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 Baby-boomers:Une génération inoxydable

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mihou
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mihou


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06052006
MessageBaby-boomers:Une génération inoxydable

Baby-boomers
Une génération inoxydable

Les enfants de l'après-guerre représentent 20 % de la population. Des seniors en pleine forme, soucieux de leur apparence, souvent au pouvoir. Mais quel rôle jouera cette fringante génération dans la société de demain ?

Catherine Golliau et Emilie Lanez

C'est un phénomène unique dans l'histoire française, né d'une conjonction particulièrement favorable de la démographie et de l'économie d'autant plus rare que l'on sait déjà qu'il ne pourra pas durer. Ce phénomène, c'est l'apparition d'une génération inédite. Née entre 1936 et 1950, elle fête aujourd'hui ses 50-55 ou 65 ans et paraît en tout point hors norme. D'abord, parce qu'elle est fort nombreuse. Ces plus de 55 ans, qui furent les petits Français babillants du baby-boom de l'après-guerre, représentent aujourd'hui 16 millions de nos compatriotes, soit 20 % de la population ! Un petit quart qui va démesurément enfler pendant le demi-siècle à venir, si l'on en croit les calculs de l'Institut national des études démographiques (Ined) : dans vingt ans, 40 % des Français auront plus de 55 ans, un tiers plus de 60 ans. Déjà, depuis trois ans, la France compte plus de sexagénaires que de moins de 20 ans. La France vieillit.

Mais ces nouveaux seniors ne sont pas vieux, ou tout au moins ne se sentent pas âgés. Contrairement à leurs aînés, partis à la retraite souvent usés par le travail et les problèmes de santé, les sexagénaires d'aujourd'hui ont à peine quelques mèches grises. Ils sont en général bien portants, soucieux de leur apparence, avides de loisirs, de voyages et de sport... A 59 ans, Olivier de Kersauson se lance dans la conquête d'un record du monde sur des océans déchaînés ; à 60 ans, Johnny Hallyday persiste à organiser des shows géants ; à 57 ans, Charlotte Rampling ravit Cannes, et à 60 ans Catherine Deneuve joue toujours les femmes fatales. Personne ne s'en étonne.

Vieux ne veut pas dire réac

Il est donc de plus en plus anachronique de ne voir en la vieillesse qu'une image morbide de rigidité, de conservatisme et de décrépitude. Les sexagénaires sont jeunes. Et fringants. Que vont-ils donc faire ? Prendre leur retraite, comme la loi le leur permet ? Ou s'obstiner à garder les rênes de leurs entreprises, à occuper les postes d'administrateurs et les sièges électifs ? Vont-ils s'arroger de la sorte un « pouvoir gris », pour reprendre le titre de l'ouvrage du sociologue Jean-Philippe Viriot-Durandal aux Presses universitaires de France ? Quel sera le rôle de cette génération exceptionnellement nombreuse dans la société de demain : facteur de progrès ou d'immobilisme, source de conflits ou d'apaisement ?

Déjà, aux Etats-Unis, les vieux s'organisent. Le grey power n'est pas une vaine expres​sion(voir encadré page 59). Et, en France, la classe politique pourrait bien ressembler, tout du moins en nombre d'années, à un « pouvoir gris ». Plus de la moitié des sénateurs ont plus de 60 ans, l'âge moyen des maires de communes de plus de 3 500 habitants est de 54 ans. Idem pour ceux qui les élisent. Alors qu'ils représentent 20 % de la population, les retraités forment déjà 30 % des électeurs. Bref, la démocratie a les tempes blanchies. Or, quand les papy-boomers seront à la retraite, ils auront encore plus de temps. Ne vont-ils pas accaparer les affaires publiques à leur avantage ? Faut-il redouter une gérontocratie à la française ? « Fantasme ! » Jean-Philippe Viriot-Durandal, maître de conférences en sociologie à l'université de Franche-Comté, en est convaincu. Vieux ne veut pas forcément dire réac. Il en veut pour preuve deux exemples, décortiqués dans son livre. D'abord, la dernière élection présidentielle, où le vote pour le Front national fut autant le fait des jeunes électeurs que de leurs aînés. La preuve aussi avec l'adoption de l'euro. « Six mois après l'introduction définitive de la monnaie unique européenne, les nostalgiques du franc étaient à peine plus nombreux chez les plus de 65 ans que dans l'ensemble de la population - 53 %, contre 48 % », écrit le sociologue. Qui ajoute que « l'opposition entre les jeunes générations, ouvertes sur le monde et sur l'avenir, et les anciennes, rétives au changement et réfractaires à la nouveauté », ne serait que caricature.

Cette génération, unique en son genre, pourrait sans problème passer la main à ses descendants, car son rôle est déjà tout trouvé : adoucisseur social. « Ils mettent de l'huile dans les rouages », assure le professeur de Belfort. Rien ne les y prédispose, pourtant. Car les papy-boomers furent des enfants choyés par le destin, gâtés par l'économie et l'Histoire, dont on pourrait par conséquent supposer qu'ils sont devenus bien égoïstes.

Contrairement à leurs prédécesseurs, qui ont connu la guerre, et vraisemblablement à leurs successeurs, qui, eux, n'ont quasiment vécu qu'avec la crise économique, les papy-boomers ont toujours eu tout bon, ou presque ! Rapide aperçu : cette cohorte, née entre 1936 et 1950, a bénéficié des bienfaits économiques des Trente Glorieuses. Elle a donc connu la croissance, le plein-emploi, l'inflation, qui permet de se construire sans douleur un patrimoine immobilier à crédit. Jamais une génération n'a pu accumuler aussi vite un tel niveau de richesses.

En une trentaine d'années, une nouvelle « bourgeoisie » est née, celle des cadres et des professions intermédiaires, comme le rappelle le sociologue Louis Chauvel dans son livre « Le destin des générations » (édité par les PUF). Cette génération a aussi bénéficié à plein régime des avantages d'un Etat-providence riche et sans souci. Son revenu annuel moyen est de 31 650 euros, soit 19 % de plus que les générations plus jeunes. « Ils vivent une fenêtre unique des possibles, assène encore Jean-Philippe Viriot- Durandal, que les actuels quadragénaires ne connaîtront pas, notamment à cause de l'allongement du temps de travail. » Sans omettre que ces futurs seniors recevront une plus maigre retraite et arriveront à la fin d'une carrière professionnelle sûrement plus chaotique (chômage, crise économique, mobilité accrue, etc.).

Une génération décrispée

Ajoutons, pour parfaire ce tableau, que ces seniors ont reçu de la science la perspective d'un quart de siècle de longévité supplémentaire traversé en relative bonne santé. « A 60 ans aujourd'hui, on a encore devant soi vingt-cinq, voire trente années », explique Patrice Leclerc, responsable du programme personnes âgées à la Fondation de France. Tous se disent actifs, se sentent jeunes et le sont. » Toniques, les papy-boomers sont formatés pour le changement. Leur histoire est en effet aussi celle de la fin des certitudes. Et ce sur tous les fronts, y compris les moeurs. Amour libre, contraception, avortement, divorce, fécondation in vitro, reconnaissance de l'homosexualité par le Pacs... Une génération décrispée pour laquelle il est devenu presque banal de refaire sa vie largement passé l'âge de la retraite et tout aussi courant que ces nouveaux amoureux conservent chacun son logement. Les papy-boomers sont individualistes, ce sont d'ailleurs eux qui ont mis en vogue le concept. « Cette génération est partagée entre l'importance de ses devoirs familiaux et la revendication de son autonomie », rappelle toutefois Vincent Caradec, professeur de sociologie à Lille-III. Scénario classique : la grand-mère indigne qui refuse de garder une semaine les petits-enfants pour partir en croisière en Egypte avec son amant, mais qui boucle régulièrement les fins de mois du ménage de son fils chéri.

Paradoxe ? Le papy ou la mamy-boomer a en effet le sens de la famille. Sans eux, s'accordent à dire tous les spécialistes de cette tranche d'âge, les crises seraient bien plus rudes pour nos contemporains. Car ces jeunes retraités ou encore actifs sont nombreux à aider leurs descendants, ce que les spécialistes appellent doctement la « solidarité intergénérationnelle ». La liste de ces coups de main est longue. Les transferts de cette génération aux petits-enfants seraient ainsi de 1,4 milliard d'euros par an ! « Somme qu'il faut sûrement revoir à la hausse, note Claudine Attias-Donfut, directrice de recherches sur le vieillissement à la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (CNAV), car beaucoup de dons ne sont pas comptabilisés. » Qui sait par exemple qu'un tiers des aliments pour bébés est acheté par des plus de 60 ans ? Le montant de ces transferts vers les descendants serait plutôt de 4,5 milliards d'euros.

Des grands-parents dévoués

Ce n'est pas tout. « Les baby-boomers donnent aussi beaucoup de leur temps aux deux générations suivantes, et s'occupent de leurs parents, résume Claudine Attias-Donfut. C'est une génération pivot. » Eux qui se sont nourris de l'abondance ont dû aider leurs enfants quand ceux-ci, élevés dans une relative opulence, ont été confrontés, dans les années 90, à la crise et au chômage. Car ce sont aussi des parents et des grands-parents d'un modèle nouveau, qui ont élevé leurs enfants « dans des valeurs de grande proximité », comme l'ajoute Claudine Attias-Donfut. Alors, bien sûr, quand l'Etat-providence s'effrite, ces parents colmatent. Exemple : la garde des enfants. « Au cours d'une enquête portant sur trois générations, ajoute Claudine Attias-Donfut, auteur du "Siècle des grands-parents " (Autrement), nous avons mesuré le rôle que joue cette nouvelle génération de grands-parents dans la garde des petits-enfants. » 85 % fournissent ce service de façon occasionnelle ou pendant les vacances, 38 % assurent une garde hebdomadaire !

Ces grands-parents dévoués seraient aussi d'admirables altruistes. Jean-Philippe Viriot- Durandal voit en eux les futurs acteurs d'un mouvement associatif enfin puissant. C'est aussi ce qui fait d'eux des « modérateurs sociaux ». « Les plus de 60 ans détiennent le record de progression en matière d'adhésion associative. Cet engouement profite surtout aux activités à finalités civiques, sociales, ou politiques », affirme-t-il. Dans le cadre de son programme « Bien vieillir », lancé en mars dans 17 villes pilotes, le secrétariat d'Etat aux Personnes âgées observait, en écho aux travaux du sociologue, que 70 % des retraités désiraient être socialement utiles et les décrivait comme des « meneurs, producteurs de progrès social et acteurs de cohésion sociale ». Que de louanges !
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