Non à la Vente aux enchères des documents historiques sur la traite négrière
Non à la Vente aux enchères des documents historiques sur la traite négrière
09/01/2005
Mercredi 12 janvier 2005 est prévue, à l’Hôtel des ventes de Lyon Presqu’île, la vente de centaines de manuscrits et de documents historiques dont certains se rapportent directement au trafic négrier. Cette marchandisation d’un crime contre l’humanité dûment inscrit dans la loi française depuis 2001 grâce à l’action de la députée de Guyane Mme Christiane Taubira, est inadmissible. Tant sur le plan éthique que sur celui du caractère public des supports de mémoire collective et matériaux de recherches historiques, cette opération mercantile doit être empêchée par la communauté citoyenne.
Un siècle et demi après l’Abolition de l’Esclavage et de la Traite négrière dans les colonies françaises, des familles et entités commerciales anciennement parties prenantes dans l’économie négrière continuent d’engranger les profits liés à la barbarie sans nom de la traite négrière. Alors que les revenus du commerce des pièces d’Indes a financé les villes portuaires comme Nantes, Bordeaux, Le Havre, La Rochelle, …et plus généralement le développement du capitalisme français, la vente des manuscrits est aujourd’hui l’ultime phase d’exploitation du lucratif filon négrier. Il serait coupable de ne pas s’y opposer par une alerte vigoureuse de l’opinion publique et de l’état français. Lui qui a subventionné en son temps le commerce vers la Guinée pourrait obtenir une préemption ou racheter d’une façon ou d’une autre les documents vendus aux enchères. Idéalement la suspension de la vente serait la solution la plus équilibrée à court terme, permettant de trancher entre interdiction, rachat par l’état ou toute autre forme d’action protégeant des documents historiographiques aussi importants.
De fait les documents mis à la vente par la Maison de vente Chenu-Scrive-Bérard <6, rue Marcel-Rivière, 69002 Lyon> en présence de l’expert Alain Agiasse recèlent un intérêt majeur pour la compréhension de cette période historique de la Traite négrière et de l’Esclavage que sont les 17ème et 18ème siècles. Ils prennent toute leur valeur dans les renseignements qu’ils donnent sur l’industrie négrière, les rapports entre différents maillons de la chaîne esclavagiste, armateur négociant, banquier, souscripteurs…
Ces documents donnent des noms de familles négrières et d’enseigne commerciales et bancaires. C’est le cas de Jacques-Alexandre Laffont de Ladebat, armateur et négrier de Bordeaux dont les 14 lettres entre 1719 et 1797 décrivent l’activité . Les noms de Foäche frères et Fils, armateurs et négriers du Havre, ceux des acteurs du milieu nantais, assureurs maritimes, armateurs, négociants sont accessibles ainsi que leurs pratiques, des centaines de lettres attestant de leurs activités .
Une requête manuscrite d’indemnité pour un ancien colon de Saint-Domingue qui exploitait une habitation appelée Joli Trou « rapportant annuellement trente milliers de café et trente-deux nègres » apparaît dans le catalogue de vente au numéro 281.
La richesse de ces archives familiales et commerciales et leur inadéquation à une vente aux enchères est efficacement rendue par la valeur historique du document 324 du catalogue intitulé :
Banque et Traite des Noirs. 2 correspondances, 34 lettres.
La correspondance des banquiers Babaud de Guérigny & Cie impliqués dans le commerce des esclaves est édifiante. «On nous a proposé la caisse en comptabilité en banque d’une affaire qui tend à s’établir icy, c’est la Compagne d’Association pour le Commerce de la Côte de Guinée. Après en avoir pris connaissance, nous l’avons reconnue susceptible de pouvoir s’exécuter au moyen d’une bonne administration et nous avons accepté la caisse et nous y sommes intéressés par 3 actions ou 90000#. Nous avons vu avec plaisir que vous avez souscrit pour une action.»
Il propose de le représenter «M. Beugnet pourra stipuler pour vous <…>». Beugnet est associé de Babaud de Guérigny, ces correspondances datent de 1768-1770.
Inutile de revenir sur l’intérêt didactique et scientifique de tels documents épistolaires. Cela admis il faudra surtout obtenir par la mobilisation et la diffusion du risque de cette vente amorale, en porte-à-faux avec la loi Taubira de 2001, la suspension sine die de la re-marchandisation de l’horreur négrière.
Pour toutes informations complémentaires : etude@chenu-scrive.com, Experts : Alain AJASSE - T 04 78 37 99 67 - F 04 72 40 06 32 - ajasse@ajasse.com http://www.chenu-scrive.com
Expositions : mardi 11 : 14h - 19h Mercredi 12: 10h - 12h
Lire aussi sur la question http://www.lemonde.fr/
Ze Belinga