Les Noirs de France peuvent-ils profiter de la crise politique française ?
10/04/2006
Depuis l’année 2005, suivant les brouillages idéologiques des cohabitations et des campagnes électorales permanentes, en plus du triomphe en solitaire des idéologies ultralibérales intégrées aux doctrines et programmes des progressistes, le système politique français ne cesse de montrer des signes de faiblesse. Les principales questions matérielles ne sont pas résolues comme le chômage, le problème de la sécurité sociale, et les institutions sont chahutées par les élus eux-mêmes qui considèrent le Sénat comme une anomalie démocratique, les pouvoirs du présidents comme tantôt trop étendus tantôt imprécis, alors que la vie politique est rythmée par une succession d’affaires, de politique du ventre, de corruption des élus, des hauts fonctionnaires ...
L’absence de figures fédératrices incarnant le changement ou le consensus autour d’une modernisation politique appelée par tous et autant redoutée pour ses coûts sociopolitiques ne facilite pas la confiance dans le personnel ou les institutions politiques dont d’aucuns souhaitent une refonte globale dans le cadre d’une VIe république. Les alternances de cohabitations et la gérontocratie des élus lassent de plus en plus à mesure que les réformes toujours promises restent lettres mortes et que s’accumulent des lois non appliquées ou non applicables.
La question ethnique longtemps écartée, niée ou étouffée au profit d’une fiction nationale lavant plus blanc a surgit sous les vocables médiatiques des «Indigènes de la république» ou de «la question noire». Suscitant un assaut d‘opportunismes y compris chez des Noirs notoirement incompétents sur le terrain exigeant des mobilisations collectives et de la connaissance dossiers communautaires et désormais auto-investis d’une signature communautaire usurpée, elle s’est imposée dans les commandes médiatiques et politiques.
La crise des banlieues de Novembre 2005 a consacré la faillite d’un exécutif émoussé par le temps, les querelles intestines, et les rivalités internes au camp présidentiel. Si le ministre de l’Intérieur continu de jouir d’une surprenante complaisance, trop systématique pour être gratuite de la part du champ médiatique dominant, bénéficiant d’ailleurs de la mollesse complice de l’opposition finalement peu désireuse d’en découdre réellement avec un présidentiel de droite [???], le paysage politique n’en demeure pas moins en crise.
Les manifestations anti-CPE en mars-avril 2006 ont été l’occasion d’un nouveau détonateur social où jeunes de toutes conditions font vaciller le pouvoir politique en déroute. Cette situation annonce des incertitudes électorales et une volatilité prévisible des suffrages que les Noirs de France, désireux de s’inscrire dans l’agenda républicain à part entière devraient savoir utiliser pour leurs droits effectifs.
La volatilité des voix rend les prévisions difficiles et les états-majors ont compris que le vote noir pourrait être décisif ou au moins avoir une puissance de nuisance pour certains candidats. Les fiches des renseignements généraux sur les tendances électorales circulent probablement déjà depuis un moment.
L’électorat noir sera d’autant plus précieux que les incertitudes des choix des Français deviennent structurelles. Le taux d’abstention reste élevé [plus de 30% aux récentes législatives, plus de 50% aux européennes, autour de 20% aux présidentielles], la non représentativité de la classe politique assure les mouvements erratiques [selon les analyses de l’ethnie au pouvoir] des électeurs. La sous-représentation des femmes, des jeunes, des minorités non-blanches, arabes et noires qui apportent moins de 2% d’élus pour une nation où ils sont plus de 20% en nombre, le gommage presque parfait des origines sociales modestes, des ouvriers et paysans du personnel politique élu pose aussi un problème sérieux. Une espèce d’endogamie sociale règne dans la classe d’élite française, qui sera de moins en moins acceptée, et son formatage dans les napoléoniennes grandes écoles parachève le divorce des dirigeants d’avec les aspirations populaires, y compris leur lecture de la réalité France aujourd’hui.
Les spéculations vont donc bon train pour «récupérer» les voix des Noirs qui devront pouvoir proposer et imposer un contrat communautaire avec les postulants, reposant sur une lutte détaillée et spécifiée contre les discriminations de toutes sortes : éducationnelles -orientations scolaires racialisantes, filières déqualifiantes, échec scolaire, programmes scolaires, histoire coloniale ...-, légales -lois sur l’immigration, le séjour, dispositions républicaines qui profitent aux dominants, ...- sociales -soins, logement, loisirs, etc. -, économiques -embauche, évolution de carrière, accès à la propriété, au crédit, entreprenariat-, judiciaire -biais racial de la population carcérale, décisions de justice racistes, ...-, citoyennes -visibilité médiatique, accès à des postes politiques et administratifs importants, ...
Ce n’est donc que par l’élaboration de programmes de «citoyennisation complète» ou de normalisation citoyenne des Noirs que la communauté noire pourra peser sur l’échéance électorale en jouant sa propre partition politique. Ce offre politique devrait pouvoir être portée par un candidat noir idéalement mais l’adoption par la classe politique d’un programme communautaire a minima serait une façon décisive d’entrer en république. Les acteurs les mieux à même de proposer des schémas, tels les Coffad, Mnh et autres personnalités par exemple, présents sur le terrain depuis plus de 10 ans et disposant d’une réelle expérience de mobilisation et d’élaboration des thèmes majeurs -ils étaient à Durban en 2001 à la conférence mondiale contre le racisme - devraient se mettre rapidement à pied d’œuvre avec un soutien collectif pour pondre un projet fédérateur et plan de communication national de ces priorités.
Z.B
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