Liberté Par Claude Ribbe,
samedi 5 avril 2008 à 20:36 :: General
La
tentation d’asservir ses semblables remonte à l’aube de l’humanité et
continue, hélas. Mais, voici plus de cinq siècles, la soif de l’or, le
développement de la culture de la canne à sucre conjuguée avec la
maîtrise de la connaissance méthodique et des techniques nouvelles,
fait de l’esclavage, dans sa version transatlantique, une institution
d’un genre inédit. La déshumanisation de l’esclave, la racialisation
qui désigne
a priori et arbitrairement en fonction de
critères aussi aberrants que la couleur de la peau ou la forme du nez,
tels individus comme victimes potentielles, la soudaine codification de
l’institution, la rationalisation des méthodes de déportation et
d’exploitation marquent un tournant sans précédent aucun dans
l’histoire de l’humanité. Désormais, des êtres humains vont oser nier
que d’autres êtres humains soient humains et, forts de ce principe
sacrilège, ils vont oser agir en conséquence. De l’asservissement on
peut facilement passer à l’extermination. Il suffit d’avoir l’audace de
s’arroger à soi seul le droit de vivre, comme on s’est arrogé le droit
exclusif de profiter du corps des autres. Et c’est ce saut
qualitatif,
cette rupture dans l’histoire de l’Humanité qui donne soudain naissance
au préjugé de race, antinaturel et absurde au possible, diabolique
parce qu’il sait se nier tout en s’affirmant. Si, heureusement,
l’aspect légal de l’esclavage est partout banni depuis plus d’un
siècle, si la pratique de l’esclavage est reconnue comme un crime
imprescriptible, le préjugé de race survit partout, plus ou moins
insidieusement, au cœur même de la prétendue civilisation. Il est même
des hommes de science assez fous pour tenter encore de le justifier.
Mais depuis que le monde est monde, face aux hommes qui
asservissent, d’autres hommes et d’autres femmes luttent pour la
liberté. Leur liberté ou la liberté des autres ? Peu importe puisque la
liberté, c’est l’essentiel, ce qui fait que l’humanité est humaine. On
peut nier la liberté des autres comme on peut nier sa propre liberté,
mais on ne peut ni priver complètement un être humain de sa liberté
fondamentale ni renoncer vraiment à sa propre liberté. Ce serait
renoncer à sa qualité d’être humain : le seul choix impossible. Pas de
liberté non plus sans égalité ni fraternité ni vérité. C’est le combat
de ces hommes et de ces femmes à coups de sabre, à coup de plume, à
mains nues, et parfois seulement en résistant jusqu’à refuser de donner
la vie, jusqu’à se donner la mort, ce combat pour être simplement
humains qu’il faut absolument rappeler et honorer, sous tous les
prétextes.