L’on exige à présent que les gouvernements africains lèvent les barrières douanières qui protègent les producteurs locaux, qu’ils dénationalisent leurs industries, réduisent leurs dépenses publiques en matière de santé, d’éducation et de subventions aux produits alimentaires, et qu’ils ouvrent leur marché, pour que leurs économies restent des sources de matières premières et de main d’œuvre bon marché pour les multinationales, tout en devant des intérêts aux banques. En 1999, par exemple, les pays PPTE ont remboursé 1860 millions de dollars de plus que ce qu’ils ont reçu sous la forme de nouveaux prêts.
En raison des politiques de la banque Mondiale et du FMI, le revenu moyen a baissé en Afrique, alors que la pauvreté du continent augmentait. Ces politiques sont toujours imposées aux pays PPTE qui ont bénéficié d’allègements de dettes, dont le Mali.
En Guinée et au Zimbabwe, l’incapacité à servir les intérêts de la dette a conduit le FMI, la Banque Mondiale et les pays occidentaux à geler toute aide, ce qui n’a fait qu’accélérer la détérioration des économies respectives. De façon générale, il faut à l’Afrique $ 80 milliards pour assurer la fourniture de soins médicaux de base, l’enseignement primaire et l’eau potable à ses populations, les plus pauvres du monde, firent valoir des délégués de la République Démocratique du Congo. Pourtant, les pays les plus pauvres du Sud doivent rembourser plus de $ 300 milliards de dettes en moyenne aux pays développés. Ce qu’il faut avant tout, c’est l’annulation sans conditions de la dette ainsi que des réparations pour compenser les énormes richesses qui ont été volées à l’Afrique ces cinq derniers siècles.
Au FSM de Bamako 600 réunions ont été organisées dans neuf sites différents de la capitale. Un autre problème qui fut abordé concernait l’immigration. Un groupe entier d’immigrés d’Afrique de l’Ouest venait juste d’être expulsé du Maroc au terme d’une marche d’une année poursuivie à travers le continent dans l’espoir d’un accès à l’Europe avec un emploi ou un autre, aussi ingrat ou sous-payé qu’il soit.
Lors de l’un des forums intervinrent dans le débat à la fois des Africains qui racontaient le triste sort qui leur était réservé en Europe et des Européens progressistes, principalement de France et d’Italie, qui essaient de travailler en solidarité avec les Africains et de lutter pour les droits de tous les travailleurs. Un Angolais raconta comment il avait été séparé de sa famille pendant sept mois sans aucun contact alors qu’il essayait désespérément d’atteindre l’ Europe. Jusqu’alors il n’était parvenu que jusqu’au Mali.
Le FSM ne fait pas de demandes globales, et ne s’organise pas non plus pour les faire aboutir. Mais les participants ont exprimé leur satisfaction d’avoir pu rencontrer d’autres personnes du continent qui travaillent elles aussi pour le progrès humain.
L’APPEL DE BAMAKO
De plus, un groupe de 80 intellectuels opposés à la mondialisation et militants politiques, dont des économistes et syndicalistes marxistes, se sont réunis les 18-19 janvier à Bamako, juste avant l’ouverture du Forum Social Mondial polycentrique. Le rassemblement, qui ne constituait pas une activité officielle du FSM mais dont les invités ont ensuite participé à de nombreux débats au FSM , a fait une déclaration à la fin de la réunion : l’Appel de Bamako.
L’appel vise à favoriser le débat et l’action sur toute une série de points posant des problèmes majeurs à l’humanité. Ils comprennent le besoin de créer un front uni des travailleurs et de lutter contre la domination impérialiste et l’hégémonie militaire américaine ; les problèmes des sociétés paysannes menacées de destruction par leurs concurrents occidentaux bénéficiant de subventions ; la gestion démocratique des médias et la diversité culturelle ; enfin, la lutte contre les politiques néo-libérales centrées uniquement sur le marché.
L’un des objectifs majeurs de l’Appel de Bamako est de promouvoir la solidarité entre, d’un côté, les travailleurs et les progressistes des pays impérialistes et, de l’autre, les mouvements populaires des pays opprimés. L’appel insiste sur l’importance attachée par les participants à la définition d’ objectifs alternatifs de développement afin de viser à un équilibre entre sociétés, d’abolir l’exploitation de classe, de sexe, de race et de caste et de tracer un itinéraire vers un nouveau rapport de forces entre Nord et Sud.
L’économiste égyptien et président du Forum du Tiers Monde Samir Amin, qui est professeur à l’Université de Dakar chez le voisin sénégalais, nomma cette assemblée pré-FSM une ‘Conférence de Bandung des peuples’, marquant ainsi le 50e anniversaire de la conférence des pays non-alignés de 1955 qui s’était tenue à Bandung en Indonésie. Certains leaders politiques maliens impliqués dans le FSM organisèrent et participèrent également à la conférence, dont Aminata Traore.
Au nombre des 80 participants aux débats pré-FSM figuraient Bernard Founou-Tchuigoua et Babacar Diop Buuba, tous deux professeurs d’université à Dakar (Sénégal), l’ancien député européen portugais Miguel Urbano Rodrigues, la journaliste politique chilienne Marta Harnecker, l’éditeur Franco-Libanaise Leila Ghanem et l’animateur du site internet rebelion.org Luciano Alzaga.
Il y avait aussi Wen Tiejun et Jinhua Dai de l’Université de Pékin, la rédactrice en chef du périodique cubain ‘Marx maintenant’ Isobel Monal, les économistes radicaux brésiliens Paolo Nakatini et Rosa Marques et le vice-président du Parti Communiste Brésilien (PcdoB) Jose Reinaldo Carvalho, l’économiste français Rémy Herrera, le spécialiste suédois du syndicalisme Ingmar Lindberg, Antonio Tujan de l‘Institut d’Economie Politique des Philippines, Mamdouh Habashi du Groupe Anti-Mondialisation Egyptien, le physicien belge Jean Bricmont ainsi que l’Américain John Bellamy Foster, rédacteur de ‘Monthly Review’.
Ignacio Ramonet du ‘Monde Diplomatique’, Bernard Cassen d’Attac-France, le Jésuite belge anti-militariste François Houtart et l’auteur anti-mondialiste Susan George, qui s’étaient déjà impliqués dans tous les forums sociaux majeurs antérieurs, ont également pris la parole. En sus des invités officiels, il y avait également des groupes de jeunes d’anciennes colonies françaises, en particulier du Sénégal, du Bénin et du Togo. Des coopérants Cubains présents au Mali, en particulier médicaux, furent aussi de la partie.
Pour mener les débats le groupe tout entier se divisa en 10 commissions séparées. Ces dernières débattirent pendant trois heures chacune, à raison de 5 commissions à la fois. Certaines des commissions décidèrent d’essayer de mettre sur pied des commissions de contrôle permanentes, dans des domaines tels que l’impérialisme et l’environnement.
ALARCON DEMANDE DES MESURES ANTI-IMPERIALISTES
Le Président de l’Assemblée Nationale cubaine, Ricardo Alarcon, prit également part aux discussions. Il émit quelques suggestions pratiques, par exemple que l’Appel de Bamako ne se contente pas seulement de mettre en place un forum anti-impérialiste qui définirait un programme ou lancerait des idées, mais qu’il s’organise en vue de coordonner des actions anti-impérialistes.
En fait l’Appel de Bamako préconise quelques actions bien précises. L’une d’entre elles s’avère le soutien aux journées mondiales de manifestations contre l’occupation des 18-19 mars.
L’appel vise à renforcer le mouvement de protestation contre la guerre et les occupations, ainsi qu’à exprimer sa solidarité avec les réfugiés des points chauds de la planète. Dans cet ordre d’idées, il est essentiel que la manifestation mondiale contre la guerre en Irak et la présence militaire en Afghanistan prévue pour les 18-19 mars 2006 coïncide avec :
- l’interdiction de l’utilisation et de la productiond’armes nucléaires ainsi que la destruction des arsenaux existants
- le démantèlement de toutes les bases militaires situées en dehors du territoire national, en particulier la base de Guantanamo.
- la fermeture immédiate de toutes les prisons de la CIA
Il appelle également à la solidarité avec la Palestine et la vigilance quant à une intervention américaine contre le Venezuela et la Bolivie.
Pour résumer, l’Appel de Bamako, élaboré sur la base des thèmes principaux discutés dans les groupes de travail, exprime son désir de :
(I) forger un internationalisme qui rassemble les peuples du Sud et du Nord souffrant des ravages engendrés par la dictature des marchés financiers et par le déploiement mondial incontrôlé des multinationales ;
(II) forger une solidarité des peuples d’Asie, d’Afrique, d’Europe et des Amériques confrontés aux défis du développement au XXIe siècle ;
(III) parvenir à un consensus politique, économique et culturel qui soit une alternative à la mondialisation militarisée néolibérale ainsi qu’à l’hégémonie des Etats-Unis et de leurs alliés.
A Caracas (Venezuela), où la seconde session du FSM Polycentrique s’est terminée le 30 janvier, le Président Hugo Chavez a préconisé la création d’une organisation internationale qui décide d’actions anti-impérialistes.
Il est prévu que le FSM 2007 se déroule à Nairobi (Kenya).
Catalinotto représentait le Centre d’Action International (International Action Center - USA) aux réunions qui lancèrent l’Appel de Bamako.
http://lesogres.org/article.php3?id_article=1488