« Non, il n'y a pas de religion de la Shoah »
Serge Klarsfeld - Président de l'Association des fils et fillesde déportés juifs de France (dernier ouvrage paru : « La Shoah en France », 4 vol., Fayard)
François Dufay
« Contrairement à ce que soutiennent Esther Benbassa et Jean-Christophe Attias, il n'y a pas de religion de la Shoah. C'est une invention, ça n'existe pas ! Il existe en revanche, pour les générations actuelles, l'arrière-plan d'une gigantesque catastrophe. Imaginez que la France ait perdu 25 millions d'habitants au cours de la dernière guerre mondiale - proportion de la population équivalente à celle des juifs d'Europe qui ont été exterminés -, pensez-vous qu'on ne s'en souviendrait pas ? Même chez ceux qui ont été les plus marqués, comme les enfants de déportés, il n'y a pas de religion, il y a simplement le grand choc qui leur a été porté, et qui durera toute leur vie.
Il n'y a pas de religion de la Shoah, en aucun cas. Il y a simplement eu un grand effort, au cours de ces vingt-cinq dernières années, pour rassembler la documentation sur la Shoah, dans des grands centres, musées, mémoriaux, etc.
Ont été ainsi créés les moyens de transmettre le souvenir d'une catastrophe qui pose une interrogation aux Allemands, aux chrétiens et pas seulement aux juifs, à tout le monde occidental. Le même jour, à travers le monde, les juifs s'arrêtent pour une minute de silence, parce que tout s'est arrêté pour beaucoup de juifs en 1942 ou 1943. Il s'agit d'une marque de respect. Il y a des étapes, des dates cruelles pour le peuple juif. Les commémorations après la destruction du Temple, après l'exil, ont été plus suivies qu'elles ne le sont aujourd'hui. Je suppose, de la même façon, que la Shoah sera commémorée, si le peuple juif existe toujours, dans cent ans, mille ans, dix mille ans... »
© le point 19/10/01 - N°1518 - Page 78 - 312 mots