
soit exactement le même jour que l’article signé Ginette Skandrani. Sous le
titre « De l’antisionisme à l’afrocentrisme », Maria Poumier accuse « l’USraël »
d’avoir « lancé une vaste campagne médiatique » sous couvert de défendre la
liberté d’expression. Cette entité nommée « l’Usraël » (elle écrit parfois « US
», parfois « Us », mais les deux orthographes sont conformes à un usage
typiquement néo-nazi) est en fait, écrit-elle, la « métropole » d’où s’effectue
la colonisation de nos pays. Et d’expliquer que « nos maîtres Usraéliens
espèrent capitaliser à leur profit les réflexes d’autodéfense des non musulmans
à partir de leur bon droit indéniable d’autochtones majoritaires ».
Maria Poumier, une enseignante d’espagnol qui fréquente de longue date les
milieux rouges-bruns (de moins en moins rouges et de plus en plus bruns), ne
cache pas son admiration pour le négationniste Roger Garaudy et diffuse sa prose
« antisioniste » sur des sites internet désormais interdits d’accès par la
justice française, utilise la tribune généreusement offerte par Dieudonné pour
s’en prendre aux « maîtres du Discours » qui espèrent « briser la compassion et
la sympathie européenne pour les Palestiniens ». Et voici comment le complot
prend forme : « Il s’agit, pour les modernes négriers [NDLR : référence
transparente aux propos antisémites de Dieudonné sur les « négriers reconvertis
dans la banque, le spectacle et aujourd’hui l’action terroriste »] qui
prétendent nous gérer comme une variable à neutraliser, dans leur plan pur de
domination mondiale, de faire se dresser les uns contre les autres les
autochtones européens contre les autochtones du monde arabe ». Ainsi,
écrit Maria Poumier, « l’Europe » est « vidée de sa substance au profit d’un
pouvoir extérieur, l’Usraël, qui jubile ».
Dénonçant « nos ennemis, les agents de l’Axe Usraélien », Maria Poumier fait
remarquer à ses compagnons dieudonnistes que « les organismes qui se disent
représentatifs des Juifs sont aussi ceux qui ne sont pas liés par
l’enracinement, si ce n’est dans une enclave coloniale en Palestine, ailleurs,
dans un Israël improbable, n’existant que comme arsenal ». Et c’est alors
qu’elle complète son propos conspirationniste par une envolée ouvertement
négationniste, en s’en prenant à « l’adversaire, qui propose deux armes de
domination mentale concomitantes, quoiqu’inconciliables, mais également
impérieuses : le dogme de la démocratie fondée sur une définition dogmatique
d’un Holocauste ».
Le problème, c’est que tant d’antisionisme, de conspirationnisme et de
négationnisme ne suffisent pas à satisfaire les adeptes de Dieudonné. D’où la
chute : « Quel rapport avec l’afrocentrisme, tout cela ? L’Afrique globale
partage avec la Palestine le privilège du martyre. L’Afrique noire meurt de
faim, et lorsque les affamés tentent de rejoindre les rivages des nations
repues, ils sont repoussés, par les armées, les polices, les lois, et le réflexe
défensif de ceux qui redoutent qu’on leur arrache le pain de la bouche. Les
Africains soutiennent les Palestiniens, car ils savent ce que nous devons tous à
leur résistance contre le néocolonialisme Usraélien ; à la conférence de Durban
de 2001, ce sont eux qui ont fait savoir qu’Israël est le pays du racisme et de
l’apartheid. »
CQFD.
2. Le combat contre « la revendication par les Juifs de leur supériorité et de
leur exclusivisme »
Le 10 mars 2006, on trouve en première page du site internet officiel de
Dieudonné Mbala Mbala, candidat à l’élection présidentielle (dieudo.net/2007),
la proclamation suivante : « Le concept d’holocauste juif étant le seul dogme
obligatoire d’une Europe censément laïque a très peu à voir avec la Deuxième
guerre mondiale et ses atrocités. Il a tout à voir, en revanche, avec la
revendication par les Juifs de leur supériorité et de leur exclusivisme. »
Cette proclamation renvoie à un article intitulé : « Pour qui sonne le glas ?
», dont le lecteur est invité à lire l’intégralité sur le site. Les animateurs
du site de Dieudonné sont si fiers de leur découverte qu’ils la replacent en
tête de leurs articles, le 12 mars, avec la date du 12 pour assurer qu’elle
figure à nouveau en haut de la liste - un peu au-dessus d’un autre article
signé, sous un pseudonyme transparent, par un négationniste précédemment
licencié d’un organisme public en raison de son militantisme antisémite.
Quelques jours passent, les aficionados de Dieudonné ont eu largement le temps
de méditer le texte qui leur a été offert, et soudain ce texte disparaît. Que
s’est-il passé ?
Hypothèse charitable : quelqu’un, au sein du brain trust de Dieudonné, a
compris que l’article en question n’était, disons, pas très convenable. Mais
cette hypothèse est peu convaincante, car une lecture même rapide du site
Dieudo.net/2007 (ou de son frère, Lesogres.org) montre que des discours
analogues y sont repris soir et matin.
D’où une autre hypothèse, plus vraisemblable : l’article est signé « Israël
Shamir », et un des conseillers de Dieudonné a compris que ce nom sentait le
soufre. Un livre récemment publié en France, portant la même signature, n’a-t-il
pas valu à son éditeur une condamnation pour incitation à la haine raciale ? La
fine équipe de Dieudonné voit le danger, et l’article passe à la trappe sans
autre forme de procès (si l’on ose dire).
Aucune explication n’est offerte aux fidèles de Dieudonné sur les motifs de ce
retrait. On ne leur dit évidemment pas que le contenu de l’article poétiquement
intitulé : « Pour qui sonne le glas ? » serait en quoi que ce soit
répréhensible, ni même qu’il prêterait le flanc à la critique. Les fidèles de
Dieudonné ont donc toutes les raisons de croire que ce qu’ils ont appris à la
lecture de cet article, concernant le « dogme » de l’« holocauste juif » ainsi
que la « supériorité » et l’« exclusivisme » revendiqués par « les Juifs », est
parole d’Évangile. Ils pourront aussi, sans grande difficulté, rafraîchir leur
mémoire et communiquer ces révélations à leurs camarades et amis car, au moment
où il disparaît du site Dieudo.net/2007, l’article « Pour qui sonne le glas ? »
fait son apparition sur le site islamiste Quibla.net et sur divers autres sites
conspirationnistes, antisémites et négationnistes. Tout cela justifie qu’on y
regarde d’un peu plus près.
Un mot, d’abord, sur le signataire. Ce n’est pas vraiment un nouveau venu. «
Israël Shamir », qui se présente comme un Israélien pacifiste habitant Jaffa,
est né en URSS sous le nom de Schmerling. Il a émigré en Israël, puis il est
rentré à Moscou, où il a collaboré à la presse d’extrême droite (notamment le
journal fasciste Zavtra) sous le pseudonyme de Robert David. Il est connu en
Suède, pays dont il a la nationalité sous le nom de Jöran Jermas, comme auteur
de textes conspirationnistes diffusés dans les milieux d’extrême droite. Dénoncé
comme antisémite dès 2001 par l’équipe du site de référence pro-palestinien
Electronic Intifada, son audience est désormais réservée aux milieux « rouges
bruns » et à la secte négationniste. Depuis sa conversion annoncée au
christianisme, il ajoute à sa palette des éléments empruntés à l’antisémitisme
chrétien médiéval qui s’entremêlent bizarrement avec la logomachie «
antisioniste » issue de l’école stalinienne.
Le « site de campagne de Dieudonné » nous ressert donc fièrement un rogaton de
propagande antisioniste dont les plus ardents défenseurs de la cause
palestinienne ne veulent plus. Dieudo.net nous apprend également que l’article a
été traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier. Encore une référence, quand on
sait que Marcel Charbonnier a été éjecté il y a quelques années de l’association
« France-Palestine Solidarité » en raison de son activisme antisémite.
L’article de Schmerling-David-Shamir-Jermas (nous écrirons désormais, en
abrégé : SDSJ) est précédé d’un « chapeau » significatif : « David Irving a été
emprisonné pour déni de la supériorité juive. Son sort scelle le règne de la
liberté inauguré par la chute de la Bastille. » Cette entrée en matière, en même
temps qu’elle donne le ton de l’article, en indique le point de départ : la
récente condamnation à trois ans de prison, par un tribunal autrichien, du
négationniste britannique David Irving.
Jeu 29 Juin - 21:40 par mihou