Jésus
Sa vraie vie
L'archéologie des sites évangéliques de la Palestine permet de reconstituer la vie de prédicateur et d'« agitateur » du Christ. Les Evangiles, pourtant contradictoires, restent une source incontournable pour les historiens
Laurent Theis et Hervé Ponchelet
«Si l'on s'astreignait, en écrivant la vie de Jésus, à n'avancer que des choses certaines, il faudrait se borner à quelques lignes. » Cette constatation d'Ernest Renan, en tête d'une des très nombreuses rééditions de sa « Vie de Jésus », conserve toute sa pertinence. Les faits et gestes avérés appartenant en propre à celui que, du haut de sa chaire du Collège de France et déchaînant le scandale, il avait désigné comme un « homme admirable » le 22 février 1862 paraissent même diminuer en nombre.
Aussi, lorsque le moindre soupçon de preuve, épigraphique ou archéologique, de la réalité humaine et historique du Christ est avancé, il fait couler des torrents d'encre et des flots de commentaires. Ce fut le cas en octobre 2002, lorsque la Biblical Archeology Review publia l'interprétation, par l'épigraphiste français André Lemaire, de l'inscription en araméen gravée sur un ossuaire du Ier siècle découvert près de Jérusalem. Pour ce savant de l'Ecole pratique des hautes études, la phrase « Ya'akov, bar Yosef, Akhui di-Yeshua », c'est-à-dire « Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus », désigne, avec une forte probabilité, Jacques le Juste, lapidé en l'an 62. Partant, ce Joseph serait donc l'époux de Marie et ce Jésus, le Christ !
Quant à la mention du Christ, connue sous le nom de testimonium flavianum, faite par Flavius Josèphe (37-100 après Jésus-Christ), ancien général de la résistance juive passé aux Romains, dans ses « Antiquités juives », elle pourrait n'être qu'un ajout tardif et peut-être d'une autre main. Et puis, il y a la polémique, jamais close malgré le test au carbone 14 qui le date du Moyen Age, sur l'authenticité du fameux suaire de Turin. Une relique que Rome a toujours traitée avec déférence et... circonspection (voir l'article de Frédéric Lewino).
Rareté des certitudes matérielles, multiplication des interrogations et des interprétations, tel est l'état des études relatives à la réalité historique du prédicateur galiléen, ce qui n'empêche pas, pour comprendre ce qu'a pu être sa vie, de marcher dans les pas du Christ, de vestiges historiques en fouilles archéologiques concernant le Ier siècle de notre ère (voir l'article d'Ugo Rankl).
Reste que le Nouveau Testament - et particulièrement les Evangiles, ce qui en grec veut dire « heureuse nouvelle » - est à la fois la source quasi unique sur la personne et l'activité de Jésus en son temps et le fondement de la révélation sur quoi repose la foi chrétienne. Soumettre les unes à l'examen critique conduit inévitablement à mettre l'autre en question. Or les Evangiles diffèrent entre eux, se contredisent et portent la marque de remaniements. Si la vérité n'est pas dans les faits, comment le serait-elle dans l'esprit ? La difficulté n'est pas nouvelle. Elle n'avait pas échappé aux premiers chrétiens eux-mêmes, au point que le prêtre Tatien, au IIe siècle, crut trouver la solution en fabriquant un évangile unique à partir des quatre premiers... -
Chronologie
- 103 : La Galilée est intégrée au royaume juif des Asmonéens.
- 63 : Le général romain Pompée entre en vainqueur à Jérusalem.
- 37 : Hérode Antipater, dit le Grand, protégé des Romains, devient roi des Juifs.
Entre - 6 et - 4 : Naissance de Jésus, fils aîné du Galiléen Joseph de Nazareth et de Marie. Quatre frères et au moins deux soeurs suivront.
Année - 4 : Mort d'Hérode le Grand, reconstructeur du Temple. Ses fils Archélaos et Hérode Antipas gouvernent respectivement la Judée et la Galilée.
An 6 : Archélaos est destitué. Un préfet romain administre directement la Judée. Recensement sur ordre du gouverneur de Syrie Quirinus.
An 6 à an 10 : Révolte armée antiromaine et messianique de Judas le Galiléen.
An 6 à an 15 : Anne, grand prêtre à Jérusalem.
An 18 : Hérode Antipas fonde, au bord du lac de Galilée, la cité de Tibériade en l'honneur de l'empereur Tibère. Caïphe, gendre d'Anne, nommé grand prêtre.
An 26Pontius Pilatus (Ponce Pilate) devient préfet de Judée.
Années 27-28 : Prédication et mort de Jean le Baptiste. Début du ministère de Jésus.
Début avril 30 : Jésus et ses compagnons viennent à Jérusalem célébrer la fête de Pessah.
Jeudi 6, vendredi 7 avril 30 : Arrestation, condamnation et exécution de Jésus -
Laurent Theis
© le point 18/04/03 - N°1596 - Page 67 - 764 mots