Mais comment pousse la monnaie ?
La première chose, c'est que je voudrais que vous rejetiez complètement une idée sans doute enfouie au fond de votre esprit lorsque vous allez voir un banquier en disant "j'ai besoin d'un prêt", ou "j'ai besoin d'un découvert" . Cette idée, c'est celle de penser que pour qu'un banquier puisse vous proposer un crédit, il FAUT qu'un épargnant soit passé avant vous à la banque pour y déposer des économies correspondantes au prêt que vous allez demander, et que, quasiment, c'est l'épargne d'un autre que le banquier va vous prêter, en prenant sa commission au passage (l'intérêt).... c'est FAUX, ce n'est pas ainsi que ça se passe.
Ce n'est pas de la monnaie épargnée ou déposée que vous prête un banquier... d'ailleurs, si vous avez la chance d'être plutôt en positif sur votre compte, vous pouvez vous apercevoir que jamais votre banque vous a dit "On a utilisé l'argent que vous aviez en dépot chez nous pour le préter à Monsieur Untel... désolé, votre compte est maintenant à zéro, jusqu'à ce que Monsieur Untel rembourse..."
Il y a une phrase que connaissent bien les économistes (pas tous, hélas), mais qu'oublient très souvent les banquiers (le feraient-ils exprès ?), et qui est "Ce ne sont pas les dépôts qui permettent les crédits, mais ce sont les crédits qui permettent les dépôts".
Du chinois ? ....
Allez, on s'explique!
D'abord, il faut que vous sachiez qu'il n'y a pas de "banque nationale" (la BNP par exemple, bien que se nommant "Banque Nationale de Paris", est une société privée), et la Banque Centrale Européenne - qui est "garante" des bons fonctionnements des banques privées - est une émanation des Banques Centrales des états membres, ces Banques Centrales étant elles mêmes des "réunions" des banques privées.
Ensuite il faut que vous sachiez aussi que l'article 104 du traité de Maastrisch a INTERDIT aux Etats et aux Collectivités de créer de la monnaie... c'est réservé au système bancaire sous surveillance de la BCE dont le seul mandat des Etats est de "limiter l'inflation" (on en reparlera, ainsi que des conséquences de cet article 104 aussi bien sur la pauvreté, le chômage et les déficits)...
Voyons donc comment le système bancaire crée la monnaie ...
Nous sommes par exemple dans un système de 4 banques privées (B1, B2, B3, B4 mais vous pouvez remplacer ces sigles par BNP, SG, CL, CA, par exemple...)
Prenons un exemple dans lequel les "régles prudencielles" en vigueur en ce moment permettent aux banques d'offrir des crédits jusqu'à un montant de 90% des dépots (c'est très variable puisque c'est un des moyens de régulation des crédits et donc de la monnaie comme vous le comprendrez à la fin de cet article).
La banque B1 recoit en dépot 1000 euros (c'est Monsieur A qui dépose cet argent sur son compte courant). C'est évidemment une dette que la banque B1 a envers Monsieur A... car la banque s'est bien engagée à rendre cet argent à Monsieur A à sa première demande.
Monsieur B demande et obtient un crédit à la Banque B1 qui donc, en fonction de ces régles prudencielles, lui propose 900 euros (1000 x 90%) avec 10% d'intéret sur un an... Monsieur B devra donc rembourser 990 euros...
Vous pouvez évidemment remarquer que le compte de Monsieur A n'a pas bougé ( il est toujours de 1000 euros) comme d'ailleurs ne bougeront pas les comptes des déposants dans les explications qui suivent.
Avec ce crédit de 900 euros, Monsieur B paye un de ses fournisseurs, Monsieur C, qui va déposer son chèque dans la Banque B2. Grâce à ce dépot, Monsieur D peut obtenir de la banque B2 un crédit de 810 euros (900 x 90%) qu'il devra rembourser 891 euros (810 +10%).
Monsieur D paye à son tour un de ses fournisseurs, Monsieur E, avec ses 810 euros, lequel Monsieur E le dépose à sa Banque B3. Grace à ce dépot, Monsieur F peut obtenir de la banque B3 un crédit de 729 euros (810 x 90%) qu'il devra rembourser 802 euros (729 +10%).
Allez, encore une fois...
Avec ce crédit de 729 euros, Monsieur F paye un de ses fournisseurs, Monsieur G, qui va déposer son chèque dans la Banque B4. Grace à ce dépot, Monsieur H peut obtenir de la banque B4 un crédit de 656 euros (729 x 90%) qu'il devra rembourser 721 euros ( 656 +10%).
Monsieur H paye à son tour un de ses fournisseurs, Monsieur A, avec ses 656 euros , lequel Monsieur A le dépose à sa Banque B1. Grace à ce dépot, Monsieur X peut obtenir de la banque....
Avec ce système de 4 banques et de 4 emprunteurs, voyons le "bilan"
D'un dépot initial de 1000 euros, c'est 900+810+729+656 = 3095 euros en circulation qui ont été créés "en plus"
Sur un an, les emprunteurs (Messieurs B, D, F, H) devront rembourser: 990+891+802+721 = 3404 ... le système bancaire a donc gagné 3404 - 3095 = 309 euros
Vous avez vu la petite astuce de mon exemple... Monsieur H paye avec son crédit une dette qu'il a envers Monsieur A : donc 66% du dépot initial dans la banque B1 (par Monsieur A) proviennent des crédits que son propre dépot permet... (je sais, c'est pas facile à piger... surtout si vous faites intervenir l'ordre chronologique ci dessus, dans ce qui n'est qu'un exemple)
D'une manière plus générale...
Bien évidemment, c'est un cycle permanent.. des crédits sont remboursés et d'autres les remplacent... mais il faut toujours de plus en plus de crédits pour pouvoir créer la monnaie qui sert à payer les intérets. Je dirais que les banquiers se fichent pas mal du capital (qui n'est qu'une simple ligne d'écriture), alors que les intérêts (qui vont dans leur poche), ça, oui, ils aiment!
Vous comprenez donc maintenant pourquoi au lendemain (ou surlendemain ?) du 11 septembre l'un des premiers discours de Bush a été "il faut soutenir la consommation ... ayez confiance" car si la confiance disparait, il n'y a plus de crédit pour remplacer ceux arrivés à expiration, et c'est donc tout le système bancaire et économique qui s'écroule puisque les intérêts ne pourront plus être payés... il a aussi fait diminuer immédiatement les taux d'intérêts pour "pousser à la consommation"...
Accessoirement, l'intérêt c'est la cause principale de l'inflation (on en reparlera)... ici, j'ai été gentil, parce qu'avec un crédit à 9% par an , par le jeu des intérêts composés, c'est le double de la somme empruntée qui doit être remboursée sur 10 ans...
Ceci explique que ce que l'on appelle le "coefficient multiplicateur" s'établit (dans la réalité) à 6,5 (pour 1000 euros, c'est 6500 qui sont créés)... c'est à dire qu'il y a 6,5 fois plus de crédits "en circulation" que de dépots qui ont permis ces crédits... et, en remontant "à l'origine", il n'y a que 15% (100/6,5) de ce que les économistes appellent parfois "monnaie permanente" (billets et pièces), pour la différencier de la "monnaie temporaire" (monnaie de crédit , qui "s'efface" quand le crédit est rembousé). Ce qui a aussi pour conséquence que dans les banques il n'y a que 15% de monnaie sous forme de billets ou pièces: une panique et les portes seront vites fermées, vous ne pourrez partir avec votre argent.
Vous voyez aussi qu'on a pas parlé "d'adossement sur l'or" ... oubliez cela, c'est fini depuis longtemps ! L'or n'est plus qu'une matière première et la monnaie n'est plus gagée sur l'or.
Enfin vous remarquerez que comme l'écrit le seul prix Nobel d'économie français que nous ayons jamais eu (Maurice Allais, en 1988) : "Dans son essence la création de monnaie actuelle ex-nihilo par le système bancaire est identique à la création de monnaie par les faux monnayeurs. Concrètement elle aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents"
Je rajoute que le système bancaire jouis du privilège insensé de pouvoir créer de la monnaie sur ses propres dettes (ses dettes à ses déposants).
Dernier point: si vous discutez avec votre banquier ne lui dites pas "votre banque peut créer de la monnaie"... ce serait faux, elle ne peut que créer du crédit.
Par contre, si vous lui dites "le système bancaire pris dans son ensemble, système dont fait partie votre banque , crée de la monnaie payante ex nihilo" ce sera vrai et il sera un peu géné... accessoirement donc, la connaissance du système vous permettra de pouvoir discuter d'égal à égal avec lui et qui sait, d'obtenir de meilleures conditions si vous avez besoin d'un crédit ...
Allez, à bientôt pour une autre séance d'anti-auto-conditionnement à la "pensée unique" ...
L’intérêt de l’argent
« L’effet papillon » du monde économique
L’intérêt procuré par l’argent est probablement le concept économique le plus pernicieux car étant apparemment de petite valeur, quelques pour-cents, il a tendance à être négligé, sous-estimé, accepté comme une chose naturelle. Il avance masqué, et comme il est l’ami de tous, ses méfaits ne lui sont jamais attribués et son existence n’est ainsi jamais remise en cause. Pourtant, l’effet papillon que la science nous a révélé, montre que des petites causes peuvent engendrer de grands effets. Il en est de même avec l’intérêt. Nous allons en examiner quelques aspects.
Il a le pouvoir de transférer l’argent de ceux qui en manquent à ceux qui en ont le plus.
Il masque bien sa capacité fondamentale à transférer l’argent des mains de ceux qui n’en ont pas, à ceux qui en ont le plus. En effet, les premiers sont obligés d’emprunter de l’argent car ils en ont besoin pour vivre et les seconds leur prêtent puisqu’ils en disposent, n’en ayant pas besoin. Ainsi, par exemple, pour 100 euros prêtés, il faut en rembourser 110. Les 10 euros d’intérêts sont donc pris à ceux qui ont besoin d’argent, pour être donnés à ceux qui en ont déjà. L’intérêt est donc bien le facteur prépondérant de l’accumulation de richesse.
Un exemple, plus quantitatif, est tiré d’une étude qui a été faite en Allemagne par Margrit KENNEDY pour montrer le fonctionnement insidieux de notre système monétaire.
Il n’y a pas que ceux qui empruntent de l’argent qui payent des intérêts, car, contrairement à ce que l’on pourrait croire, nous en payons tous, sans même nous en rendre compte.
En effet, dès que nous achetons un bien ou un service, nous payons toujours une part d’intérêts incluse dans le prix et cette part est fonction des investissements qui ont été nécessaires pour la production considérée. Pour des services de main-d’œuvre, cette part est voisine de 10 %, mais elle peut atteindre 80 % si la production nécessite beaucoup de capital et peu de main-d’œuvre. En moyenne, la moitié de nos prix hors taxes représente le coût du capital.
L’étude a porté sur 25 millions de foyers allemands, répartis en 10 classes (de 1 à 10) selon leurs revenus.
Pour chacune de ces classes, il a été pris en compte les intérêts payés, inclus dans les achats de biens de consommation, et ceux perçus par les placements de l’épargne.
Les résultats figurent sur une courbe qui ne figure pas ici. Cette courbe met en lumière que l’intérêt ne profite qu’à la tranche supérieure, c’est-à-dire à 10 % de la population la plus aisée, qu’il est neutre pour les 10 % de la classe 9 et qu’il est prélevé sur les 8 premières tranches soit 80 % de la population. Cette courbe justifie aussi l’appauvrissement des classes moyennes.
Le problème est qu’on a fait de l’argent une denrée rare et chère, une « marchandise », et que l’argent « créé » est réservé aux riches qui en ont déjà... alors que ça devrait être l’inverse.
La croissance exponentielle ne se trouve pas dans la nature.
Pour justifier cela, il est intéressant de rappeler l’histoire de la découverte du jeu d’échecs par un sujet d’un empereur perse. Celui-ci, par enthousiasme, voulut récompenser l’inventeur de ce jeu en lui offrant ce qu’il désirait. La demande du rusé inventeur parut bien modeste et fut donc acceptée. Il s’agissait de placer un grain de blé sur la première case de l’échiquier, deux grains sur la seconde, quatre sur la troisième puis de continuer ainsi à doubler sur chacune des autres cases. Notre malheureux Empereur, peu mathématicien, a été victime, sans pouvoir l’anticiper, d’une croissance exponentielle car la quantité de blé nécessaire à la dernière case représentait des centaines de fois la production de toute la planète.
Une seconde anecdote rappelle que le placement de quelques sous à l’époque du Christ, à 4 % d’intérêt, correspondrait aujourd’hui à plusieurs fois le poids en or de la planète.
Enfin l'histoire vraie actuelle montre que les déficits budgétaires successifs de la France ont conduit à une dette publique qui aujourd’hui (chiffres de 1999, mais ça ne s'est pas amélioré, désolé d'être resté en francs, je trouve que c'est plus "parlant", sans doute encore pour quelques années) dépasse les 4000 milliards de francs, ce qui coûte 236 milliards de francs environ d’intérêts par an, soit plus de 646 millions par jour, ou 27 millions à l’heure ou enfin 450.000 F à la minute.
Par l’intermédiaire de l’intérêt, une somme colossale est transférée du monde économique au monde financier, et contribue à l’asphyxie du premier et à la congestion du second.
Les banques créent bien l’argent des prêts, mais elles ne créent pas simultanément l’argent des intérêts.