LAMIA OUALALOU
26 mai 2006, (Rubrique International)
La réélection attendue du président colombien tranche sur l’évolution des autres pays du continent.
DANS LE PAYSAGE politique latino- américain, la Colombie est une île. Le pays, qui pourrait réélire dès demain le président sortant, Alvaro Uribe, est le seul à ne pas être touché par la vague de gauche qui a emporté l’essentiel du sous-continent depuis le début de la décennie. La Colombie partage deux mille kilomètres de frontière avec le Venezuela de Hugo Chavez, plusieurs centaines avec le Brésil de Luiz Inacio Lula da Silva et tourne le dos à ces deux modèles de la gauche latino-américaine. Pays andin, elle échappe aux métamorphoses politiques d’une Bolivie portant Evo Morales au pouvoir, d’un Pérou qui, en avril, a éliminé dès le premier tour de la présidentielle la seule candidate conservatrice avant de départager deux prétendants de gauche la semaine prochaine, et d’un Equateur tenté par le même chemin dans cinq mois. Le président Alvaro Uribe, ancré sans ambiguïté à droite, affiche sans complexe une alliance stratégique avec les Etats-Unis, que ses voisins honnissent. La gauche en déshérence en Colombie, c’est une vieille histoire. « Elle n’a plus de place depuis les années 1960 », explique la Colombienne Maria Fernanda Gonzalez Espinosa, politologue à la Sorbonne. La gauche a alors joué un double jeu, appuyant d’un côté la guérilla clandestine et tentant, de l’autre, de s’imposer sur la scène politique. Quand des dirigeants progressistes ont décidé de s’affranchir des armes et de se présenter aux suffrages, dans les années 1990, ils ont été massacrés par l’armée ou par les paramilitaires. Le discours de gauche est resté monopolisé par la guérilla marxiste. « Depuis, dans l’esprit des Colombiens, gauche est synonyme de guérilla et de violence », poursuit- elle. Un candidat issu des syndicats Comme le Venezuela, dont l ’histoire politique est très proche, la Colombie est, depuis 1958, pilotée par deux partis conservateurs qui se partagent le pouvoir. A la fin des années 1990 à Caracas, la verve de Hugo Chavez fit exploser ce système. En 2002 à Bogota, c’est celle d’Alvaro Uribe qui capte le vote des démunis. Pour la première fois pourtant cette année, un candidat de gauche paraît gagner les faveurs de la population. A la tête du Pôle démocratique, Carlos Gaviria incarne une aile progressiste qui n’est pas issue de la guérilla, mais des syndicats. Les sondages le créditent de près de 20 % des intentions de vote. « Ce serait un record historique », insiste Fernando Carrillo-Flores, de la Banque interaméricaine de développement et ex-ministre de la justice en Colombie. « La gauche pourrait cesser d’apparaître comme une option radicale aux yeux de la population, trouver sa place dans le paysage politique et, qui sait, l’emporter en 2010 ? » Cette métamorphose est déjà sensible dans les grands centres urbains, notamment à Bogota qui, en 2003, s’est choisi comme maire le syndicaliste Lucho Garzon. Reste à savoir si ces nouveaux dirigeants, qui séduisent l’université et les éditorialistes, trouveront des relais dans les mouvements sociaux et parmi des paysans toujours terrorisés par les questions de sécurité.
http://www.lefigaro.fr/international/20060526.WWW000000516_le_seul_pays_damerique_du_sud_qui_vote_a_droite.html