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 Réflexions sur les mutations du droit international (2)

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Tite Prout
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Tite Prout


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Date d'inscription : 01/06/2005

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11042006
MessageRéflexions sur les mutations du droit international (2)

Deuxième partie : Les Institutions financières et commerciales internationales : réforme ou restructuration ?

1. Un peu d’histoire

Pour instaurer la sécurité et la coopération économique dans le monde de l’après-guerre, la solution proposée lors de la Conférence monétaire et financière des Nations Unies tenue à Bretton Woods consistait à créer un ensemble d’institutions intergouvernementales qui auraient pour mission de surveiller les négociations et la coordination multilatérales de politiques susceptibles de parer à toutes les menaces qui paraissaient compromettre la survie du nouveau système commercial et financier multilatéral. Ces institutions devaient comprendre notamment :

- a. Le Fonds monétaire international (FMI), chargé de garantir un système multilatéral des paiements cohérent, reposant sur des taux de change négociés multilatéralement, stables mais ajustables, dans des conditions qui limitaient strictement les flux de capitaux internationaux privés.

- b. L’Organisation internationale du commerce (OIC), qui aurait pour mission de fournir un cadre basé sur des règles pour faciliter la réduction des obstacles commerciaux dans le cadre de négociations multilatérales, et de coordonner les politiques économiques nationales afin de porter la demande mondiale et l’emploi à des niveaux suffisants pour soutenir le développement des pays membres à faible revenu.

- c. Le Fonds de stabilisation international des produits de base, qui devait assurer la stabilité des prix des matières premières et des produits de base grâce à la création de stocks régulateurs.

La conception de ces institutions reposait sur le caractère inséparable des objectifs nationaux et internationaux. L’importance attachée à l’existence d’un environnement extérieur favorable pour pouvoir bénéficier d’une croissance rapide et du plein emploi se reflète dans l’énoncé des objectifs du FMI, qui étaient de "faciliter l’expansion et l’accroissement harmonieux du commerce international et de contribuer ainsi au maintien de niveaux élevés d’emploi et de revenu réel, ainsi qu’au développement des ressources productives de tous les membres en tant qu’objectifs fondamentaux de la politique économique". La Charte de l’OIC (Chapitre 2, article II) était encore plus explicite : "Les États membres reconnaissent qu’il n’est pas uniquement de leur intérêt national de prévenir le chômage et le sous-emploi en assurant et en maintenant dans chaque pays des possibilités d’emploi productif en faveur des personnes aptes au travail et désireuses de s’employer ainsi qu’un volume important et en progression constante de la production et de la demande effective de biens et de services. Ils reconnaissent que la prévention du chômage et du sous-emploi est également une condition nécessaire pour atteindre ... le développement des échanges internationaux, et, par conséquent, pour assurer le bien-être de tous les autres pays". Les efforts déployés pour mettre en place un ensemble cohérent et coordonné d’institutions internationales pour promouvoir le plein emploi, libre-échange équitable et le développement n’ont jamais été achevés. Seul le FMI et la BM furent créés, et le système des négociations fondé sur les règles pour éliminer les accords bilatéraux discriminatoires via l’application de la clause inconditionnelle de la nation la plus favorisée est le seul élément qui ait survécu à la Charte de l’OIC sous la forme de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT, 1947).

Lors des débats qui devaient déboucher sur Bretton Woods, une autre institution a été ajoutée à l’ensemble initial : la Banque internationale pour la reconstruction et le développement destinée entre autres, à "promouvoir la croissance équilibrée à long terme des échanges internationaux et maintenir l’équilibre des balances des paiements en encourageant l’investissement international pour le développement de ressources productives des membres, et améliorer ainsi la productivité, les niveaux de vie et les conditions de travail dans les pays membres"( art. I, iii). Notons un point important : les problèmes spécifiques des pays en développement qui participaient à la mise en place du système commercial et financier international d’après-guerre n’ont pas été débattus à Bretton Woods.

Dés le départ, ces institutions de nature libérale ont eu deux handicaps :

- a. elles ont été mises en place par les pays riches. Les mécanismes de décision politique restent dans leurs mains et ils ont dés le début la mainmise sur le FMI et la BM, principalement les Etats-Unis.

- b. les intérêts des pays en voie de développement avaient été ignorés dés le début, ceux - ci étant d’emblée écartés du centre des décisions. Avec le temps, les pays en voie de développement et par extension leurs populations, subiront directement les effets des décisions prises par les centres de pouvoir localisés à l‘intérieur de deux institutions. Depuis le début de l’offensive néo-libérale des années 1980, l’édifice sur lequel reposaient les relations internationales a subi des modifications. Avec cette mutation, c’est tout le système juridico-politique internationale construit après la deuxième guerre mondiale (l’ONU, institutions spécialisées, organes subsidiaires, droits humains, droit au développement,....) qui est mis en question. Deux éléments peuvent être considérés comme facteurs du changement des rapports de forces et du droit international : a. l’échec et la faillite total du socialisme comme système alternatif au capitalisme, b. l’échec des pays du Sud dans la construction d’un Nouvel ordre international, et en conséquence, l’échec des politiques de développement élaborés à partir des besoins de ces pays.

Le système libéral, libéré des contraintes juridico-politico-idéologiques et des contradictions sur le plan international, se trouve aujourd’hui en position d’arbitre, en condition d’imposer à l’échelle planétaire son propre modèle en tant que moteur unique du fonctionnement de l’économie mondiale. En 1994, suite à l’Accord de Marrakech, l’OMC est crée comme organisation internationale dotée de compétences nécessaires et des capacités fonctionnelles. Elle complète le tripode des relations économiques et financières internationales aux côtés du FMI et de la Banque mondiale.

(...)

Notons que les débats sur la nécessité des réformer les institutions financières internationales ont déjà vu le jour et posés en tant que revendication par les pays en voie développement, dans le contexte de la construction du Nouvel ordre économique international.

2. Le FMI et la Banque mondiale : le pouvoir dans la société internationale, le processus d’imposition d’un modèle social régressif et de l’ordre international de la misère

En ce qui concerne les relations internationales, l’un des caractéristiques les plus frappant est le fait qu’un petit groupe d’Etats puissants et d’entreprises transnationales concentrent le pouvoir et prennent à huit clos, des décisions qui déterminent la vie et les conditions de vie des peuples. Dans la conjoncture actuelle et dans l’état des rapports de force, le fonctionnement de la société internationale et des sociétés humaines est largement déterminé par les « pouvoirs privés », étant fondé sur une logique marchande et de « marchandisation » de l’être humain et des populations entières de la planète. Les IFIs fonctionnent selon la logique des entreprises financières privées et du capitalisme mondial, sans grande considération des résultats sociaux et politiques de leurs actions et en constituent l’organe exécutif des pouvoirs de facto. La politique économique, financière et commercial internationale est un monopole des institutions internationales (FMI, BM, OMC) qui répondent essentiellement aux intérêts des pays développés : les institutions multilatérales agissent comme vecteurs de l’idéologie néolibéral : les institutions financières internationales sont des instruments qui imposent des politiques consistant à télécommander les économies des pays envoie de développement à travers l’imposition à des pays impuissants des politiques économiques impopulaires et antisociales , destinés à assurer le profit des banquiers privés, des pays créanciers et des grandes firmes transnationales.

De sa part, l’OMC est l’institution multilatérale dont les règles sont entièrement fondées sur la logique et les intérêts des pays du Nord et des sociétés transnationales : Accord sur le droit de propriété, AGCS, Accord sur l’agriculture...Logique et règles très simples : toutes les responsabilités incombent à l’Etat, aux pouvoirs publics et aux populations, tenus de respecter scrupuleusement les droits privés des transnationales, toute l’impunité assurée à ces dernières. Ces institutions multilatérales constituent le fer de lance du libéralisme et empêchent tout espoir de développement alternatif durable pour les pays du Sud. Elles font partie intégrale du processus d’imposition de un ordre international de misère et de violence en participant activement à la consolidation du système social international d’exclusion juridiquement organisée.

3. Les institutions multilatérales sont- elles réformables ?

Pour répondre à la question nous allons aborder deux points essentiels. Tout d’abord, la problématique de la dette en rapport avec les programmes d’ajustement structurel et ensuite une analyse politico-juridique des institutions multilatérales.

- Dette, programme d’ajustement structurel : la mainmise sur les ressources humaines et naturelles des peuples du Sud. A partir de 1982, au moment de la crise de la dette, c’est tout le système bancaire privé occidental qui été menacé d’une faillite en chaîne. L’entrée sur scène du FMI et de la BM a permis de gérer cette crise, à travers le rééchelonnement et les annulations partielles. La dette demeure cependant l’un des problèmes essentiels des pays en voie de développement et de leurs populations. La dette externe sert avant tout d’instrument de contrôle des économies des pays en voie de développement : le FMI et la BM imposent des programmes économiques, commerciales et financières qui dépassent largement le cadre de la simple imposition d’un ensemble de mesures macroéconomiques au niveau interne. Leurs politiques s’insèrent dans le processus de démantèlement du rôle social de l’Etat, faisant partie intégrale d’un projet politique, d’une stratégie délibérée de transformation sociale à l’échelle mondiale, dont l’objectif principal est de faire de la planète un champ d’action où les sociétés transnationales pourront opérer en toute sécurité et en toute impunité. « Les programmes d’ajustement structurel (PAS) jouent ainsi un rôle de "courroie de transmission" pour faciliter le processus de mondialisation qui passe par la libéralisation, la déréglementation et la réduction du rôle de l’État dans le développement national. A juste titre nous pouvons dire que le FMI et la Banque mondiale jouent un rôle de premier plan du processus de formation et consolidation de l’ordre néolibéral. A travers l’imposition de leurs programmes d’ajustement, elles sont à l’origine de politiques sociales catastrophiques pour les populations : privatisation de la santé, privatisation de l’éducation, privatisation des services publics, libéralisation forcée du commerce, tout cela en parfaite concordance avec la politique commerciale et les règles libérales de l’OMC.

Le FMI et la BM deviennent des institutions dont le but principal est, parmi autres, le recouvrement des intérêts de la dette, la soumission de chaque pays aux règles juridiques de la déréglementation assurant la libéralisation des mouvements des capitaux, la démission des pouvoirs publics de tout contrôle démocratique de l’économie nationale. Avec l’OMC elles sont, en substance, les gardiens institutionnels des intérêts privés et les piliers politico-juridiques du système libéral mondial. C’est la nouvelle forme de colonialisme : la domination des puissants se manifeste et se cache derrière la prise de décision au sein d’organismes multilatéraux économiques, financiers et commerciaux. Voici « ...l’impérialisme « triangulaire » moderne ».

- La question du pouvoir à l’intérieur des institutions multilatérales. La parcelle du droit.

Il faut constater d’emblée que le FMI et la BM sont des institutions internationales multilatérales reliées aux Nations Unies. En tant que telles, elles sont, en principe, tenues d’ajuster leur conduite aux principes, buts et règles de la Charte des Nations Unies. Loin de là, leurs activités sont allées plutôt en sens inverse : à l’encontre et contre le droit international et de la Charte des Nations Unies. Aucun contrôle démocratique, aucune participation ouverte, aucune légitimité démocratique, aucune règle autre que la logique marchande et la force, camouflés par le droit interne : voici les composants essentiels de base du fonctionnement du FMI et de la BM. En ce qui concerne la procédure de prise de décision au sein du FMI et de la BM, elles se trouvent concentrées aux mains des puissants, rassurant juridiquement l’exercice du pouvoir et de l’hégémonie des plus forts. En effet, comme le remarque Chemillier -Gendrau, ces institutions « ..sont de purs relais du rapport de forces... » et aucun ordre mondial, aucune légalité internationale, aucune norme impérative n’a encore réussi à y pénétrer.

Au sein de ces institutions le rôle prépondérant revient, tout naturellement, aux pays industrialisés occidentaux, qui de facto, détiennent tout le pouvoir de décision, puisque le poids dépend entièrement du montant du capital souscrit. Leurs statuts consacrent et légalisent des relations économiques et financières internationales fondées sur la domination des plus forts sur les plus faibles.

- Légitimité, démocratie, respect du droit international ? La Résolution 36/172 qualifie l’apartheid comme un crime contre l’humanité. Egalement, l’AG de la ONU condamne fermement les sociétés transnationales et les institutions financières qui collaborent avec le régime raciste de l’Afrique du sud, en ouverte allusion au FMI et à la BM. En 1982 l’AG de l’ONU a demandé explicitement au FMI, dans le cadre de lutte contre la discrimination raciale et le racisme, de s’abstenir d’accorder toute assistance ou appui économique et financier au régime criminel de l’apartheid . La réponse du FMI a été d’une clarté surprenante et d’un cynisme brutal : il (le FMI) ne peut suivre l’injonction de l’AG de l’ONU parce que les demandes d’assistance économique et financière de l’Afrique du Sud étaient conformes à leurs statuts ... sans commentaires ! ! !. Une telle décision n’aurait vraisemblablement été prise sans l’accord implicite ou explicite des pays occidentaux, en particulier sans le concours des Etats-Unis qui a aussi été condamné explicitement par l’AG par leur appui ouvert au régime raciste de l’Afrique du sud.
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