Les Noirs de France : Une révolte qui dérange la République ou les racistes !
Les Noirs ont subi l'esclavage, la colonisation dans le passé, après l'indépendance, la néocolonisation avec par exemple la pré-carrérisation des Etats africains (Tchad, Congo, Centrafrique, Côte d'Ivoire, Gabon etc...), et aujourd'hui la discrimination stratifiée en France où sont nés des Noirs, ou pays qu'ont choisi de vivre des Afrodescendants. La France des colonies ou l'Empire colonial doit rester une France monocolore et monoculturelle, pensent les Français racistes. La révolte des Exclus ou des Rejetés de la République a grondé dans les banlieues d'abord de grandes villes. Et demain ? La conscience gagne le camp des Noirs et la peur monte chez ceux qui refusent le brassage ethnique (les racistes). Ils oublient une réalité : la France est en train d'être "colonisée" par le multiracial et le multiculturel pour devenir inévitablement une France multicolore et multiculturelle comme l'Afrique du Sud ou le Brésil. C'était peut-être sans doute le Grand Rêve des explorateurs, des esclavagistes, et des colonisateurs français qui va être exaucé !
Enquête sur la question noire en France
Un document choc révèle la face cachée de la galaxie noire en France. Les extraits que nous publions sont édifiants. (Auteur : J.-M.S.)
Il y a une «question noire» en France. «Ne dites plus les Blacks ou les gens de couleur, dites simplement les Noirs.» L'homme qui parle, Louis-Georges Tin, est un brillant normalien mais aussi un des porte-parole du Conseil représentatif des associations noires (Cran) qui veut fédérer les associations africaines et antillaises. Une vieille idée qui n'a trouvé sa concrétisation que l'hiver dernier, avec, penchés au-dessus du berceau, Fodé Sylla, Stéphane Pocrain, Manu Di Bango, Basile Boli... Une fédération qui ambitionne de représenter 5 millions de personnes, Ivoiriens, Béninois, Antillais, Nigériens, unis, souligne Tin, par «une histoire de souffrances liées à la seule couleur de leur peau.» Mais la «question noire» n'a pas attendu le Cran pour s'inviter à la une de l'actualité. Faut-il dater son émergence de la candidature de Christine Taubira, auteur de la loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crimes contre l'humanité, à l'élection présidentielle de 2002? Faut-il évoquer les envolées de l'écrivain Calixthe Beyala contre la discrimination dans les médias ou les délires de Dieudonné qualifiant la commémoration de la Shoah de «pornographie mémorielle»? Pas simple car, on l'a compris, le pire côtoie ici le meilleur. Le 16 janvier 2005, les «indigènes de la République» lancent un appel contre «l'Etat colonial.» Un mois plus tard, les casseurs s'adonnent à des «ratonnades anti-Blancs» lors des manifestations lycéennes. En novembre dernier, ce sont les émeutes de banlieues «ethniquement homogènes». Quels rapports entre ces faits? Il est difficile sinon périlleux de mettre sur le même pied des groupes en mal d'identité et des pans entiers d'une population dynamique et créative malmenée parla crise. Les émeutes ont révélé aussi qu'au fur à mesure que les squats se vidaient leurs occupants, en majorité noirs, venaient remplacer dans les cités tous ceux qui gagnaient des quartiers plus valorisants. Des jeunes Noirs, nouveaux arrivants, qui n'ont connu que la crise économique (lire l'article de Frédéric Ploquin, p. 64) et qui se sont d'autant plus renfermés qu'ils n'ont jamais expérimenté la mixité.
Une chose est sûre: la couleur de la peau, hier jetée comme une insulte, est revendiquée avec fierté. «Est-ce un danger pour la République? Ou la fin d'une injustice?» Ces deux questions sont posées par le remarquable travail d'enquête réalisé par Géraldine Faes et Stephen SmithNoir et français!, Panama, 445p., 20 euros.. Un essai total puisqu'il mêle situations présentes et déboires du passé, scènes vues et analyses approfondies. Un appareil critique à saluer.
La véritable question qui vient en refermant l'ouvrage est: pourquoi un tel essai n'a-t-il pas été publié auparavant? Peut-être parce qu'il fallait un certain courage. Toujours est-il qu'il faudra désormais compter avec ce livre. Le Black Power à la française n'est pas - encore? - une force de proposition, mais il est déjà une source de réflexion.
EXTRAITS
«Des traîtres et des lâches»
Jour ordinaire dans un pays émietté: ce jeudi 23 septembre 2005 en début de soirée, dans une salle louée à la maison des Mines, résidence de passage pour les étudiants de l'Ecole des mines et des ponts et chaussées, dans le Ve arrondissement de Paris, quelque 150 personnes répondent à un appel pressant. Il émane des éditions Menaibuc, l'acronyme pour Men And International Books To Unify Civilization. Spécialisé dans la publication d'ouvrages traitant de l'histoire de l'Afrique et des Caraïbes, Menaibuc existe depuis une dizaine d'années et s'est doté, en 2003, d'une structure d'enseignement, l'institut Africamaat, qui dispense des cours de civilisations africaines. Son appel diffusé sur Internet, notamment sur le site grioo.com, «Alerte dans la communauté noire!», est signé par Jean-Philippe Omotunde, «auteur kémite [noir] originaire de la Guadeloupe, chercheur en histoire et enseignant.» Celui-ci explique s'être inspiré du célèbre livre de l'égyptologue sénégalais Cheikh Anta Diop, Alerte sous les tropiques, qui, en 1956, «révélait les faces cachées de tragédies qui allaient frapper les populations africaines, drames générés par un système néocolonialiste occidental voulant s'emparer par tous les moyens des richesses de l'Afrique au détriment de toute forme d'humanisme». Aujourd'hui, les périls à venir ne seraient pas moindres. «La négrophobie gagne du terrain», affirme l'appel. A 19 heures, la réunion [...] est sur le point de commencer. Le public, noir à trois exceptions blanches près, est composé à part égale d'hommes et de femmes. Moyenne d'âge: autour de la quarantaine. Tenue: plutôt élégante. Le droit d'entrée est de 5 euros, encaissés par deux dames, le service d'ordre léger, avec trois vigiles. [...]
Une animatrice annonce, comme une bonne surprise, la présence de Dieudonné. Bien qu'en représentation le soir même dans son théâtre de la Main-d'Or, il «a tenu à être parmi nous pour nous informer d'une affaire grave.» Surgissant d'une porte, très applaudi, l'humoriste franco-camerounais, en veste de treillis kaki, gagne l'estrade. Il explique: «Il y a trois ans, j'ai proposé un documentaire au Centre national de la cinématographie sur le Code noir», la table de loi de l'esclavage édictée en 1685, sous le règne de Louis XIV. «On me l'a refusé pour différentes raisons. Alors, j'ai lancé une souscription, qui a permis de réunir, pour l'instant, environ 30% du budget requis. Or, aujourd'hui, j'apprends que France 3 veut faire un film sur le Code noir! Sujet: «Un Noir tombe amoureux de sa maîtresse!» Ils ont trouvé le nègre de service pour réaliser ça. Je ne citerai pas son nom, des traîtres comme lui, il y en a à la pelle.» Rires dans la salle. «L'esclave amoureux de son maître, c'est un crachat à la face de notre histoire, du révisionnisme, du négationnisme! Il faut réagir! C'est une déclaration de guerre, une guerre ouverte! Ils disent:
- «Vous êtes amoureux de votre maître.» Pour l'instant, ils ont des traîtres et des lâches de leur côté, j'espère que ces lâches pourront se ressaisir... On va se mobiliser, on ne peut pas laisser faire cela. C'est une bataille terrible, une bataille de la mémoire. Ils ont choisi de nous insulter, il faut réagir.» La salle l'ovationne. Egalement à la tribune, Joby Valente, une ancienne actrice et chanteuse martiniquaise, vice-présidente du Collectif des filles et fils d'Africains déportés (Coffad), précise qu'elle a parlé, la veille, au «réalisateur traître, pour le mettre en garde». Elle n'indique pas son nom, mais on apprendra par la suite sur divers sites Internet qu'il s'agit du Guadeloupéen Jean-Claude Flamand-Bamy, réalisateur d'un long-métrage, Nèg Maron, produit par Mathieu Kassovitz et qui est sorti en salles en janvier 2005. Sans rencontrer de grand succès, ce film traitant des problèmes sociaux aux Antilles à travers l'amitié entre deux petits délinquants avait été remarqué. Toujours sans le nommer, Joby Valente rapporte que Jean-Claude Flamand-Barny a hésité à accepter la proposition de France 3. «Mais ma femme m'a convaincu que c'était une grande chance, lui aurait-il dit. Depuis, je reçois des mails d'insultes et des coups de fil menaçants.» Des cris fusent dans la salle: «Bien fait!», «Son portable, son portable!», «Ce n'est qu'un début!» Dieudonné s'assied au premier rang pour céder sa place à la tribune à l'un des intervenants annoncés de la soirée, Jean-Philippe Omotunde. L'historien prend des libertés avec son thème - «Le rôle des médias dans la marginalisation de la communauté noire» - pour élargir son propos. «Notre problème, c'est qu'il faut qu'on se lave le cerveau au Karcher, qu'on cesse de se déterminer par rapport aux Blancs, affirme-t-il. Les images de l'Afrique sont faussées, tout ce que l'on nous montre est faux: l'oeuvre française en Afrique, l'aide humanitaire...»
Scandale d'outre-Rhin
«Scandale outre-Rhin... Le 12 juin 2005, un village africain, véritable zoo humain comme au XLXe siècle, fermait ses portes dans le zoo d'Augsburg en Allemagne après avoir rencontré un vif succès.» Ainsi débute, par un chapeau en gras, l'article de Pascal Blanchard, historien de l'imaginaire colonial, et d'Olivier Barlet, rédacteur en chef de la revue Africultures, qui se conçoit comme «un espace de libre parole où se retravaille la fracture coloniale» et qui publie ce texte cosigné sous le titre: «Le retour des zoos humains». On y apprend qu'à l'instar des exhibitions de «sauvages» qui étaient très en vogue dans l'Occident au XIXe siècles et au début du XXe, des Africains ont été exposés pendant quatre jours dans un zoo allemand. «Des «nègres dans un zoo», décidément l'Occident a du mal à faire sortir l'Autre de la cage et semble reproduire éternellement les mêmes modèles», commentent les auteurs, ajoutant plus loin: «Et voilà quelques milliers de visiteurs, dont beaucoup d'enfants, qui, comme les millions qui auront précédé - notamment au Jardin d'Acclimatation à Paris, haut lieu de ces exhibitions au début du siècle -, associeront plus facilement les Africains au monde de la nature qu'au monde de la culture; qui dans quelques années, lorsqu'ils seront devenus supporters de football, lanceront des bananes et pousseront des cris de singes lorsqu'un joueur «un peu bronzé» entrera sur le terrain...»
Le message est clair: le racisme vient du colonialisme, qui nous a fait entrer dans un rapport d'altérité dont nous n'arrivons pas à sortir. Ce n'est sûrement pas faux, en général. Mais, en l'occurrence, ce qui s'est passé à Augsburg ne saurait être présenté comme un remake des «zoos humains» du XIXe siècle. Car, annoncé par une banderole à l'entrée du zoo, l'African Village - le recours à l'anglais permet aux organisateurs allemands une distanciation, de la même manière qu'on parle, en français, d'un boy - était en fait un bazar africain, une allée de stands, au demeurant tenus, pour les trois quarts d'entre eux, par des Blancs. Le «vif succès», aussi, doit être relativisé. [...] Entendons-nous: il est parfaitement légitime de crier au scandale quand la directrice d'un parc animalier, tout comme d'ailleurs le maire d'Augsburg, Paul Wengert, estime que le zoo est un lieu approprié pour permettre aux associations africaines d'accéder enfin au grand public, voire «précisément le bon endroit pour communiquer l'ambiance exotique», comme l'a soutenu Barbara Jantschke. Mais, par quelque bout qu'on prenne l'affaire, ce qui s'est passé à Augsburg n'est pas le même scandale que l'exhibition des Noirs au temps colonial.
Voilà une bonne leçon - inaugurale - pour l'histoire des présences noires en France: le présent et le passé ne sauraient être confondus. L'exemple d'Augsburg en est une illustration, mais il faut encore aller plus loin. Car, quand bien même des événements identiques se produiraient à l'initiative d'égales intentions, le contexte aura forcément changé. C'est d'ailleurs tout l'intérêt de la médiation temporelle - des changements subis à travers le temps - qui donne, littéralement, son sens à l'histoire. Ce sens se déchiffre à l'endroit et non pas à rebours. Quant à juger a posteriori les «bonnes» ou les «mauvaises» intentions liées à un événement, George Steiner met en garde contre le solipsisme de cette entreprise hasardeuse: «L'histoire, au sens humain, est un filet de langage lancé en arrière.» Dès lors, puiser avec des mots-valises d'aujourd'hui dans les eaux troubles d'hier n'est guère propice à la compréhension même si, souvent, la pêche se révèle miraculeuse.
Sam 27 Mai - 19:53 par mihou