Nos épargnes sont-elles en danger?
Girard, Michel
" Vos épargnes ont de la valeur. Mais sont- elles proté gées? "
Ce sont les deux organismes gouvernementaux chargés de protéger nos épargnes, soit la Société d'assurance-dépôts du Canada et l'Autorité des marchés financiers du Québec, qui font cette mise en garde dans une annonce publiée cette semaine dans tous les grands quotidiens.
Pendant la période la plus occupée de l'année en matière de placements, soit lors du récent blitz REER des mois de janvier et février, on multipliait à coup d'annonces la même mise en garde.
Quand on lance pareille mise en garde dans le cadre d'une vaste campagne de publicité gouvernementale cela laisse entendre qu'un sérieux problème de protection inadéquate toucherait nombre de nos placements.
Et par ricochet, l'annonce laisse présager que des consommateurs auraient subi des préjudices en investissant leurs économies dans des placements non couverts par les deux organismes.
Quels sont les préjudices en question? J'ai posé la question à l'Autorité des marchés financiers (l'AMF), l'organisme provincial qui chapeaute aujourd'hui tous les organismes de surveillance des marchés financiers au Québec. Le porte-parole de l'AMF, Philippe Roy, affirme qu'aucun problème de protection inadéquate des placements n'est survenue récemment. La mise en garde en question s'inscrit strictement dans une campagne annuelle d'information et d'éducation des consommateurs. Point à la ligne.
Mais pourquoi utilise-t-on un titre aussi alarmiste: " Vos épargnes ont de la valeur. Mais sont-elles protégées? " Tout simplement dans le but d'attirer l'attention des consommateurs, selon M. Roy.
Quoi qu'il en soit, il n'en demeure pas moins que le gros de la campagne des deux organismes d'assurance-dépôts se déroulait pendant le blitz REER, qui est le principal moment de l'année où les investisseurs font leurs achats de parts de fonds communs de placement. Comme par hasard, les fonds communs ne bénéficient pas de la protection de l'assurance-dépôts, contrairement aux dépôts dans les institutions financières!
La protection grimpe sauf au Québec
Par ailleurs, dans le cadre du nouveau budget fédéral, le ministre des Finances Ralph Goodale a sensiblement bonifié la limite de protection de l'assurance-dépôts pour les dépôts assurables. Le gouvernement Martin augmente ainsi cette limite de protection à 100 000 $, soit 40 000 $ de plus que la protection qui était en vigueur depuis 22 ans.
Mais cette augmentation de la limite de protection ne touche que les institutions financières membres de la Société d'assurance-dépôts du Canada.
À l'exception des banques, toutes les institutions financières (caisses, sociétés de fiducie, sociétés d'épargne) qui recueillent des dépôts au Québec sont tenues de s'inscrire à l'assurance-dépôts de l'Autorité des marchés financiers.
Or, l'Autorité des marchés financiers ne peut emboîter le pas à l'Assurance-dépôts du Canada tant et aussi longtemps que le gouvernement du Québec ne modifie la loi provinciale qui régit l'assurance-dépôts de l'AMF. C'est vraisemblablement lors de la présentation de son prochain budget provincial que le gouvernement Charest va hausser la limite de protection de l'assurance-dépôts québécoise à 100 000 $.
Placements protégés et non protégés
Cela dit, voici un bref rappel des placements qui bénéficient de la protection de l'assurance-dépôts, tant fédérale que provinciale.
Tout d'abord, les institutions visées sont les banques, les sociétés de fiducie, les caisses populaires, les sociétés de prêts hypothécaires et autres sociétés d'épargne. La protection de l'assurance-dépôt protège les dépôts des clients en cas de faillite de leur institution financière.
Depuis la création en 1967 de la Société d'assurance-dépôt du Canada (SADC), il y a eu 43 institutions financières membres qui ont déclaré faillite au pays. Dans le cadre de ces faillites, la SADC a protégé plus de deux millions de déposants, lesquels détenaient quelque 24 milliards de dollars en dépôts assurés auprès de ces institutions. Ces faillites ont coûté 4,7 milliards de dollars à la SADC.
Bonne nouvelle: aucune institution membre de la SADC n'a fait faillite depuis juin 1996.
La protection de l'assurance-dépôts s'élève donc jusqu'à concurrence de 100 000 $ pour les clients des institutions membre de la SADC et de 60 000 $ pour les clients des institutions membres de l'AMF. La protection couvre le capital investi et les revenus d'intérêt accumulés, tels les dépôts versés dans des compte-chèques, dans des comptes d'épargne, dans des certificats de dépôts et de placement garanti, les mandats, les traites, les chèques de voyage, etc..
On fait référence ici aux dépôts remboursables à l'intérieur d'un terme de cinq ans ou moins. De plus, les dépôts doivent être libellés en monnaie canadienne.
Fait important: un même client peut bénéficier de plusieurs protections de 100 000 $ ou 60 000 $ s'il a réparti ses épargnes dans diverses catégories de dépôts. En effet, certains dépôts sont protégés par des garanties distinctes. C'est le cas des dépôts conjoints, des dépôts en fiducie, des dépôts placés dans les REER et les FERR.
Notez maintenant les placements qui ne bénéficient aucunement de la protection de l'assurance-dépôts: les dépôts dont le terme excède cinq ans; les dépôts faits ou payables en une monnaie étrangère; les dépôts faits à l'extérieur du Québec ou payables à l'extérieur du Québec; les parts du capital social d'une coopérative de services financiers; les parts d'un fonds commun de placement, les actions.
En ce qui concerne les placements effectués dans les fonds communs, non seulement les détenteurs de parts ne sont-ils pas protégés par l'assurance-dépôts... mais ils ne bénéficient d'aucune autre protection.
L'industrie des fonds communs estime qu'il n'y pas de danger pour vos épargnes et voici pourquoi: "Lorsque vous investissez dans un fonds commun de placement, vous êtes en fait propriétaire d'une partie des placements du fonds. Cela s'apparente à l'achat d'une maison ou presque; il faut donc s'attendre à une fluctuation de la valeur. Un placement dans un fonds n'est pas assorti d'une promesse de remboursement comme un prêt qui doit être assurée. Le fonds promet uniquement de gérer votre placement, de le garder en sécurité pendant qu'il est en sa possession et de vous en remettre la valeur lorsque vous voudrez le vendre."
Il s'agit d'un véhicule de placement différent de celui offert par les comptes des banques et des sociétés de fiducie protégés par une assurance.
Les investisseurs sont propriétaires des éléments d'actif du fonds, ceux-ci sont déposés en leur nom à une banque dépositaire ou une société de fiducie complètement indépendante du gestionnaire du fonds. "
Est-ce que ces propos vous rassurent? Du côté maintenant des portefeuilles de placement détenus dans les maisons de courtage, eh bien là c'est plus rassurant car le Fonds canadien de protection des épargnants nous protège jusqu'à hauteur d'un million de dollars contre la faillite d'une maison de courtage.