Liberté, Egalité, Fraternité ?
Par actuafricaine, samedi 19 novembre 2005 à 11:55 :: Général :: #560 :: rss
Les récents évènements dans les banlieues françaises ont définitivement mis à nu les insuffisances, que dis-je, l'échec de l'intégration à la française. Certains observateurs ont mis en cause l'hypocrisie consistant, au nom d'une soit disant égalité des citoyens, à ne pas comptabiliser ces populations. Pourtant cette mesure faciliterait leur suivi dans un parcours d'intégration, ainsi que le pratique l'Angleterre par exemple. Le pays de Tony Blair ne se pose pas de problèmes métaphysiques au moment de recueillir les renseignements sur l'origine ethnique de ses populations. Ces données lui permettent en effet de mesurer sa compétence d'intégration. En France, sitôt que vous êtes (régulièrement…) entré sur le territoire, vous êtes mis au même pied d'égalité que le citoyen lambda. Trop beau pour être vrai.
Au cours d'un débat sur le plateau de France Ô suite à la diffusion de Noires mémoires (Luc Laventure) le 26 octobre dernier, le président de la HALD (Haute autorité de lutte contre les discriminations) et ancien président de Renault, Louis Sweitzer, a été sommé par Patrick Karam (Président du Collectif des Antillais et Guyanais de France) de s'expliquer sur le cas d'un de ses employés, Laurent Gabaroum, Français de cinquante-quatre ans né au Tchad. Voici son parcours : « Déjà diplômé au Canada, Laurent Gabaroum arrive en France et entre chez Renault en 1975 comme veilleur de nuit, pour poursuivre des études le jour. Il obtient un DESS de gestion de transports puis un DESS de gestion du personnel. En 1985, sur intervention personnelle du PDG, 'Renault accepte qu'il devienne cadre', mais 'sans poste, sur des missions temporaires, parfois sans mission'. Dès 1986, Renault profite d'un plan social pour se débarrasser de lui. 'On lui propose une mesure d'aide au retour au pays', alors qu'il est français, et 'il est le seul licenciable parmi les cadres', pointe l'avocate. Il devra se mettre en grève de la faim pour rester dans l'entreprise. Par la suite, il effectue plusieurs 'stages de longue durée' comme s'il devait éternellement démontrer ses capacités. En 1990, il est enfin titularisé sur un poste d'attaché de communication, attribué en principe à un cadre en début de carrière. 'Il y reste dix ans, raconte l'avocate. Chaque année, il demande une mobilité, mais aucune proposition ne lui est faite.' En 2000, il passe enfin chargé de mission, mais s'occupe uniquement de certification ISO, un travail que Renault réserve d'habitude aux 'jeunes cadres ou aux agents de maîtrise en fin de carrière'. Le retard d'avancement implique un écart de salaire par rapport aux autres cadres. » (1) Edifiant.
Louis Sweitzer se défend tant bien que mal en disant qu'il ne compte pas ses employés en usant de critères ethniques. De tout le débat, ce moment a été le seul digne d'intérêt. Il a quand même valu à Patrick Karam d'être un bon moment mis à la touche des prises de parole. Heureusement, Stéphane Pocrain, dont le leitmotiv est que soit enfin posée en France la question sociale, ne l'a pas laissé définitivement mis en minorité. L'ex porte-parole des Verts est le seul à avoir eu droit aux applaudissements du public. Emboîtant le pas à PK dans une formulation peut-être moins agressive sans être complaisante, il a soutenu qu'il va falloir que la République compte enfin ses enfants et cesse de se cacher derrière une Egalité de façade à laquelle de toutes façons plus personne ne croît.
(1) http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-12-10/2004-12-10-452694