LE GOUVERNEMENT BOLIVIEN AFFIRME SA SOUVERAINETÉ ÉCONOMIQUE
Le 1er mai, le président bolivien Evo Morales a annoncé que son gouvernement venait d’adopter un décret nationalisant l’ensemble de l’industrie des hydrocarbures, depuis l’exploration jusqu’à la commercialisation en passant par l’exploitation. Morales tient ainsi sa promesse électorale aux Boliviens. L’Armée a aussitôt été envoyée sur les sites des gisements et installations pétroliers et gaziers. En vertu de ce décret, l’Etat devrait détenir 51 % des actions de toute société pétrolière ou gazière à partir d’un certain seuil, et ces sociétés devraient verser 82 % de leurs recettes à la compagnie nationale récemment relancée, YPFB. Les sociétés étrangères ont 180 jours pour accepter ces nouvelles conditions ou quitter le pays. Cette re-nationalisation est conforme aux clauses constitutionnelles établissant que les ressources naturelles font partie du patrimoine national, clauses bafouées lors de la privatisation, dans les années 90.
Suite à l’annonce de Morales, tout le monde attendait la réponse du gouvernement brésilien, sachant que Petrobras est la plus importante société étrangère implantée en Bolivie. Le géant brésilien, qui appartient à l’Etat mais est géré depuis quelques années comme une société privée, contrôle les deux premiers gisements gaziers et deux raffineries en Bolivie, qui fournit près de 60 % du gaz naturel consommé au Brésil. Le président de Petrobras, Jose Sergion Gabrieli, a traité d’« inamicale » et d’« unilatérale » la mesure bolivienne, menaçant La Paz de poursuites judiciaires. Mais à l’issue d’une réunion d’urgence le 2 mai entre le président brésilien Lula, Gabrieli et d’autres responsables gouvernementaux, il a été décidé : 1. que Lula discuterait de la situation avec les autres Présidents de la région, et 2. qu’une déclaration serait faite affirmant le droit souverain de la Bolivie de prendre ce type de mesures.
Deux jours plus tard, les Présidents d’Argentine, de Bolivie, du Brésil et du Venezuela se sont réunis à Puerto Iguazu (Argentine). Malgré les tensions initiales, à la fin de la rencontre de trois heures, tous ont soutenu le droit de la Bolivie de rétablir un contrôle souverain sur ses ressources nationales, tout en soulignant l’importance de suivre la voie de l’intégration économique. Le président Lula résuma ainsi ce processus : « Si nous ne comprenons pas que c’est l’unité qui donnera une dimension internationale à nos pays, nous ne méritons pas la confiance. »
« Nous respectons et saluons la décision souveraine prise par la Bolivie », déclara le président argentin Nestor Kirchner lors d’une brève conférence de presse après le sommet, remerciant les trois autres dirigeants pour « la motivation profonde et le grand sens de l’histoire dont ils ont fait preuve lors de la réunion d’aujourd’hui ».
Dans un communiqué, les quatre Présidents affirment que « l’intégration de l’énergie est un élément essentiel de l’intégration régionale au profit de nos peuples ». Les approvisionnements gaziers seront garantis afin de favoriser « le développement équilibré des pays producteurs et consommateurs ». Ils annoncent que les prix seront établis lors de discussions bilatérales et que la construction du gazoduc du Sud renforcera le Mercosur et l’intégration latino-américaine. Enfin, « les présidents s’accordent à promouvoir des investissements communs destinés à favoriser le développement de la Bolivie ».
« Le communiqué final indique clairement que nous respectons la souveraineté de la Bolivie », déclara Lula, qui a laissé entendre que Petrobras pourrait faire de nouveaux investissements en Bolivie, même si c’est « une compagnie indépendante ». « Nous allons voir comment nous pouvons contribuer à améliorer la qualité de vie du peuple bolivien », dit-il. Selon lui, « aucun des Présidents ici ne prendra de décision qui rende plus difficile l’intégration de l’Amérique du Sud et du Mercosur ». Le message à l’adresse des investisseurs étrangers est le suivant : « Nous ne voulons pas continuer à être éternellement un continent pauvre. »
De son côté, le président vénézuélien Hugo Chavez déclara : « Il y en a qui veulent alimenter les tensions. Nous voulons les faire disparaître. »
Morales remercia les trois autres Présidents de leur soutien et accepta l’offre de participer à la planification du projet de gazoduc transcontinental, tout en soulignant que la nationalisation des hydrocarbures était, pour son gouvernement, la seule manière de combattre la pauvreté.
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