Sondage Ipsos-LCI-Le Point: Islam l'inquiétude des Français

Si 62 % des Français interrogés estiment que les valeurs de l'islam ne sont pas compatibles avec celles de la République, l'intégration, en revanche, fait son chemin.

«Poser comme postulat que l'islam est incompatible avec la République reviendrait ni plus ni moins à interdire à certains Français de vivre un engagement que l'on reconnaît aux autres. C'est, au moins, de la discrimination, au pis, du racisme. » Ainsi s'exprimait Nicolas Sarkozy dans une tribune au Monde datée du 2 mai 2003. Quelle sera donc l'appréciation du ministre de l'Intérieur à la lecture de ce sondage Ipsos sur « Islam, intégration, immigration » réalisé pour LCI et Le Point ? Car, sur cette question de la compatibilité entre les valeurs de l'islam et celles de la République, les Français interrogés répondent « oui » à 31 %. Mais « non »... à 62 % !

Pourtant, l'intégration fait son chemin, si l'on en croit quelques indicateurs significatifs. La construction de mosquées dans les grandes villes ? Près d'un Français sur deux y est favorable (ils étaient 43 % dans une enquête Ipsos-Le Figaro de mai 2000). Le droit de vote aux élections municipales pour les étrangers hors Union européenne ? Accordé à 61 % (il y a trois ans, ils étaient... 50 %).

Et la politique du ministre de l'Intérieur semble en phase avec l'opinion. D'un côté, 55 % des personnes interrogées approuvent la mise en place du Conseil français du culte musulman et 66 % font confiance à Nicolas Sarkozy pour lutter efficacement contre le racisme et la xénophobie. De l'autre, ils sont 70 % à lui donner « quitus » pour contrôler l'immigration clandestine et, d'une manière générale, les mesures de son projet de loi sur l'immigration reçoivent une adhésion massive. La majorité n'est pas contre un tour de vis supplémentaire : 59 % sont favorables à la mise en place, dans les années à venir, de quotas d'immigration... Entre tolérance et fermeté, les deux axes sarkoziens paraissent coller à l'état d'esprit de la société. Pour l'instant. Si 55 % des personnes interrogées font confiance à Nicolas Sarkozy pour permettre l'intégration de l'islam au sein de la République, 37 % ont une opinion inverse.

« Ces sujets d'opinion sont les plus lourds et les plus perturbés depuis vingt ans, constate Pierre Giacometti, directeur général d'Ipsos. Et toutes les actions menées depuis un an ne suffisent pas à apaiser l'inquiétude. » Pour une grande majorité de Français, les problèmes liés à l'immigration se poseront encore - voire de manière plus grave - d'ici à dix ans. Et cette anxiété touche toutes les composantes de la société. « Les clivages passent au sein même des familles modérées, relève Pierre Giacometti. Une frange non négligeable de l'électorat de gauche adopte des positions radicales. On note ainsi que 50 % des sympathisants de gauche sont pour la mise en place de quotas d'immigration dans les années à venir. Les partis qui les représentent ont une marge de manoeuvre étroite. Ce qui explique la grande discrétion de leurs leaders sur le sujet, ces derniers mois. Il n'y a pas eu de débat à propos du projet de loi sur l'immigration depuis le dépôt de la loi le 30 avril. »

Toute la complexité du débat se cristallise sur la question du port du voile à l'école. Si une majorité des Français (58 %) se dit favorable à son interdiction, l'opinion - en fait - est très divisée sur le sujet. Des réponses diamétralement opposées à celles qu'avait données un simple échantillon de Français musulmans dans une enquête Ipsos/Le Figaro effectuée au début d'avril 2003. Résumé de toute l'ambiguïté d'un dossier qui - en fait - en contient trois : l'islam, l'immigration et l'intégration...
Sarkozy sur LCI

Ce vendredi, entre 18 h 30 et 20 heures, Nicolas Sarkozy sera l'invité de « 100 % citoyens », le nouveau rendez-vous politique de LCI, en collaboration avec Le Point et l'Institut Ipsos.

Une fois par mois, cette émission, animée en direct par Laurent Bazin, permettra à une dizaine de Françaises et de Français de dialoguer avec une personnalité politique de premier plan. Ce mois-ci, ce sera donc le ministre de l'Intérieur qui aura l'occasion de commenter ce sondage Ipsos-LCI-Le Point.
Malek Chebel

« Les Français suivent actuellement un séminaire accéléré sur l'islam. Mais la méconnaissance de l'islam réel, positif, l'islam des lumières, perdure. 62 % des Français considèrent que les valeurs de l'islam ne sont pas compatibles avec celles de la République ? Ce chiffre n'est pas trop mauvais. Compte tenu des images reçues en temps réel, il aurait pu être pire. Quand on passe aux problèmes concrets (droit de vote, mosquées, voile...), les réponses sont plus positives. Il faut toujours tenir compte de la prédominance de l'émotion dans l'évaluation des religions. L'islam n'est-il pas la religion la plus fantasmée de nos jours ?

Saïda Kada

« Faut-il que nous soyons sans cesse obligés de prouver notre allégeance à la République ? Monsieur Sarkozy est né d'un père hongrois, mais il est français. Quand on est d'origine non européenne, à la quatrième génération, on est encore perçu comme enfant d'immigrés. La question de l'islam exacerbe des préjugés qui ont toujours existé en France. On nous place dans une logique de subordination alors que nous réclamons un partenariat. Ce sondage est le reflet de l'appréhension de l'opinion à un moment donné. Des questions qui paraissaient insurmontables il y a dix ans font aujourd'hui consensus.

© le point 16/05/03 - N°1600 - Page 39 - 929 mots