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 Les Québécois hésitent à valoriser leurs réussites financièr

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AuteurMessage
mihou
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mihou


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MessageSujet: Les Québécois hésitent à valoriser leurs réussites financièr   Les Québécois hésitent à valoriser leurs réussites financièr EmptySam 11 Mar - 2:36

Enrichissement coupable
Les Québécois hésitent à valoriser leurs réussites financières

Je me rappellerai toujours du jour où j'ai pris possession de ma première maison. Enorgueillie par mon nouveau statut de propriétaire, je débarquai avec mon équipe de rénovation. Si tôt installée, j'ai eu le mandat du café! En tournant le coin de ma nouvelle rue, j'ai croisé quatre jeunes filles qui dormaient sur le trottoir. Çela m'a littéralement bouleversée. Et j'ai ressenti un profond malaise. Cette journée-là, j'avais d'abord l'impression de faire un pas en avant dans la vie, et puis je me suis sentie coupable.

Je crois que ce que j'ai longtemps interprété comme de la modestie de la part des entrepreneurs provient du même malaise, d'une sorte de culpabilité de s'enrichir. Les Québécois hésitent à valoriser leurs réussites financières et à profiter pleinement et ouvertement de ce qu'ils accumulent en travaillant pourtant très fort. Et il y a toujours quelqu'un qui met en doute les revenus qu'ils gagnent et qui entretient cette culpabilité ambiante. Tantôt ces revenus sont gagnés sur le dos des salariés ou des actionnaires, tantôt sur celui des contribuables. De façon générale, je crois que l'on cautionne l'entrepreneuriat comme un levier de développement puissant, mais pas nécessairement l'enrichissement. Et cela m'apparaît comme un frein culturel important.

Le risque de gagner ou de perdre

Doit-on s'insurger contre le fait que d'aucuns souhaitent faire plus d'argent? Ou questionner la légitimité des dirigeants d'en vouloir plus? Pourquoi sont-ils avides de plus de récompenses? Peut-être tout simplement parce que l'argent est au coeur de leurs préoccupations quotidiennes en étant l'oxygène des entreprises privées. Faire générer des profits, ce serait bien, mais en demander plus pour soi, ce serait abusif?

De par la nature de leurs activités, je crois que les entrepreneurs tout comme les dirigeants de grandes entreprises sont conséquents dans leurs demandes, qu'elles sont à la hauteur des risques qu'ils prennent, des décisions qu'ils mûrissent, des clients qu'ils rencontrent, des employés qu'ils embauchent et des salaires versés. Je crois qu'ils sont à la hauteur des efforts et des investissements personnels et financiers consentis. Ils risquent de gagner, mais aussi de perdre.

D'ailleurs, on parle bien plus souvent des gains abusifs que des insuccès. Pourtant, ceux-ci caractérisent aussi la vie des entrepreneurs. On omet de dire que le chemin à parcourir pour avoir une entreprise en santé est très long et que ni la survie ni les revenus de leur dirigeant ne sont garantis. Pendant les premières années du démarrage d'une entreprise, très peu d'entre eux réussissent à se verser des salaires ou à retirer des bénéfices de leur exploitation.

Au Québec, seulement 35,3 % des entreprises de toutes tailles poursuivent leurs activités après cinq ans (1). Les risques de pertes demeurent donc très élevés. Beaucoup de propriétaires dirigeants d'entreprises y perdent leur mise de fonds. Et que dire du temps qu'ils y ont investi ou de l'emploi qu'ils ont quitté pour assumer ces risques et l'incertitude? D'autres encore doivent vivre avec une faillite, voire plusieurs faillites, au dossier de crédit et de vie. Et la faillite est bien davantage tabou que l'enrichissement. Ces éléments sont rarement évoqués lorsqu'il est question de l'enrichissement des gens d'affaires. Quand un million de dollars est gagné par un joueur de hockey, on avance que sa carrière est courte, que les risques de blessures sont élevés et que les salaires vont au mérite sportif, mais a-t-on la même répartie pour les propriétaires dirigeants d'entreprises?

Et puis quel est le revenu qu'il est acceptable de gagner au Québec? Lorsque nous publions les revenus de nos voisins ontariens ou américains, ou ceux des gens de pays européens comme la Finlande ou le Danemark, j'ai plutôt l'impression de ne pas avoir les moyens de poser la question. Pourtant, c'est en générant de la richesse que nous serons capables, collectivement, de corriger les inégalités sociales et économiques qui, par exemple, amènent des jeunes à dormir dans la rue.

1) Gouvernement du Québec, Taux de survie des entreprises du Québec et taux de passage, Direction de l'analyse économique, mars 2001

Nathaly Riverin

L'auteure est directrice du Centre de vigie sur la culture entrepreneuriale (Fondation de l'entrepreneurship) et du projet GEM Canada (chaire d'entrepreneuriat Rogers-J.A. Bombardier HEC Montréal).


Illustration(s) :

Lemée, Rémi
Alain Bouchard, président du conseil, président et chef de la direction de la chaîne Alimentation Couche-Tard, de Laval. Cette entreprise de Laval est le plus important réseau de dépanneurs au Canada et le quatrième en Amérique du Nord.
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