La (fausse) réforme de l'orthographe
Roux, Paul
" Je devais dormir au gaz, écrivait récemment un collègue sur La Journa-liste, un forum de discussion. Y en a-t-il parmi vous qui sont au courant d'une réforme de l'orthographe française qui touche quelque deux mille mots? " Je peux le rassurer tout de suite: il n'y a pas de réforme de l'orthographe. Il y a eu bien sûr, au début des années 90, un projet de réforme de l'orthographe. Mais le projet a suscité une telle controverse, notamment en France, qu'il a avorté, le président de la République refusant de l'entériner. Cette décision a amené le Conseil de la langue française du Québec à recommander à notre gouvernement " d'attendre que les modifications de l'orthographe du français aient été appliquées en France avant d'aller de l'avant au Québec ". Un avis qui me paraît toujours plein de bon sens.
La réforme est donc restée lettre morte, ou presque. Ni le Robert ni le Larousse, les deux poids lourds, n'ont adopté les rectifications orthographiques proposées. Au Québec, le Multidictionnaire n'a pas non plus emboîté le pas.
Mais c'était compter sans le zèle d'un petit groupe, qui a fait de la réforme du français sa religion. Entendons-nous bien: je reconnais à chacun le droit de militer pour la réforme de l'orthographe. Ce que je conteste, c'est que ces gens-là agissent comme si cette réforme était acceptée. Sur le site officiel de la réforme (www.orthographe-recommandee.info/index.htm), on peut lire: " Ce site de l'internet a pour objet de vous présenter les rectifications de l'orthographe française, officiellement recommandées. " Qu'est-ce que les auteurs entendent par " officiellement recommandées "? Que " ces rectifications sont parues au Journal officiel de la République française et ont été approuvées par l'Académie française ainsi que par les instances francophones compétentes ". Ils oublient seulement de dire (mais est-ce bien un oubli?) que le gouvernement français n'a jamais donné son aval à la réforme, que l'Académie, profondément divisée, a décidé de " soumettre les modifications à l'épreuve du temps " et que la plupart des instances compétentes ont battu en retraite.
Il y a quelques mois, un recherchiste de l'Office de la langue française a communiqué avec moi pour savoir si La Presse avait commencé à appliquer les rectifications orthographiques adoptées en 1990. Je lui ai rappelé que les rectifications n'avaient justement pas été adoptées. Si l'ensemble de la francophonie le fait, je m'y rallierai. Mais je reste opposé, et férocement, à toute initiative isolée.
Faire les séries
Est-il correct d'écrire que" le Canadien va faire les séries (ou les éliminatoires)?"
Jacques Perreault
Laval
La locution faire les séries est un calque de to make the play-offs. On peut la traduire par participer aux séries (éliminatoires) ou par participer aux éliminatoires.
Le Canadien n'a pas raté les séries cette année.
Le Canadien participe aux éliminatoires cette année.
Maximums ou maxima?
Ai-je raison de sursauter lorsque j'entends aux bulletins météo de TVA et TQS (pour ne pas les nommer...): desmaximums, desminimumsde...? Le pluriel d'un mot latin se terminant parumne devrait-il pas êtreae(prononcé A)?
Suis-je dans l'erreur?
Alexandre Parent
Les dictionnaires acceptent généralement le pluriel latin (maxima et minima) et le pluriel français (maximums et minimums). Mais la tendance actuelle est à la francisation.
Volontaire ou bénévole?
Je remarque que l'on emploie de plus en plus souvent le termevolontaireau lieu debénévole, et cela tant dans les journaux qu'à la télévision. Ai-je raison de croire qu'il s'agit d'un emprunt à la langue anglaise qui n'a pas sa raison d'être?
Anne-Marie Dupuis
Les mots volontaire et bénévole ont des sens assez semblables. Le volontaire est une " personne bénévole qui offre ses services par dévouement ". Mais le terme s'emploie surtout pour désigner une " personne qui se propose pour une mission difficile, une action dangereuse ".
L'Irak est à la recherche de volontaires qui voudraient servir de boucliers humains en cas d'intervention militaire américaine en Irak.
Les organisateurs du Tournoi de hockey pee-wee et bantam sont à la recherche de bénévoles.
Céduler
J'aimerais savoir si on peut employer le motcéduler? J'ai vu ce mot dans une publicité imprimée et je suis très sceptique quant à sa justesse. Est-ce un canadianisme, un anglicisme?
Gisèle Labrèche
Ce verbe est un anglicisme (to schedule) au sens de mettre à l'horaire, prévoir, programmer.
Petits pièges
Voici quelles étaient les erreurs de la semaine dernière:
- Contrairement à un usage assez répandu au Québec, le mot testicule est masculin. Il aurait donc fallu écrire:
Le vétérinaire a dû enlever un testicule à un gros chien.
- Le mot erre désigne, au sens propre, la " vitesse acquise par un navire, une fois le propulseur stoppé ". Il a engendré une locution, sur son erre, qui signifie " sur sa lancée ".
Fatigué, le cycliste continua à rouler sur son erre.
Chez nous, on dit le plus souvent sur son erre d'aller. Il s'agit d'un pléonasme sans gravité. Ce qu'il faut éviter, par contre, c'est l'emploi d'air d'aller qui, lui, est carrément fautif.
Voici les pièges de cette semaine. Les phrases suivantes contiennent chacune une faute. Quelles sont-elles?
Les garçons s'intéressent plus que les filles aux jeux vidéos.
Le traité d'interdiction des mines antipersonnelles entre en vigueur.
Les réponses la semaine prochaine.
Faites parvenir vos questions à Paul Roux par courriel à paul.roux@lapresse.ca ou par courrier au 7, rue Saint-Jacques, Montréal (QC), H2Y 1K9.