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 Obasanjo s'attaque enfin à la corruption

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mihou
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mihou


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Obasanjo s'attaque enfin à la corruption Empty
18052006
MessageObasanjo s'attaque enfin à la corruption

Courrier international, no. 767
Afrique, mercredi 13 juillet 2005, p. 34

NIGERIA
Obasanjo s'attaque enfin à la corruption

Sharon LaFranière
The New York Times (New York)

Pour obtenir la réduction de sa dette, le pays le plus peuplé d'Afrique décide de combattre réellement la culture du bakchich. Une mission à haut risque.

DE LAGOS

L'un des pires moments que Dora Nkem Akunyili ait connus dans son combat contre la corruption, c'est quand Obumneme Akunyili, son fils de 13 ans, lui a demandé de ne pas venir le voir à son internat. Il ne voulait pas qu'on sache qu'elle était sa mère.

Ce n'était pas un sentiment de honte. Depuis qu'elle avait pris la tête de l'Agence alimentaire et sanitaire du Nigeria, en 2001, Dora Nkem Akunyili avait brisé un trafic illégal qui inondait le pays de médicaments contrefaits. Elle s'en était pris aux importateurs et à toute une série de fonctionnaires prêts à mettre en danger la vie de leurs compatriotes pour un pot-de-vin. Le jeune garçon craignait simplement ce qui pourrait arriver si les ennemis de sa mère le repéraient. Pendant des années, il l'a donc fait passer pour sa tante.

Au Nigeria, même les enfants connaissent les dangers de la corruption. Et les pays donateurs, qui ont depuis 1980 versé plus de 400 milliards de dollars aux pays africains pour en voir une grande partie disparaître dans le gouffre de la fraude, des malversations et du gaspillage, sont de plus en plus sensibles à ce problème.

L'enthousiasme des pays donateurs s'est réveillé

Déçus, ils se sont détournés de l'Afrique pendant des années, mais les milliards recommencent à affluer. Les pays les plus riches du monde viennent [au sommet du G8, à Gleneagles] d'effacer la dette des dix- huit Etats les plus pauvres de la planète. Mais le "géant de l'Afrique" ne fait pas partie des heureux élus.

Aucun pays au monde n'illustre le défi aussi bien que le Nigeria. Baignant dans le pétrole et le gaz, qui ont déversé dans ses caisses 300 milliards de dollars en vingt à trente ans, il reste cependant désespérément misérable. Lagos, sa capitale, qui regroupe 15 millions des 137 millions d'habitants du pays, fait partie des villes les plus anarchiques du monde, avec ses égouts à ciel ouvert, son eau du robinet fétide et ses rues jonchées d'ordures.

Pour Jeffrey Sachs, un économiste de l'université Columbia qui a rédigé en décembre 2004 un rapport pour les Nations unies sur la lutte contre la pauvreté, il existe au moins une vingtaine de pays pauvres capables de gérer une injection rapide d'aide étrangère. Selon le Millennium Challenge Account (MCA) - un fonds de 1,5 milliard de dollars annuel, créé par le gouvernement Bush pour promouvoir la croissance économique dans les pays pauvres -, seuls sept pays pauvres d'Afrique remplissent ces critères et six autres sont près d'y parvenir.

Le Nigeria est l'un des nombreux Etats à avoir gaspillé l'aide internationale. Si on exclut les prêts de la Banque mondiale, qui ont pu atteindre 1 milliard de dollars certaines années, il a reçu 3,5 milliards de dollars entre 1980 et 2000. Soit quelques millions de moins que ce que Sani Abacha aurait volé au cours de ses cinq années de dictature militaire, avant de mourir, en 1998. Consternés, les donateurs ont réduit ou interrompu leurs versements. L'aide accordée au pays en 1999 atteignait la moitié des sommes de 1990.

Selon les audits réalisés ultérieurement, des centaines de millions de dollars de prêts internationaux ont servi à financer des projets bancals. Le gouvernement nigérian n'a jamais mis à disposition le site qui devait accueillir un projet de construction de 18 millions de dollars. On a dépensé des millions pour des usines de papier qui n'ont jamais produit la moindre feuille. Dix-huit projets représentant 836 millions de dollars n'ont jamais été achevés ; quarante-quatre autres soit n'ont jamais été opérationnels, soit ont été rapidement interrompus, selon le ministère des Finances nigérian. Sur vingt autres projets lancés entre 1985 et 1992, plus de la moitié n'ont eu que peu d'effet ou n'étaient pas viables, conclut la Banque mondiale.

L'enthousiasme des pays donateurs s'est toutefois réveillé avec l'élection d'Olusegun Obasanjo en 1999. Celui-ci avait des références impeccables en matière de lutte contre la corruption : il avait contribué à la fondation de l'ONG Transparency International et soutenu un programme mis en place par les dirigeants africains pour étudier la conduite des affaires publiques et le respect de la démocratie sur le continent. L'aide au Nigeria a doublé depuis son élection. L'effacement de la dette du pays - 32 milliards de dollars -, jadis impensable, est aujourd'hui considéré comme envisageable.

Le premier mandat d'Obasanjo s'est cependant achevé sans grands progrès. "Il voulait un second mandat. Or il pensait que, s'il prenait la guerre contre la corruption trop au sérieux, certains [responsables corrompus] feraient en sorte qu'il n'en ait pas de second", explique Jibirin Ibrahim, un politologue qui dirige Global Rights, une association nigériane pour la démocratie. "C'était une erreur stratégique, parce que ces individus ont pu ainsi s'enraciner encore plus dans le système."

Obasanjo a encore deux ans avant la fin de son deuxième mandat, et sa croisade semble avoir repris de l'élan. Le ministre de l'Education a été arrêté pour avoir corrompu des députés ; le ministre du Logement a été remercié pour avoir vendu des biens publics à vil prix ; et le chef de la police a été emmené menottes aux poignets pour blanchiment d'argent.

Certaines initiatives lancées précédemment semblent en outre porter leurs fruits. Selon Oby Ezekwesili, un conseiller du président, le gouvernement a économisé 1,3 milliard de dollars depuis le début de l'année en favorisant les offres compétitives dans l'attribution des contrats. Mais le travail qui reste à accomplir est énorme - abroger l'immunité accordée par la Constitution à la plupart des hauts fonctionnaires, ouvrir les fichiers du gouvernement au public et informer celui-ci sur le patrimoine des fonctionnaires, entre autres.

D'autres obstacles subsistent. Bien que la première décision d'Obasanjo en tant que président ait été d'établir une commission anticorruption, celle-ci n'a obtenu que deux condamnations sur quatre-vingt-cinq mises en accusation. Mustapha Akanbi, le juge à la retraite qui la dirige, soupçonne certains magistrats d'avoir été achetés.

"C'est comme une guerre, ils ripostent"

Les ministres font également de la résistance. Le ministre de la Santé a ainsi refusé de licencier un directeur d'hôpital qui touchait des pots-de-vin, jusqu'à ce que Mustapha Akanbi se plaigne personnellement auprès du président.

Quand Dora Nkem Akunyili a pris ses fonctions, il y a quatre ans, les quatre cinquièmes environ de son personnel étaient corrompus, a-t-elle déclaré récemment lors d'un entretien. Pis encore, deux médicaments sur trois vendus au public étaient soit illégaux soit dangereux pour les consommateurs. Ses agents procèdent régulièrement à des destructions de médicaments contrefaits saisis dans les aéroports, les ports, les laboratoires clandestins et les points de vente. Un contrôle effectué l'an dernier a montré l'impact de cette politique : seul un médicament sur huit était illégal. Les grandes entreprises pharmaceutiques sont revenues au Nigeria, et les autres pays africains ont décidé de lever leur interdiction sur les médicaments nigérians.

Dora Nkem Akunyili croule sous les récompenses, mais sa famille la presse de démissionner. Sept mois après sa prise de fonctions, dix hommes armés ont envahi sa maison et ne sont partis qu'après avoir constaté qu'elle était absente. En décembre 2003, on a tiré sur sa voiture. Le chauffeur d'un bus qui passait par là a été tué. Une balle a traversé la coiffe bleue de Dora Nkem Akunyili, lui éraflant le crâne au passage. "C'est comme une guerre, dit-elle. Ils ripostent."


Encadré(s) :

G8 encourageant

Courrier international

A l'issue du sommet du G8 de Gleneagles, le président nigérian Olusegun Obasanjo a noté des "signes encourageants", soulignant que le G8 et le Premier ministre Tony Blair avaient "affronté de façon réaliste et efficace les problèmes du continent".
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