L'impact du boycott arabe
Les appels au boycott des produits américains trouvent un large écho dans les pays arabes après le déclenchement par Israël, à la fin mars, de l'opération "Mur de protection". La violence des attaques de l'armée israélienne contre les infrastructures de l'Autorité palestinienne et les camps de réfugiés (comme à Jénine) ont incité les pays de la région à lancer une campagne contre les produits des pays traitant avec l'état hébreu et, plus particulièrement, américains, en raison de l'alignement de Washington sur les positions israéliennes. Une réunion s'est tenue à Dubaï, le 4 mai, à laquelle ont participé des comités arabes de boycottage d'Israël et des sociétés traitant avec l'état hébreu. Elle a décidé la mise en place d'un comité de coordination, d'un centre d'information et d'un site internet. Un site créé par des Egyptiens - www.inminds.co.uk - recense déjà toutes les compagnies ayant des liens avec les Israéliens. Bien souvent, les grandes firmes sont connues mais les différentes marques appartenant à ces groupes le sont moins. Sur ce site, elles sont énumérées avec des appels virulents au boycott.
Les Egyptiens, pourtant les premiers à avoir signé un traité de paix avec les Israéliens, sont en pointe dans ce combat mené contre les Américains et les Israéliens. Face à la dégradation de la situation dans les territoires, ils ne veulent pas apparaître comme abandonnant les Palestiniens. Durant le prêche du vendredi, le cheikh Ahmad n'a pas hésité à déclarer : "Boycotter les produits américains et israéliens est une obligation religieuse. Car les consommer est une trahison. C'est le minimum que l'on puisse faire pour dénoncer les massacres israéliens et l'appui des états-Unis à Israël". Les pays du Golfe se sentent eux aussi très concernés et, selon un responsable d'une chaîne de supermarchés présents à Bahreïn, Al-Muntazah, les rayonnages ont commencé à être vidés des produits américains pour être remplacés par des produits en provenance de la région, du Canada ou d'Europe. Les restaurants McDonald's sont également visés par ces mesures de rétorsion et, lors des mouvements de protestation qui se sont déroulés à Manama contre la politique américaine dans la région, deux d'entre eux ont été saccagés. Depuis, les établissements sont moins fréquentés mais, selon le patron de la chaîne, plus pour des raisons de sécurité que pour des motifs politiques : la frontière entre les deux est ténue.
Les conséquences pour les chaînes américaines sont visibles : selon un responsable d'une compagnie américaine basée à Koweït et qui représente des marques comme Pizza Hut et Baskin Robbins sur l'ensemble du Moyen-Orient, la baisse enregistrée des ventes et des profits au cours du premier mois qui a suivi le déclenchement de l'opération "Mur de protection" a été de 45 % en Jordanie, de 40 % en égypte et de 20 % dans les pétromonarchies. Depuis, cette tendance va en s'accentuant.
Mais des voix s'élèvent dans certains journaux, comme le quotidien jordanien Ad-Dustour, sur les conséquences du boycott des produits américains. Bouder McDonald's, les fruits, la viande, le pain, toucherait, selon lui, la main d'œuvre jordanienne et des milliers de familles jordaniennes, sans mettre en péril les intérêts américains. Et le journaliste d'ajouter : "tout en ayant de bonnes intentions, ceux qui appellent au boycott des produits américains et ceux qui pratiquent le boycott avec enthousiasme se trompent. Au lieu de boycotter les produits américains qui nous envahissent, il vaudrait mieux envahir les marchés et les têtes des Américains par nos produits et par nos idées". Par contre, dans le quotidien émirati Gulf News, cheikha Fatima, épouse du gouverneur de Ajman (un des émirats qui constitue la Fédération des émirats arabes unis) a appelé "l'ensemble des Arabes et des musulmans à boycotter les produits d'Israël et ceux de ses alliés, moyen effectif et pratique d'aider la cause palestinienne."
Le mouvement touche également le Maghreb et, plus particulièrement, le Maroc. Là encore, de nombreux journaux demandent à la population de se détourner des produits américains et israéliens au nom du soutien au peuple palestinien. Les symboles américains sont visés : McDonald's (qui possède 16 établissements à travers le royaume et qui a connu une progression continue au cours des dix dernières années) et Coca-Cola. D'après certaines estimations, la baisse des ventes pourrait atteindre 50 % cette année, par rapport à 2001. Pour se défendre des attaques de "complicité avec l'entité sioniste" lancées par les associations de soutien au peuple palestinien, les responsables de la chaîne de restauration américaine ont lancé une campagne de presse. Les responsables des sociétés américaines font valoir qu'elles sont créatrices d'emplois et que la chute de la rentabilité aura des répercussions sur le plan social avec des vagues inéluctables de licenciement. Actuellement, la chaîne McDonald's a créé 1 200 emplois au Maroc et elle récuse les accusations selon lesquelles elle ferait des donations à l'Etat hébreu.
Selon le quotidien gouvernemental syrien, Tichrin, un navire battant pavillon des îles Tonga a été mis sur la liste noire après avoir refusé de fournir, au ministère de l'économie, les papiers prouvant qu'il ne s'était pas arrêté en Israël. Déjà le mois dernier, deux bateaux enregistrés l'un à Malte et l'autre en Malaisie avaient été mis sur la liste noire, pour les mêmes raisons. La Syrie abrite le bureau du boycott arabe et a adopté, depuis la reprise de l'intifada, en septembre 2000, une position très dure à l'égard de toute compagnie travaillant avec Israël. Damas est beaucoup moins dépendant que d'autres pays de la région des produits américains et ses appels au boycott ont, de ce fait, pour lui des conséquences négatives limitées. Pour l'Egypte, très dépendante de l'aide de Washington (US$ 2 mds par an), l'enjeu est tout autre.
La dÈcision irakienne d'autoriser le retour des inspecteurs en dÈsarmement ne change en rien les motivations profondes de G. W. Bush qui sont, en fait, d'aboutir ý un remodelage complet de la scËne moyen-orientale. Contre l'avis d'une partie importante de l'opinion amÈricaine et en dÈpit des fortes rÈticences de la communautÈ internationale, l'administration Bush s'apprÍte ý lancer une guerre prÈventive contre l'Irak. Sa dÈtermination a ÈtÈ rÈitÈrÈe, fin aošt, par le vice-prÈsident Cheney et, plus rÈcemment, par le prÈsident Bush lui mÍme, devant l'AssemblÈe gÈnÈrale de l'ONU.