Derrière Kenneth Kaunda, dix anciens présidents africains appellent la diaspora à l’aide
22/04/2006
Vendredi 21 avril 2006 à Johannesburg, fait probablement inédit, dix anciens présidents africains ont appelé les Africains établis à l’extérieur du continent à revenir participer au développement du continent [Source AFP]. C’est au cours d’une conférence organisée par les universités de Boston et de Witwatersrand à Johannesburg, que cet appel a été lancé, les participants étaient : Kenneth Kaunda [Zambie], Ketumile Masire [Botswana], Pierre Buyoya [Burundi], Daniel Arap Moi [Kenya], Benjamin Mkapa [Tanzanie], Nicephore Soglo [Bénin], Aristides Pereira [Cap-Vert], Karl Offman [Ile Maurice], Ali Hassan Mwinyi [Tanzanie] Jerry Rawlings [Ghana].
Depuis quelques années l’évidence du coût en développement économique et en ressources humaines de la fuite des cerveaux africains en plus de celle des capitaux est mise en avant par diverses institutions internationales. Selon la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique et l’Organisation internationale des migrations, entre 1960 et 1984 plus de 60 000 africains auraient quitté le continent avec une accélération notable du rythme d’émigration dans la dernière décennie. Ces mêmes estimations évaluent à 40 000 le nombre de diplômés qui s’expatrient depuis les années 90, une véritable saignée en ressources humaines. L’hémorragie est d’autant plus handicapante qu’elle touche des domaines clés du développement humain. Le Ghana a perdu dans les années 80 environ 60% de ses médecins partis pour d’autres cieux, au détriment de la santé publique du pays qui les avait formé, incapables d’y exercer leurs compétences dans les conditions économiques, sociales, politiques qui leur paraissent dignes et viables.
L’Afrique tente de compenser cette fuite des compétences par l’«importation» coûteuse de 100 000 expatriés en moyenne pour une facture de 4 milliards de dollars. Dans le même temps rappelle Kenneth Kaunda ancien leader de la lutte pour l’indépendance de la Zambie, le revenu annuel des Africains installés aux Etats-Unis s’élève à 750 milliards de dollars qui devraient servir dans le cadre de projets de développement. Les anciens présidents constatent qu’il y a près de 200 000 scientifiques africains aux Etats-Unis, plus que sur le continent, et une quarantaine de milliers d’Africains sont titulaires de doctorats à l’étranger.
L’appel des anciens présidents a le mérite d’exister et la puissance d’attraction des pays occidentaux sur la main d’œuvre africaine, qu’elle soit formée à l’étranger ou sur le continent ne fait guère de doute. Mais le simple registre du déclaratif voire de l’émotionnel ne viendra pas à bout d’un phénomène structurel qui tend à se solidifier. Les causes internes de cette saignée sont à analyser et il y a urgence à leur trouver des solutions pérennes. Or les mobiles de la fuite des compétences sont tout simplement le niveau de développement économique, les inégalités prédatrices, la confiscation politique et toutes les logiques d’appropriation afro-occidentales des richesses, de toutes sortes de pouvoir et de valorisation sociales, humaines. Par certains côtés le continent est vu comme un étouffoir, espace où seule la survie sans espoir ni rêve d’épanouissement individuel et collectif ne sont permis. Il n’est pas neutre que cet appel émane de personnalités qui ne sont plus au pouvoir et que l’on n’a pas toujours toutes connues volontaristes sur ce thème. La capacité d’absorption sociologique et politique d’un reflux massif de capitaux et de ressources humaines très capitalistiques est-elle à la portée des classes dirigeantes actuelles, et de leurs obligés ?
Afrikara