Kpatcha, fils d'Eyadema ... Cet
article aurait dû être proposé avant les élections, car là est le
véritable danger, Kpatcha va devenir président de l'Assemblée
Nationale, selon la constitution, en cas de décès de Faure il deviendra
Président de la République du Togo.... en août dernier il a tenté un
coup d'état, dont on a bien entendu peu parlé. Si ce scenario devait se
réaliser, le Togo retrouverait la dictature dans sa version la plus
violente. Faure connait ce danger, c'est une des raisons qui l'ont
poussé à s'ouvrir à l'opposition qui en quelque sorte le protégeait.
Kpatcha Gnassingbé se pose en rival de son demi-frère, le président togolais
LE MONDE | 19.10.07 | 15h28 • Mis à jour le 19.10.07 | 15h28
KARA (NORD DU TOGO) ENVOYÉ SPÉCIAL
Carrure (imposante) oblige, Kpatcha Gnassingbé n'est pas le genre
de personnage que l'on s'aventurerait à contredire. Surtout pas au
Togo, petit Etat francophone d'Afrique de l'Ouest dominé par sa
famille, et où il vient d'être élu député lors des législatives du 14
octobre.
Avec 85 % des voix recueillies dans la circonscription de Kara, bastion
de feu son père, "Kpatcha", déjà patron de l'armée et parrain de
l'économie du pays, se positionne, même s'il s'en défend, en rival à
poigne de son demi-frère aîné. Ce dernier, Faure Gnassingbé, tente de
rendre plus présentable un régime héritier de 40 années de dictature.
Dictature ? "Les gens regrettent le président Eyadéma, il était proche
du peuple", dit au Monde Kpatcha Gnassingbé, installé dans l'un des
salons de sa villa forteresse de Kara, à cinq heures de route de Lomé.
"Je défends à 100 % l'héritage de mon père, poursuit-il. Il n'était pas
contre la démocratie, mais il pensait qu'il fallait y aller doucement.
Comme lui, je n'aime pas le désordre. Ici, la démocratie c'est tout de
suite le régionalisme, le tribalisme. Le laisser-aller en Afrique,
c'est le bordel."
En août dernier, des bruits de coup d'Etat, qu'il aurait alors envisagé
contre son demi-frère, le président, ont étayé l'hypothèse d'une
rivalité entre les deux héritiers. Le Togo s'apprêterait-il à vivre une
nouvelle tragédie shakespearienne ?
Depuis 1963, le pays n'a cessé d'être secoué par les retombées de
l'assassinat de Sylvanus Olympio, le premier président élu,
probablement par le futur général-président, Gnassingbé Eyadéma.
"Mon père n'est pas l'assassin", assure aujourd'hui Kpatcha Gnassingbé.
Quant au projet de coup d'Etat, il assure que "cette rumeur (l')a
beaucoup affecté". Les coups d'Etat sont révolus, estime-t-il, en
tempérant : "Mais si le pays arrivait à une situation de blocage
politique, l'armée n'hésiterait pas à entrer en jeu." Pour l'heure, il
se garde bien d'attaquer de front son frère, affirmant sa soumission "à
la politique d'ouverture du président".
Pourtant, la décision qui "a mis le feu aux poudres", de son aveu même,
a bien été prise par le président. La nouvelle directrice du fisc,
proche de Faure Gnassingbé, a infligé un redressement fiscal de 9
milliards de francs CFA (13,7 millions d'euros) à un proche de Kpatcha
Gnassingbé, Bassam Al-Najjar, un entrepreneur libanais qui disposait
d'un monopole de fait sur l'importation de voitures d'occasion au port
de Lomé.
M. Al-Najjar, aujourd'hui en fuite, percevait les taxes dues à l'Etat
sur chaque voiture, et rétrocédait une partie à la société des zones
franches du Togo dirigée par Kpatcha Gnassingbé lui-même. "Je n'avais
aucun intérêt dans cette affaire", assure ce dernier. Il a fallu que
quatre présidents africains, dont le Gabonais Omar Bongo, interviennent
pour apaiser le différend. "Ils m'ont dit de me calmer. C'est ce que
j'ai fait", assure le cadet. Jusqu'à cet épisode, Kpatcha Gnassingbé se
contentait de sa réputation d'homme ombrageux, complexé par la légèreté
de son curriculum universitaire. Il cultivait une parfaite discrétion.
Jamais d'interview, de rares photos.
UN DÉLUGE DE CADEAUX
Mais, élu député, Kpatcha Gnassingbé pourrait chercher à défier son
frère en se faisant élire président de l'Assemblée nationale et devenir
ainsi le deuxième personnage de l'Etat, qui remplace le président en
cas d'"empêchement définitif" selon la Constitution.
L'intéressé dément formellement. S'il a décidé d'entrer en campagne,
c'est "en humanitaire". A en croire le déluge de cadeaux distribués
pour assurer sa victoire, c'est un homme généreux. Après les casquettes
et les chemisettes aux couleurs du Rassemblement du peuple togolais
(RPT), sont venus les éventails, puis les porte-clés et les bouteilles
d'eau à l'effigie de "Kpatcha". L'arrivée des caisses de CD de la
chanson Ensemble derrière lui a provoqué quelques bousculades. Ont
suivi les sacs de pop-corn et les invitations à assister à un match de
foot sur écran géant. Des attentions propres à émerveiller une
population déshéritée, dont les suffrages s'échangent couramment contre
de simples tee-shirts.
Philippe Bernard (le monde)