Africains, Afrodescendants : « Nous souffrons d’un déficit d’humanité !»
22/05/2006
«Nous souffrons d’un déficit d’humanité !», c’est en ces mots empreints d’une émotion lourde et de cette empathie à fleur de peau qui la caractérisent que Rosa Plumelle-Uribe [Auteure de La Férocité Blanche, 2001, Albin Michel] ponctuait son intervention le 08 avril 2006 lors de l’ «Hommage aux Femmes» organisé par l’association BGA à la cité des sciences de La Villette à Paris.
Cette manifestation excellemment organisée avait réuni quelques militantes de longue lutte dont les propos, profonds et d’une grande simplicité n’avaient pas manqué de questionner un public attentif et participatif.
Et si c’était cela, si du moins c’était aussi cela ? Peut-on imaginer indemne un continent pris dans les rets des traites arabes puis transatlantiques, suivi des néocolonialismes, saigné de ses forces vives pendant cinq siècles de viols, de razzias, de rapts, de captures, de guerres, de déstabilisations, de fuites, de migrations suicidaires, de luttes permanentes, sans sommeil ni quiétude ? Peut-on penser que des peuples séparés, déportés, dépersonnalisés, privés de leurs langues, familles, repères culturels, enfermés dans le système concentrationnaire des plantations, déchus de leur dignité, esclavisés, instrumentalisés en force de travail, de jouissance, étrangers à eux-mêmes, … puissent retrouver spontanément un équilibre psychologique, social, sociétal, civilisationnel stable sans délais ?
D’où peut-être cette peur chevillée au corps dont prévenait l’africaine américaine militante des Droits civiques Amélia Boyton Robinson, plus de 80 ans et courant le monde prêchant la bonne nouvelle.
Cette peur, ce manque de confiance en soi, qui se reproduisent comme une malédiction frappant les élites comme le commun des sociaux, responsables de toutes les corruptions, toutes les trahisons, légions dans les milieux politiques associatifs, n’est-ce pas l’indice de ce déficit d’humanité ?
On se perdrait à tenter de faire l’inventaire, à tous les niveaux politiques, économiques, sociaux, culturels, religieux, etc. des nègres, africains et afrodescendants, brillantissimes dans leurs domaines respectifs, historiens, mathématiciens, navigateurs interplanétaire, informaticiens, hommes politiques, médecins, personnalités des médias, dont le degré d’avidité à courir après des strapontins aussi miteux qu’une vieille commission sans consistance, d’un incrément à peine alimentaire, plongent leur admirateurs dans la stupéfaction. Et leurs communautés dans une nuit interminable.
La structure inconsciente de la peur, de la psychose, la mémoire du manque, du rationnement, du vide, de la solitude, autant de facteurs qui projettent les fils et filles, descendants des colonies dans des stratégies qu’aucune confrontation à la dignité ne cautionnerait.
Haine de soi, honte de soi, prosternitude, corruptions, vacuité individuelle, découlent de ce déficit qui assied l’incapacité à décider, à se prendre en charge dans la durée, expulsant des possibles la rigueur, le professionnalisme, l’éthique, la plus grande et plus fine félonie passant toujours pour le chemin le plus court pour arriver… Chacun faisant le même raisonnement débile, personne n’y arrive. Mais tout le monde a déjà recommencé à investir dans les copinages impropres, les cooptations qui de l’âme des nègres font commerce. Lesquels brandissent les drapeaux de la lutte, entonnent les hymnes de la bataille, en donnant les plans d’attaque aux forces adverses. Déficit d’humanité, haine de soi. Et si c’est une approche pathologique qui devait avoir raison, en partie de ces pesanteurs existentielles ?
Le 08 avril 2006 des paroles fortes ont été dites, entendues, étonnamment oecuméniques pour des femmes qui n’avaient pas harmonisé leurs discours, et qui témoignaient d’expériences différentes,
enrichissantes, l’insistance de Mme Joby Valente sur le dignité et l’amour de soi, rejoignant Mme Robinson qui faisait un détour par le foi chrétienne pour la même conclusion, l’espoir étant mis au sommet de la pyramide de ces engagements, luttes quotidiennes des Africains et Afrodescendants. Luttes avant tout contre … eux-mêmes, si ce n’est en priorité et essentiellement.
Pierre Prêche
http://www.afrikara.com/index.php?page=contenu&art=1230
Lun 23 Jan - 6:36 par maria0033