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 Résistantes sénégalaises à l’esclavage arabe:Les femmes de N

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mihou
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mihou


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Résistantes sénégalaises à l’esclavage arabe:Les femmes de N Empty
15062006
MessageRésistantes sénégalaises à l’esclavage arabe:Les femmes de N

Résistantes sénégalaises à l’esclavage arabe : Les femmes de Nder
07/06/2006


Voilà un fait particulièrement tragique resté longtemps dans la mémoire des Sénégalais. L’histoire des femmes de Nder qui, un

mardi du mois de novembre 1819, se sacrifièrent collectivement pour ne pas tomber entre les mains d’esclavagistes maures.

Un bel acte de résistance à découvrir dans le livre de Sylvia Serbin, Reines d’Afrique et héroïnes de la diaspora noire,

éditions Sépia.



Par Sylvia Serbin



Résistantes sénégalaises à l’esclavage arabe:Les femmes de N 6374
Tiédos (soldats du Walo)




A cette époque, le Walo constituait une province prospère située à l’embouchure du fleuve Sénégal. Ses habitants, de

paisibles cultivateurs, vivaient du commerce avec les caravaniers du commerce transsaharien et avec les gens de Saint-Louis,

première capitale coloniale du Sénégal, où ils écoulaient leurs denrées agricoles. Le fleuve séparait le Walo de la Mauritanie

où était notamment établie la tribu des Trarzas. D’eux, on ne savait jamais à l’avance s’ils débarqueraient en clients pour

échanger des marchandises ou en ennemis pour se ravitailler en captifs. Toujours est-il que depuis l’installation des troupes

françaises à Saint-Louis, les Maures ne cessaient d’accentuer leur pression contre le Walo, qu’ils voulaient faire passer sous

leur contrôle, afin d’empêcher la région de tomber sous domination européenne.

Cette année là, une longue période d’accalmie avait succédé aux violents affrontements dont les guerriers maures et leurs

alliés Toucouleurs étaient une fois de plus sortis vainqueurs. On était au début de la saison sèche et Nder vivait un peu au

ralenti. Le Brak (le roi) était à Saint-Louis pour se faire soigner d’une mauvaise blessure reçue lors de la bataille de Ntaggar

contre les Maures justement. Comme à l’accoutumée, les dignitaires du royaume étaient du voyage et une bonne partie de la

cavalerie les accompagnait.

Ce mardi comme les autres jours, les hommes avaient rejoint les champs dès l’aube, la daba (houe traditionnelle) sur l’épaule.

D’autres s’étaient rendus à la chasse, tandis qu’un troisième groupe avait pris la direction du fleuve où étaient amarrés leurs

barques de pêcheurs. Seuls quelques tiédos (soldats) étaient restés en garnison, et s’occupaient à astiquer nonchalamment

leurs grands fusils de traite.
Dans le village aux cases rondes livré aux femmes, aux enfants et aux vieillards, régnait l’animation du quotidien. Les coups

de pilon, en une ronde saccadée, redoublaient d’ardeur à moudre le mil. Les femmes, vaquant à leurs occupations,

s’interpellaient à l’intérieur des concessions. D’autres s’affairaient à l’entour des greniers où étaient entreposées les

dernières récoltes. Quelques-unes enfin bavardaient tranquillement sur la place du village, tandis que les jeunes enfants se

poursuivaient bruyamment autour de l’arbre à palabres où, le soir venu, les anciens avaient coutume de dérouler les histoires

du passé.

Résistantes sénégalaises à l’esclavage arabe:Les femmes de N 6375
Une attaque de Maures

Soudain un cri d’effroi troubla la quiétude du lieu. En un instant, les rires se figèrent, les pilons tombèrent, les concessions

se vidèrent. Tous les regards convergèrent vers la femme qui venait de franchir en trombe l’entrée du tata, ce mur d’enceinte

en branchages et terre glaise, censé protéger les villages en cas d’offensive.

La main agrippée à une calebasse ruisselant d’eau bien que vidée de son contenu, la femme haletait, terrorisée : « Les Maures

! Les Maures sont là ! Ils arrivent ! J’étais au bord du lac de Guiers et je les ai vus à travers les roseaux. Une armée de

Maures ! Ils ont avec eux une troupe de Toucouleurs conduits par le chef Amar Ould Mokhtar ! Ils s’apprêtent à traverser le

fleuve et viennent vers notre village ! »
Toutes les femmes crièrent en même temps. Elles savaient quel sort les attendait… Les Maures avaient repris leurs razzias

dans le Walo pour s’approvisionner parmi les autochtones. Un grand nombre d’hommes, de femmes et d’enfants seraient

arrachés à leurs familles pour être vendus comme esclaves aux riches familles d’Afrique du Nord. Cela avait toujours été

ainsi et Nder y avait perdu bien des fils et des filles.
Pendant ce temps, à quelques kilomètres de là, postés sur l’autre rive du fleuve, les cavaliers enturbannés venus du désert

s’apprêtaient à lancer leurs chevaux à l’assaut du village. Les femmes décidèrent aussitôt d’organiser la résistance avec les

soldats demeurés sur place.

A la hâte, elles expédièrent les enfants dans les champs avoisinants sous la conduite de leurs aînés, afin qu’ils se cachent

dans les hautes tiges de mil. Puis elles se précipitèrent dans leurs cases pour en ressortir vêtues de boubous et de pantalons

bouffants, qui d’un époux, qui d’un père, qui d’un frère ; les cheveux dissimulés sous des bonnets d’homme. Elles s’étaient

munies de tout ce qui pouvait servir à leur défense : coupe-coupe, lances, gourdins et même de vrais fusils qu’elles

s’apprêtaient à manier pour la première fois.

Résistantes sénégalaises à l’esclavage arabe:Les femmes de N 6376
Jeune esclave noire dans un harem arabe

Amazones d’un jour, ces femmes se battirent avec l’énergie du désespoir. Servantes, paysannes, aristocrates, jeunes, vieilles,

elles s’engagèrent, animées de leur seul courage, dans la terrible confrontation avec l’ennemi. Dans leurs chants de

célébration à la mémoire de ces femmes d’exception, les griots, illustrateurs des pages de l’histoire africaine, assurent que

ce jour là, elles tuèrent plus de trois cents Maures. Le combat était cependant inégal. Les tiédos furent rapidement

exterminés. Des rigoles de sang bouillonnant s’épandaient en une boue rougeâtre sur le sol de terre battue. Ca et là gisaient

pêle-mêle des cadavres et des blessés agonisants.
Face à la farouche détermination des survivantes qui, bien que désarmées, étaient supérieures en nombre à la colonne

ennemie, le chef Amar Ould Mokhtar lança à ses troupes l’ordre de dispersion. Les cavaliers du désert rangèrent leurs sabres

effilés, prirent leurs blessés en croupe et retraversèrent le lac. Vexé d’avoir été tenu en échec par de simples femmes, le

chef maure savait cependant qu’elles ne pourraient résister longtemps malgré leur bravoure. Ne voulant pas risquer d’abîmer

la « marchandise », il comptait revenir un peu plus tard, afin de les prendre vivantes pour en tirer un meilleur prix sur les

marchés d’esclaves.
Les femmes du Walo se sentirent perdues… A bout de forces, elles ne pouvaient soutenir une seconde attaque. Les hommes

avaient tous péri et le messager qui s’était précipité à la recherche de secours, arriverait sûrement trop tard. Tout espoir

était vain.


Résistantes sénégalaises à l’esclavage arabe:Les femmes de N 6377
Vue de St Louis au 19è siècle

C’est alors qu’une voix s’éleva au-dessus des clameurs, des lamentations et des hurlements de douleur. C’était Mbarka Dia, la

confidente de la linguère (reine) Faty Yamar. Elle seule savait se faire obéir des courtisanes énergiques et autoritaires qui

entouraient la reine. Prenant appui contre l’arbre à palabres, parce qu’elle-même avait été blessée, elle se mit à haranguer ses

compagnes :
« Femmes de Nder ! Dignes filles du Walo ! Redressez-vous et renouez vos pagnes! Préparons-nous à mourir ! Femmes de

Nder, devons nous toujours reculer devant les envahisseurs ? Nos hommes sont loin, ils n’entendent pas nos cris. Nos enfants

sont en sûreté. Allah le tout puissant saura les préserver. Mais nous, pauvres femmes, que pouvons-nous contre ces ennemis

sans pitié qui ne tarderont pas à reprendre l’attaque ? »
« Où pourrions-nous nous cacher sans qu’ils nous découvrent ? Nous serons capturées comme le furent nos mères et nos

grands-mères avant nous. Nous serons traînées de l’autre côté du fleuve et vendues comme esclaves. Est-ce là un sort digne

de nous ? »
Les pleurs s’arrêtèrent, les plaintes se firent plus sourdes… « Répondez ! Mais répondez donc au lieu de rester là à gémir !

Qu’avez-vous donc dans les veines ? Du sang ou de l’eau de marigot ? Préférez-vous qu’on dise plus tard à nos petits enfants

et à leur descendance : Vos grands-mères ont quitté le village comme captives ? Ou bien : Vos aïeules ont été braves jusqu’à la

mort ! »

Résistantes sénégalaises à l’esclavage arabe:Les femmes de N 4065
Le livre de Sylvia Serbin

La mort ! A ce mot, fusa une sourde exclamation. « La mort ! Que dis-tu Mbarka Dia ? » « Oui mes sœurs. Nous devons mourir

en femmes libres, et non vivre en esclaves. Que celles qui sont d’accord me suivent dans la grande case du conseil des Sages.

Nous y entrerons toutes et nous y mettrons le feu… C’est la fumée de nos cendres qui accueillera nos ennemis. Debout mes

sœurs ! Puisqu’il n’y a d’autre issue, mourrons en dignes femmes du Walo ! »…

Le soleil était maintenant haut dans le ciel. Un silence angoissant s’abattit sur le village. Muettes de désespoir, les femmes

s’avancèrent lentement vers la vaste case qui s’élevait, imposante, au milieu du village. Pas une n’avait osé s’opposer à Mbarka

Dia, de crainte que l’écho de leur couardise ne rejaillisse sur leur descendance. Une dernière fois elles contemplèrent le

décor familier de leur quotidien, laissèrent traîner leurs regards embués de larmes sur les volailles affolées, les greniers

pillés, les pilons abandonnés sur le sol, les marmites renversées, les cases éventrées et tous ces cadavres de proches qui

commençaient à gonfler sous l’effet de la chaleur…

Alors elles s’entassèrent dans la case principale. Quelques jeunes mères qui n’avaient pas voulu se séparer de leurs

nouveau-nés, les serraient contre leurs seins, à les étouffer. La dernière à pénétrer dans la pièce était enceinte et près de

son terme. Mbarka Dia ferma la porte. D’un geste précis, elle enflamma une torche et sans même un tremblement, la lança

contre l’une des façades de branchages. Aussitôt jaillit un immense brasier. A l’intérieur de la case, les femmes enlacées,

serrées les unes contre les autres, entonnèrent, comme pour se donner un dernier sursaut de courage, des berceuses et de

vieux refrains qui depuis leur enfance avaient rythmé leurs activités.

Résistantes sénégalaises à l’esclavage arabe:Les femmes de N 6378
Banquet des Européens de St Louis en 1855

Les chants commencèrent à faiblir… aussitôt remplacés par de violentes quintes de toux. C’est alors que la future mère,

guidée par son instinct de survie, poussa violemment la porte d’un coup de pied et, happant une goulée d’air, se précipita à

l’extérieur où elle s’évanouit sur la terre battue. Celles qui vivaient encore ne bougèrent pas. Quelques-unes eurent le temps

de murmurer : « Qu’on la laisse. Elle témoignera de notre histoire et le dira à nos enfants qui le raconteront à leurs fils pour

la postérité. » Celles qui n’avaient pas encore été asphyxiées continuaient à chercher dans leurs chants de supplique, le

courage de rester dans ce cercueil incandescent. Et les voix s’éteignirent peu à peu… Tout à coup, un effroyable craquement

domina le crépitement des flammes. La charpente du toit venait de s’affaisser sur les corps. C’est un silence de mort qui

accueillit les hommes arrivés trop tard au secours du village. Toutes les femmes de Nder avaient péri. Sauf une.
Les anciens affirment qu’à ce moment là, de gros nuages noirs voilèrent le ciel et tout devint obscur. Comme pour cacher la

douleur de ces pères, de ces fils et de ces époux, anéantis par un désespoir que ni leurs cris, ni leurs larmes ni même le

temps, ne sauraient apaiser. A partir de ce jour et pendant très longtemps, s’instaura dans le village de Nder un rite connu

sous le nom de « Talata Nder », pour honorer la mémoire de ces héroïnes. Chaque année, un mardi du mois de novembre,

aucune activité ne venait troubler cette journée de souvenir. Et pendant de longues heures, hommes et femmes, jeunes et

vieux, restaient enfermés à l’intérieur de leurs concessions pour prier et rendre hommage au sacrifice des femmes de Nder.
Aujourd’hui, me dit-on, ce petit village du Walo, symbole de résistance, est livré à l’abandon et à l’effacement de la nature,

comme de la mémoire. Aucune commémoration ne vient plus rappeler la page d’histoire qui s’y est écrite. Nos dignes ancêtres

de Nder ne mériteraient–elles pas mieux que l’indifférence après cette belle leçon d’héroïsme qu’elles nous ont laissée ?
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