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 Un autre développement est possible

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Tite Prout
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Tite Prout


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14042006
MessageUn autre développement est possible

Un autre développement est possible
Claire LELOUP
Mis en ligne le 14/04/2006
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Dans les pays du Sud, les acteurs de développement sont nombreux. On y trouverait «tout et n'importe quoi», dont des actions de solidarité qui n'ont servi à rien ou qui ont été négatives.

Socio-économiste. Consultante en coopération au développement. Intervenante dans le dossier «Solidarité Nord-Sud, entre noir et blanc» de la revue «Politique» (1).

A côté des gouvernements et des Etats du Sud, qui sont les principaux partenaires de solidarité des gouvernements du Nord et des organismes internationaux (Banque mondiale, Nations-unies, Commission européenne...), on trouve une galaxie d'acteurs appelés acteurs locaux, acteurs non étatiques, société civile... Ceux-ci sont généralement considérés comme les acteurs d'un autre développement, quelquefois plus efficace ou plus pertinent, et/ou comme des acteurs de changement social.

Une galaxie d'acteurs...

Lorsqu'on parle des acteurs non étatiques, on pense aux ONG.

Or celles-ci ne sont qu'un des éléments constitutifs de la société civile. Sur le terrain, on rencontre un ensemble plus vaste et plus diversifié. Dans le domaine du développement social et économique, la société civile est aussi constituée des associations de défense des droits humains, des groupements de femmes, des organisations d'usagers ou de consommateurs, des médias...

Les acteurs non étatiques (selon la définition de la Commission européenne) comprennent non seulement la société civile mais aussi le secteur privé (les entreprises) et les partenaires socio-économiques, y compris les syndicats.

Ces acteurs sont plus ou moins structurés et se situent à différents niveaux, du micro ou local jusqu'au national ou supranational. Ainsi des paysans regroupés pour se positionner ensemble face à des acheteurs puissants et vendre leur production à un prix acceptable, peuvent se regrouper en coopérative.

Enfin, à côté de cette galaxie d'acteurs non étatiques, il faut souligner l'importance croissante des gouvernements locaux et des collectivités territoriales (les autorités communales et leurs services...).

... et d'intentions

Parmi les acteurs non étatiques, on distingue ceux dont la mission et les finalités sont directement liées aux intérêts de leurs membres et ceux dont les actions se concentrent sur des valeurs et s'appuient sur des compétences.

Dans le premier cas, il s'agit de «groupes de base», tels une association de quartier ou de petits épargnants, un groupement de femmes villageoises ou de vendeuses dans le marché informe. Le nombre de leurs membres, leur représentativité ainsi que leur programme sont déterminants.

Dans le second cas, la légitimité d'une organisation ne tient pas à sa représentation (l'ONG qui prétend représenter la société civile ne représente qu'elle-même) mais à ses valeurs, à sa finalité sociale et à sa capacité à intervenir de façon pertinente et efficace. Les ligues de défense des droits de l'homme, les ONG de développement, les organismes visant la sensibilisation des groupes défavorisés font partie de cette deuxième catégorie.

Une nébuleuse d'initiatives

Parmi cette nébuleuse d'actions et activités reprises sous la dénomination «coopération au développement» et faisant l'objet de collaboration et d'accords de solidarité entre le Nord et le Sud, on trouve tout et n'importe quoi. Et notamment de nombreux exemples d'actions de solidarité qui n'ont servi à rien, voire qui ont été négatives pour le bien-être des populations en se basant sur l'ignorance ou la naïveté des populations du Nord. Ces exemples négatifs expliquent le désintérêt ou le rejet de la solidarité de certains.

En fait, les projets de développement les plus fréquents sont ceux qui aménagent de la pauvreté, qui permettent la survie et l'adaptation des catégories défavorisées sans rechercher le changement social. Ils répondent à court terme à un besoin apparent, qui est souvent l'arbre qui cache la forêt.

L'exemple le plus connu est «le projet utile» du puits creusé dans un village, pour y apporter l'eau potable et alléger le travail de puisage des femmes qui, après quelques mois, se retrouve ensablé ou qui a apporté des «résultats collatéraux» tels l'appropriation du puits par le chef du village ou par les éleveurs, ou l'isolement accru des femmes qui ne se rencontrent plus sur le chemin de la rivière...

Partenariats inégalitaires

Les relations entre acteurs sont rarement équilibrées. Elles vont généralement du Nord vers le Sud et plus rarement du Sud vers le Nord ou du Sud vers le Sud.

Les ressources financières sont cruciales dans l'appui des actions et des acteurs. De nombreuses organisations sont ainsi instrumentalisées par de puissants organismes de coopération au développement: de vastes projets, conçus et financés par des organismes internationaux ou des ministères européens, en collaboration avec les Etats du Sud, proposent des contrats de services, voire des subventions, pour que les acteurs non étatiques les exécutent en tout ou en partie.

Même s'ils prônent le dialogue et s'ils sont par ailleurs des défenseurs de cause et des groupes de pression visant le changement social, ces organismes deviennent des prestataires de services qui vont réaliser des activités et faire passer le message (la pilule?) à la population. Dans ce cas, le partenariat est un partenariat avec les bailleurs de fonds du Nord et les décideurs politiques, et non un partenariat avec les groupes sociaux défavorisés.

Faire du développement... autrement

Moins nombreuses, mais surtout moins photogéniques, moins susceptibles de libérer les émotions, sont les actions qui visent un changement social: des actions à but stratégique, où la question des pouvoirs et les rapports de force actuels sont considérés comme devant faire l'objet de changements. Par exemple, les actions visant l'égalité entre les hommes et les femmes ou l'amélioration de la capacité de négociation des petits producteurs par rapport aux commerçants et exportateurs.

Les acteurs qui réalisent des actions pertinentes visant le changement social vers plus d'égalité, de liberté et de dignité, ne manquent pas. Moins visibles, ils se renforcent en tissant des liens entre eux et en tentant de s'organiser en réseau.

Ainsi, une dizaine d'organisations du Sud et une ONG belge (Solsoc-FCD) ont conçu le Fonds d'appui à la dynamisation des organisations communautaires (Fadoc), un dispositif dont l'objectif est le renforcement institutionnel de groupes de base.

L'appui consiste notamment dans la mise en réseau des organisations d'appui aux groupes de base afin qu'elles puissent se réunir régulièrement pour des formations et discuter priorités et choix stratégiques.

Ces liens peuvent être basés sur la solidarité, sur une même idéologie politique, sur un partage commun de valeurs et de façons de penser. Les droits humains sont un ciment auquel les acteurs non étatiques sont souvent plus sensibles. Les ONG locales, les entreprises d'économie solidaire ou les bureaux d'études à finalité sociale se montrent alors des entreprises dynamiques habitées par la philosophie de changement social.

De leur côté, les organismes internationaux et les coopérations officielles, généralement adeptes de la mondialisation, «respectent» les gouvernements en place et soutiennent rarement des actions visant le changement social. Dans un Etat non démocratique, la solidarité entre différents acteurs du Nord et Sud, peut conduire à des actions ou des appuis à des acteurs illégaux. Citons les exemples déjà anciens mais bien connus en Belgique, de l'appui à l'ANC du temps de l'apartheid ou encore de l'aide aux résistants chiliens à l'époque de Pinochet.

Les acteurs locaux du Sud peuvent agir à un niveau international, national ou local.

Ainsi, au Niger, des ONG et des associations visent principalement la sensibilisation aux maladies sexuellement transmissibles et la réduction du Sida et, en même temps, interviennent dans ce cadre sur les relations entre femmes et hommes, sur la structure patriarcale et féodale, sur les croyances... Pendant ce temps, un club de jeunes s'initie au théâtre-action et intervient dans les villages ou sur le marché.

Ces actions sont relayées au niveau national par des actions de plaidoyer dirigées vers les députés et les membres du gouvernement.

Bien sûr, les changements de comportement et de mentalité prennent du temps et les changements dans les rapports sociaux suscitent des résistances. Et tout cela est bien peu photogénique.

La revue de débats d'avril 2006 comprend un important dossier coordonné par Jean-Paul Gailly: «Solidarités Nord-Sud: entre noir et blanc - Pour en finir avec le paternalisme». Y sont analysés notamment les différents courants d'ONG (Dominique Weerts), un panorama des actions menées sur le terrain (Claire Leloup), les médias en Afrique (Marie-Soleil Frère), l'épopée de Médecins sans frontières-Belgique (Philippe Laurent), les liens entre les mouvements altermondialistes et les ONG tiers-mondistes (Erik Rydberg), la confusion entre «aidants» humanitaires, forces armées et administrations (Isabelle Kuntziger), les nouvelles stratégies des grands bailleurs de fonds (Xavier Zeebroek), la défédéralisation de la Coopération (Diane Autreveille) et l'égalité homme-femme (Claudine Drion). Vient de paraître. Rens: 02.535.06.93 ou Web www.politique.eu.org

© La Libre Belgique 2006

http://www.lalibre.be/article.phtml?id=11&subid=118&art_id=280393
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