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 Surdoués:Trop intelligents pour être heureux (fin)

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mihou
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mihou


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06052006
MessageSurdoués:Trop intelligents pour être heureux (fin)

Plus d'un sur trois n'a pas le bac

Mais, à côté d'institutions comme celle-ci, intéressées par l'épanouissement des enfants et non par leurs performances, d'autres ont vu dans cette population très spéciale un vivier propre à améliorer leurs résultats au brevet et au bac, tout en se situant sur un créneau porteur. Joëlle et Patrick habitent dans la vallée de Chevreuse avec leurs cinq enfants âgés de 8 à 21 ans, tous précoces. « Je connais tous les établissements du coin, sans parler de Paris et de Versailles, soupire Joëlle. J'ai été très déçue par exemple par le collège Stanislas, à Paris, car on a le sentiment qu'ils recherchent les cracks à travers les surdoués. C'est une grave erreur : ces élèves-là sont fragiles, difficiles, et ce ne sont pas toujours des bêtes à concours, loin de là. »

Dans l'imagerie populaire, l'enfant surdoué n'est pas à plaindre, c'est presque un nanti. Personne ne voit ses fragilités, et éventuellement ses souffrances. Résultat, plus d'un enfant sur trois n'a pas son baccalauréat, parce qu'il est rejeté du système scolaire avant le lycée.

Victime collatérale du sacro-saint égalitarisme à la française, l'enfant intellectuellement précoce ne fait que très occasionnellement l'objet d'une attention particulière de la part de l'Education nationale. L'Afep organise bénévolement des réunions d'information et des sessions de formation pour les enseignants qui en font la demande. Mais il est arrivé que les syndicats s'opposent à ces actions, avec des arguments qui laissent pantois. L'une de leurs gesticulations les plus cocasses remonte aux années 90, quand le syndicat FSU envoya à la principale d'un collège d'Argenteuil situé en ZEP une lettre truffée de perles déprimantes... au nom de l'égalité républicaine, bien sûr : « Nous vous demandons instamment et solennellement d'abandonner définitivement tout projet d'aventure d'une classe au collège pour "EIP", c'est-à-dire "surdoués", dont les présupposés sont par essence entachés d'une idéologie inégalitaire aux fortes connotations d'extrême droite. »

Cette prise de position, certes caricaturale, reflète la défiance de l'enseignement public à l'égard des enfants précoces. Une attitude dangereusement paradoxale, puisque ces enfants se recrutent dans tous les milieux sociaux : ils sont aussi nombreux chez les ouvriers que chez les cadres supérieurs. Or la grande majorité des établissements qui ouvrent des classes spéciales ou élaborent des aménagements pour les élèves qui ne savent pas « apprendre à apprendre » sont aujourd'hui encore de statut privé, donc moins accessibles aux plus défavorisés. « L'enfant doué qui rencontre des problèmes scolaires et qui n'est pas aidé, c'est un peu comme un trésor qu'on laisse partir en poussière », résume la psychologue Arielle Adda, l'une des pionnières dans le suivi des enfants précoces.

En janvier 2002, l'Education nationale s'est toutefois saisie de la question en publiant un rapport rédigé par l'inspecteur d'académie Jean-Pierre Delaubier. Celui-ci délivre un diagnostic précis, constate « l'insuffisance de notre information sur les enfants intellectuellement précoces et plus généralement sur les élèves manifestant des aptitudes particulières », et propose d'« encourager la recherche sur ce thème ».

Cette invitation n'a guère été suivie d'effet. Ainsi, une équipe du Collège de France, menée par le professeur Jean-Pol Tassin, était parvenue à collecter des données sur des familles dans lesquelles on trouvait plusieurs surdoués. Elle souhaitait décrypter les particularités du mode de fonctionnement cérébral chez ces sujets, afin de comprendre de quelle manière ils pouvaient mieux apprendre. Mais le programme de recherche a dû être interrompu faute de subventions. Cette étude n'avait pas vocation à entrer dans le cadre du programme Santé mentale de l'Inserm, car le « surdon » ne saurait être considéré comme un handicap. Et tant pis si près de la moitié des « privilégiés » concernés n'ont pas le baccalauréat !

Et pourtant, faute de recherches, faute de solutions pédagogiques adaptées, les surdoués risquent de demeurer ces objets de fantasme qui inspirent même les sectes, puisque des mouvements comme les Enfants indigo, avec des arguments à dormir debout, parviennent à convaincre des parents désemparés que leurs enfants sont des envoyés d'une autre civilisation et qu'il convient de les élever « autrement », loin des psys. Entre propositions délirantes et indifférence des institutions, les familles ont bien du mérite à se frayer un chemin vers la simple reconnaissance d'une particularité qui fascine et indispose
Qu'est-ce qu'un surdoué ?

C'est, en première approche, un enfant capable de comprendre des concepts et de réaliser des activités que ne parviennent pas à accomplir ses pairs. A titre indicatif, on cite souvent le cas d'enfants ayant appris à lire seuls, sans stimulation particulière de leurs parents, dès l'âge de 4 ou 5 ans, et qui manifestent très tôt une grande curiosité pour des sujets complexes comme la création de l'Univers, la préhistoire ou l'astronomie. Angoissés par les grands sujets métaphysiques comme la mort, ils sont parfois très maladroits dans les activités manuelles telles que le découpage et, plus tard, l'écriture.

Pour les définir, le psychologue Jean-Charles Terrassier parle notamment de « dyssynchronie » : leur précocité intellectuelle est sans rapport avec leur maturité affective ou leurs compétences sociales. Certains de ces enfants se trouvent donc incompris, et parfois rejetés, par les autres, tandis qu'ils opposent à leurs parents une intolérance à l'autorité.

Plus prosaïquement, il est admis que les enfants surdoués, ou intellectuellement précoces, enregistrent des performances exceptionnellement hautes sur le test de QI appelé WISC III (Wechsler Intelligence Scale for Children). Etalonné en fonction d'une population d'âge homogène, sa moyenne se situe à 100. Au-delà de 30 points d'écart par rapport à cette moyenne, le quotient intellectuel est considéré comme atypique : au-dessous de 69 points, il est question de retard mental, et de précocité intellectuelle au-delà de 130. 2,2 % de la population obtient un score supérieur à 130, soit environ 200 000 enfants et adolescents d'âge scolaire.

On rencontre autant de surdoués dans toutes les catégories sociales et culturelles. Et, contrairement à la dyslexie, les filles et les garçons se trouvent à parité. « Simplement, explique Jeanne Siaud-Facchin, elles s'en sortent mieux qu'eux parce que, à l'école et au collège, elles sont plus appliquées, plus adaptables aussi. »
On demeure surdoué à vie, même si cette particularité a tendance à se tasser avec l'âge. Toutefois, certains enfants précoces non reconnus comme tels développent ce que Jean-Claude Terrassier a appelé l'« effet Pygmalion négatif » : pour se conformer aux désirs de leur environnement, ils étouffent leurs dons, au risque de souffrir de cet écart entre leurs aspirations et leurs compétences, d'une part, et le destin professionnel et culturel qui leur est proposé, d'autre part. La psychologue Arielle Adda a ainsi aidé certains de ses patients adultes éjectés du système scolaire et enfermés dans des métiers peu valorisants à reprendre des études pour se réaliser S. C.
Quand et comment passer un test ?

Le test de quotient intellectuel dit WISC III est reconnu par tous les professionnels comme un « cliché fiable de ce que l'enfant veut bien nous montrer », pour reprendre l'expression du docteur Olivier Revol, psychiatre à Lyon.

Autrement dit, il peut y avoir de « faux négatifs » chez ceux qui ne jouent pas le jeu, mais pas de « faux positifs », puisque le sujet testé ne peut pas « jouer à l'intelligent ».

L'exercice dure une heure et demie et se compose d'une dizaine d'épreuves, comme l'assemblage de cubes, les puzzles, le codage, des questions de vocabulaire, de traitement de l'information, dont certaines sont chronométrées. Pour qu'il soit utile, il est nécessaire que le psychologue respecte trois étapes : d'abord un entretien avec l'enfant et sa famille, ensuite le test lui-même, enfin un rendez-vous avec les parents pour décrypter les résultats.

Certains cliniciens considèrent qu'il est préférable de soumettre l'enfant au WISC III dès que l'on a l'intuition qu'il est précoce, et même s'il ne manifeste aucun trouble. Cela permet de prévenir les troubles scolaires qui apparaissent souvent au collège, ou du moins de ne pas laisser l'échec s'installer avant de réagir. D'autres préfèrent le réserver aux victimes de troubles, qu'ils soient scolaires ou affectifs. Dans ce cas, mieux vaut ne pas attendre pour consulter.

Ainsi, Marco Dutra, un médecin d'origine brésilienne, a- t-il fait passer le test à son fils de 2 ans parce qu'il refusait de jouer et de communiquer à la crèche. Résultat : un QI de 160. L'aîné, 6 ans, a été testé en même temps : surdoué aussi. Leur père était lui-même précoce, puisqu'il est entré en faculté de médecine à 15 ans. Cette hérédité observée mais jamais démontrée scientifiquement incite les spécialistes à recommander de faire tester toute la fratrie. Un projet qui devient vite coûteux, puisque certains psychologues demandent entre 200 et 300 euros par enfant S. C.
Les adresses utiles

Anpeip (Association nationale pour les enfants intellectuellement précoces), 26, avenue Germaine, 06300 Nice. 04.93.92.10.53.

Afep (Association française pour les enfants précoces) 13 bis, rue Albert-Joly, 78110 Le Vésinet. 01.34.80.03.90.

Quelques livres

« L'enfant surdoué »,de Jeanne Siaud-Facchin (Odile Jacob).

« Doué, surdoué, précoce »,de Sophie Côte (Albin Michel).

« Le livre de l'enfant doué »,d'Arielle Adda (Solar).

« Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante »,de Jean-Charles Terrassier (ESF).

« Non, tu n'es pas encore ado », de Béatrice Cooper-Royer (Albin Michel).

© le point 17/03/05 - N°1696 - Page 56 - 2225 mots
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