Le credo de Fabius
Dans un texte sans détour, l'ancien Premier ministre demande que l'Etat légifère.
Le débat sur la laïcité a suscité de vives discussions au sein de la rédaction de Prospero, la revue politique que dirigent Michel Charzat, député, maire PS du 20e arrondissement, et Pierre Bergé. « L'engagement de la droite en faveur de la laïcité est à la mesure des embarras qu'elle provoque au sein de la gauche », note Michel Charzat. Pour ce magazine, Laurent Fabius a accepté de clarifier sans esquive sa pensée, notamment sur le voile à l'école.
Extrait : « Je crois que certains d'entre nous ont eu trop tendance à considérer la laïcité comme un acquis immuable, qui n'avait plus à être protégé. Ils ont été sensibles au fameux "droit à la différence" qui, si on n'y prend pas garde, conduit à la différence des droits. Le plus souvent, ce type de discours s'est affirmé en réaction à la laïcité façon IIIe République, à son côté niveleur et "blouse grise", ce qui a pu collectivement donner le sentiment que la gauche, dépositaire historique du combat pour la laïcité, tardait à réagir quand l'école a été confrontée à des offensives intégristes. S'agissant du voile islamique, beaucoup ont redouté qu'une trop grande fermeté ne se retourne contre celles-là mêmes que nous voulions protéger.
C'est dans ce contexte que l'avis du Conseil d'Etat de 1989 a cherché les voies de la conciliation - entre la liberté de conscience et la neutralité du service public - et de l'apaisement - entre l'école et les jeunes filles voilées. Mais en préconisant des solutions au cas par cas, la voie a été ouverte à une casuistique qui montre aujourd'hui ses limites. L'Etat ne peut pas se défausser sur les acteurs de terrain, mettant les chefs d'établissement et les équipes pédagogiques dans des situations difficiles. Car, alors, il y a autant de solutions que de situations, ce qui bat en brèche la notion républicaine d'égalité.
Je souhaite donc que nous sortions de l'ambiguïté : c'est pourquoi je suis favorable à la réaffirmation du principe de laïcité à l'école. Concrètement, cela signifie - je suis clair, car il faut l'être - l'interdiction de tout signe religieux au sein de l'enceinte scolaire, et singulièrement de la salle de classe. Il faudra trouver le moyen juridique approprié, l'essentiel, je le répète, est que la règle soit claire. L'école est le lieu d'apprentissage de la citoyenneté, pas le champ clos d'ostentation et de juxtaposition des identités religieuses.
le point 07/11/03 - N°1625 - Page 51 - 409 mots