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 Émeutes en France, haine ou histoire d'une ségrégation

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Tite Prout
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Tite Prout


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Émeutes en France, haine ou histoire d'une ségrégation Empty
14042006
MessageÉmeutes en France, haine ou histoire d'une ségrégation

Le Devoir
IDÉES, jeudi 10 novembre 2005, p. a7

Émeutes en France - La haine, ou l'histoire d'une ségrégation

Élisabeth Vallet

La France se réveille devant un phénomène aujourd'hui pluriséculaire dont elle a délibérément ignoré la gravité. Pourtant, dans le film que Mathieu Kassovitz a réalisé en 1995, La Haine, il y avait ce fond de vérité dont se sont détournés les politiciens français qui se sont succédé au pouvoir. «L'important, disait la bande-annonce du film, n'est pas la chute mais l'atterrissage.»

Justement, que représente la banlieue, que constituent les cités, les «quartiers», comme ils disent, pour des jeunes en mal d'atterrissage? «Que peut espérer un jeune qui naît dans un quartier sans âme, qui vit dans un immeuble laid, [...] avec tout autour une société qui préfère détourner le regard et n'intervient que lorsqu'il faut interdire?», demandait François Mitterrand en décembre 1990 à Bron, après les émeutes de la banlieue lyonnaise de Vaulx-en-Velin, dans un discours fondateur, celui de la Politique de la ville.

Pourquoi cette banlieue de Lyon? Parce que, huit ans après l'embrasement du quartier lyonnais des Minguettes, la banlieue «malfamée» de Vaulx-en-Velin s'était embrasée: l'histoire présente des similitudes avec ce que connaît la France à l'heure actuelle. Un jeune se tue dans un accident de moto causé par un barrage de police, le quartier s'insurge, les jeunes affrontent la police, le centre commercial est vandalisé.

Le célèbre sociologue Alain Touraine tirait alors la sonnette d'alarme, assurant qu'il fallait s'atteler à combattre l'exclusion pour éviter des émeutes urbaines à la mesure de ce qu'on avait vu aux États-Unis. Mitterrand annonce la création d'un ministère de la Ville et, avec celui-ci, la mise en place d'une politique globale. Force est de constater tant l'échec des politiques de la ville que celui du politique...

Les «cités»

Le problème des banlieues françaises est celui d'une ségrégation. Celui d'une ségrégation économique qui se superpose à une ghettoïsation ethnique. D'où vient ce problème des banlieues? Il vient de leur origine. D'une intention louable. Du temps où il fallait construire vite pour éradiquer les bidonvilles qui existaient pendant les années 50 pour loger les rapatriés d'Algérie et les harkis au milieu des années 60, pour héberger les ouvriers venus avec la vague d'immigration massive des Trente Glorieuses.

Mais le choc pétrolier a frappé de plein fouet ces populations vulnérables. Les classes moyennes ont réussi à s'extirper de ces quartiers en accédant à la propriété tandis que les autres demeuraient, un peu plus pauvres, un peu plus démunis. Familles monoparentales, pauvres et immigrés ont constitué le coeur de cette recomposition des quartiers avec, en toile de fond, un taux de chômage croissant.

Au milieu des années 70 est instaurée une aide au logement pour réduire le fardeau des loyers dans les HLM mais la ségrégation ne cesse de s'accentuer au fur et à mesure que la crise économique se prolonge. Au début des années 80, c'est une véritable politique globale qu'on veut mettre en place pour restaurer les HLM, réhabiliter les quartiers et achever des équipements pour restructurer la vie sociale, détruire les barres d'immeubles où s'entassent des milliers de personnes pour les remplacer par des logements à échelle humaine.

Dans un cadre où la pauvreté se décline dans tous ses registres, où près de la moitié de la population n'a pas les moyens d'obtenir un HLM, il n'existe que deux portes de salut: l'économie souterraine et ses trafics ainsi que la religion. En effet, la création en 1987 de l'Union des jeunes musulmans dans la très laïque France atteste d'une réalité nouvelle: l'essor des mouvements islamistes, quelque part entre le retour des «engagés» d'Afghanistan dans les années 80 et la question algérienne au début des années 90.

Après les années Mitterrand, c'est l'alternance politique. Chirac accède au pouvoir et abandonne une politique trop coûteuse, dont on ne voit pas toujours la rentabilité immédiate. Le ministère de la Ville, créé par Mitterrand, disparaît au profit d'une délégation interministérielle... effort louable visant à désectorialiser la question des banlieues mais trop timide, d'autant que plusieurs millions d'euros consacrés au logement social sont ainsi amputés du budget 2005 tandis qu'on décapite la police de proximité.

Stratégie électorale et information-spectacle

L'embrasement des banlieues fait suite à une politique inconstante, à une alternance de séduction-répression, au gré des campagnes électorales... Mais le destin des jeunes sans avenir est douloureux pour la France qui se cherche, quelque part entre assimilation forcée et multiculturalisme.

Par nature, la flambée de violences n'est pas chose nouvelle: chaque année, plusieurs centaines de voitures brûlent ainsi. D'ailleurs, avant les émeutes et depuis le 1er janvier 2005, ce sont plus de 28 000 voitures qui ont été incendiées. Par contre, leur ampleur, leur intensité et leur durée ont transformé ces violences urbaines en un phénomène de guérillas déformé - et insuffisamment expliqué - par la contrainte de l'information-spectacle.

En effet, le rôle des médias a été crucial dans le développement de ces émeutes. Car le problème de l'embrasement de Clichy aujourd'hui, c'est celui du climat politique délétère et de l'atmosphère de précampagne présidentielle, de la compétitivité malsaine au sein d'un gouvernement qui a posé une chape de plomb sur une course latente au leadership.

On le sait depuis longtemps, Nicolas Sarkozy convoite l'Élysée. Aussi, plus de deux ans avant l'élection présidentielle, il cherche à se positionner en jouant sur la rhétorique sécuritaire qui avait déjà amené Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle en 2002.

C'est pour renforcer sa cote de popularité qu'il a négocié son retour au gouvernement, au délicat ministère de l'Intérieur. Ravivant la flamme de l'extrême droite en cherchant à racoler un électorat de classes moyennes, inquiet, vaguement poujadiste et xénophobe, Sarkozy joue avec le feu. Dans le même temps, le Conseil de sécurité intérieure qu'a choisi de réunir Jacques Chirac - visiblement encore marqué par sa maladie et désemparé devant la situation - a pour rôle de définir les orientations de la politique menée dans le domaine de la sécurité intérieure et de fixer ses priorités. C'est une (autre) structure interministérielle qui comprend le président de la République, le premier ministre et les ministres de l'Intérieur, de la Justice, de la Défense, de l'Économie et des Finances, du Budget et de l'Outre-mer. Loin d'être la panacée, le Conseil de sécurité intérieure constitue pourtant le seul moyen mis en oeuvre par le gouvernement - visiblement pris au dépourvu - sur le plan politique. Il faut dire que l'imposition d'un couvre-feu et le déploiement de militaires (autres que les CRS) pourraient avoir un goût amer de guerre d'Algérie et un étrange relent des affaires Papon.

Délicat, le sujet des banlieues l'est à de multiples titres. La fracture sociale qui touche aujourd'hui l'ensemble des jeunes en France - et qui expliquerait l'exode des cerveaux vers l'Amérique du Nord - est décuplée pour ces jeunes des quartiers défavorisés. Sclérosée, la société française n'est pas en mesure de répondre aux aspirations de ces identités duales.

Dès lors, que faut-il observer sous la partie émergée de l'iceberg? Notre propre fracture sociale, ici au Québec. Dans les écoles, chez les démunis. Et agir, vite, avant qu'ici aussi, il ne soit trop tard.

Élisabeth Vallet : Chercheuse à la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques

Catégorie : Éditorial et opinions
Sujet(s) uniforme(s) : Politique extérieure et relations internationales; Conflits armés
Type(s) d'article : Opinion
Taille : Long, 875 mots

© 2005 Le Devoir. Tous droits réservés.

Doc. : news·20051110·LE·94682
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