Fantômes de l’apartheid
AFRIQUE DU SUD - 7 mai 2006 - par ÉLISE COLETTE
La publication par l’hebdomadaire Sunday Independent, le 30 avril, des principales conclusions d’un rapport rédigé en 1992 par le général Pierre Steyn à la demande de l’ancien président Frederik De Klerk confirme ce que nombre de Sud-Africains soupçonnent depuis longtemps : certains éléments de l’armée et de la police du régime d’apartheid auraient participé à diverses tentatives de déstabilisation du régime de transition entre 1990 et 1994. Alors que le gouvernement De Klerk négociait avec le Congrès national africain (ANC) les modalités de la fin de l’apartheid, un groupe d’officiers blancs aurait noué des liens avec la « troisième force », comme on surnommait à l’époque les groupuscules extrémistes qui prenaient pour cible les mouvements de libération noirs.
Tenu secret quatorze ans durant, le rapport Steyn accuse un certain nombre de hauts responsables d’avoir fait l’impossible pour envenimer les relations entre le Congrès panafricain (PAC) et l’ANC, fût-ce par des assassinats, d’avoir participé aux affrontements qui ont ensanglanté le KwaZulu Natal et d’avoir commandité plusieurs attentats contre des trains près de Johannesburg (plusieurs centaines de morts et de blessés). Il prouve par ailleurs que certains militaires ont comploté en vue de renverser De Klerk et qu’ils possédaient des stocks d’armes dissimulés en Afrique du Sud même, mais aussi dans les pays voisins et jusqu’au Portugal. Nom de code de l’opération : « Projet Pastoor ».
Si, en 1992, ces informations ne sont pas sorties du bureau de De Klerk, plusieurs militaires de haut rang ont été immédiatement limogés. Ensuite, plus rien. La Commission vérité et réconciliation a consulté le rapport sans prendre aucune sanction. D’ailleurs, les pseudonymes de certains officiers incriminés avaient été effacés du document. « Les enquêtes qui ont été diligentées par la suite n’ont pas abouti à grand-chose », confirme Dave Steward, l’ancien porte-parole de De Klerk, au Sunday Independent.
Le 1er mai, le chef de la police a déclaré vouloir prendre connaissance du rapport. Si une nouvelle enquête et ouverte, il n’est pas exclu que les anciens militaires dont les noms figurent encore dans le texte soient poursuivis. Mais le gouvernement de Thabo Mbeki, déjà aux prises avec toute une série de scandales, dont le plus grave met en cause l’ancien vice-président Jacob Zuma, y est-il vraiment favorable ?
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