Les horreurs du fast-food
Lortie, Marie-Claude
Chicago - Avant de faire un film sur les horreurs du fast-food américain, le réalisateur et principal acteur de Super Size Me, Morgan Spurlock, a brièvement essayé de gagner sa vie comme humoriste. Aujourd'hui, il met son talent de blagueur au service de la lutte anti-malbouffe en prononçant des conférences qui font rire jaune comme un citron biologique et qui attirent les foules comme s'il était une rock star.
Devant une foule assemblée récemment à Chicago, dans le cadre d'une conférence de quelques jours sur l'alimentation biologique, le cinéaste de 34 ans a fait un malheur.
Le jeune homme, qui n'a mangé que du McDo pendant 30 jours pour raconter dans son film l'impact de cette nourriture sur le corps humain- il a mis sa vie en danger en le faisant, car il a développé, notamment, de graves problèmes de foie- s'est fait assaillir par les admirateurs qui voulaient son autographe, faire dédicacer son nouveau livre Don't Eat This Book et savoir si le régime de réadaptation végétalien qu'il a suivi après son expérience serait publié. Ces fans ont ensuite applaudi à tout rompre lorsqu'il a annoncé qu'il s'était fiancé avec sa girlfriend- celle qu'on voit dans le film. Un peu plus et on lui arrachait un morceau de son t-shirt en espérant qu'il soit fait de coton équitable...
" Le film a explosé et a eu un impact incroyable. Jamais je n'ai imaginé que ça donnerait tout ça. Parce qu'en fait, c'était simplement une très bonne mauvaise idée ", a-t-il expliqué.
Aujourd'hui, l'homme qui a ébranlé McDo met son énergie dans une nouvelle série télévisée- 30 Days, diffusée actuellement sur une des chaînes de Fox (FX) sur le câble- qui reprend son concept " on fait quelque chose de particulier pendant 30 jours ", mais qui l'applique à toutes sortes d'autres situations. Cependant, il n'est plus l'unique cobaye. Même si Spurlock a passé 30 jours à travailler au salaire minimum avec sa fiancée pour la série, ce sont d'autres personnes qui sont allées passer 30 jours dans une famille de musulmans orthodoxes ou qui ont essayé un régime rajeunissant aux stéroïdes, etc.
Ceci n'empêche pas le cinéaste de continuer sa croisade anti-junk, qui est aussi le propos de son livre où il démolit morceau par morceau les habitudes alimentaires des Américains moyens, avec leurs excès de sucre, de viande aux antibiotiques produite dans des conditions stupéfiantes, l'industrialisation de toute la production alimentaire, la manipulation des consommateurs, etc. En conférence, comme dans son livre, il écorche encore beaucoup McDo- " Avez-vous déjà remarqué que le clown ne mange jamais de burgers? "- mais il attrape aussi d'autres géants controversés de l'alimentation au passage: " Sodexho? Dans ma tête, ils sont à la même place que Satan! "
M. Spurlock est particulièrement inquiet du sort des jeunes qui, dit-il, apprennent trop souvent à dire McDo et à chanter le jingle de ses pubs avant même de savoir parler. La qualité des repas scolaires le met aussi hors de lui. " Moi, ce qui m'a fait le plus peur durant le tournage de mon film c'est quand nous sommes allés dans les écoles pour voir ce que les enfants mangeaient. Dans une école, on a vu une machine à slush. (...) On s'occupe des enfants durant les heures de cours mais on les abandonne durant les heures de repas. " Il ajoute en riant (jaune), mi-blagueur, mi-sérieux, que si tant d'enfants ont besoin de Ritalin, c'est peut-être parce qu'ils sont tellement dopés au sucre...
Selon Spurlock, si on ne devait retenir qu'un message de son film et l'envoyer à McDo, ce serait un message destiné à protéger les enfants. " Arrêter de donner des jouets, fermer les salles de jeu (où, dit-il, durant le tournage, il a trouvé deux fois des couches pleines, perdues dans les fameuses balles...) Il faut arrêter de cibler les enfants. "
Quand aux parents, il n'a qu'une chose à leur dire: " Chaque jour, ne l'oubliez jamais, vous votez avec votre fourchette. "