Section Profil santé
Recherche et rédaction : Caroline Trudeau, Dt.P., nutritionniste
Révision scientifique : Pierre Haddad, Ph.D., Université de Montréal et Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels (INAF), Université Laval
Le bleuet et la myrtille au fil du temps
Le terme « bleuet », qui est apparu dans la langue en 1380, est dérivé de « bleu ». En France, ce mot désigne la centaurée à fleur bleue, tandis qu'au Québec, il désigne le fruit d'une espèce parente de la myrtille.
Le terme « myrtille », qui est apparu dans la langue en 1565, vient du latin myrtillus, dérivé de myrtus, « myrte », un petit arbre qui porte des fruits de même apparence.
Le terme « airelle » est un mot générique qui désigne l'une ou l'autre des nombreuses espèces d'arbrisseaux porteurs de baies comestibles.
La myrtille est originaire d'Eurasie et de la côte ouest de l'Amérique du Nord, tandis que le bleuet est indigène à l'Amérique du Nord. Toutefois, le genre Vaccinium, qui est très ancien, pourrait originellement venir d'un territoire plus restreint, à partir duquel il se serait rapidement dispersé dans diverses directions, probablement aidé en cela par les oiseaux, grands amateurs des petites baies que les plantes de son groupe produisent. Quoi qu'il en soit, la plante s'est extrêmement diversifiée au fil du temps, puisqu'on en compte aujourd'hui quelques centaines d'espèces, dont plusieurs donnent des baies comestibles plus ou moins acidulées qui ont dû faire la joie d'une multitude de générations de chasseurs-cueilleurs, tant en Asie qu'en Europe et en Amérique, depuis l'Arctique jusqu'aux tropiques.
Chose certaine, le bleuet est récolté depuis toujours par les diverses peuplades indigènes de l'Amérique du Nord, qui le mangeaient cru ou cuit, en faisaient du pemmican, le conservaient dans de la graisse animale ou encore le faisaient sécher pour le consommer l'hiver. De la même manière, en Europe, il a soutenu les peuples nordiques, dont les Lapons, durant les longs mois d'hiver en leur apportant énergie et vitamines tout à la fois.
En raison de leurs besoins particuliers (terre acide et humide) et de l'abondance de la ressource sauvage, le bleuet et la myrtille n'ont été domestiqués que très tardivement, soit au début du XXe siècle. Il existe aujourd'hui de nombreux cultivars, dont certains donnant des fruits plus gros, qui sont cultivés en champ ou, comme c'est le cas au Québec, en forêt, sur des bandes de terre défrichées alternant avec des bandes forestières.
Les Grecs de l'Antiquité connaissaient la myrtille à laquelle ils prêtaient diverses propriétés médicinales et, au Moyen Âge, la feuille et la baie étaient prescrites pour soigner divers maux. Ces usages sont tombés en désuétude avec l'avènement de la pharmacochimie moderne. Cependant, la découverte au cours des dernières décennies du rôle que jouent les anthocyanines et leurs dérivés dans la santé humaine a relancé l'intérêt des chercheurs pour cette plante et pour son cousin, le bleuet. En conséquence, leur culture s'est grandement développée, particulièrement aux États-Unis et au Canada qui, à eux deux, fournissent près de 90 % de la production mondiale.
Usages culinaires
Hamburger au bleuet!
Aux États-Unis, on a mis au point un hamburger préemballé enrichi de jus de bleuet, à la suite d'un avis du ministère de l'Agriculture qui recommandait de mélanger des fruits avec de la viande hachée maigre pour en faire un produit meilleur pour la santé et plus moelleux (la viande maigre l'étant peu). Il sera, entre autres, offert dans les écoles.
* Le bleuet accompagne bien les viandes, particulièrement le gibier. En extraire le jus que l'on mettra à cuire avec du vin jusqu'à réduction des neuf dixièmes. Ajouter du fond de veau, saler, poivrer et juste avant de servir, ajouter des bleuets à la sauce.
* En confitures, dans les salades de fruits, sorbets, glaces, granités.
* En Scandinavie, on en fait un potage à savourer bien chaud, durant les soirées fraîches de l'automne.
* On peut en faire un vinaigre fin en les faisant macérer une quinzaine de jours dans du vinaigre de vin blanc. Employer dans les salades ou dans la cuisine pour déglacer une poêle.
* Dans les tartes, gâteaux, muffins, pâtes à crêpes, gaufres, etc.
* Dans la Haute Ardenne française, on prépare le tcha-tcha. Il s'agit d'écraser des myrtilles fraîches avec du sucre et d'étaler cette préparation sur des tartines.
* Passer des bleuets frais ou congelés au mélangeur avec du lait de soya, du yogourt ou de la glace à la vanille.
* Passer des bleuets congelés au mélangeur avec des cubes de glace, du jus d'ananas et une banane. Déguster bien froid.
* Dans les céréales du matin.
* Oser cette étonnante salade composée de bleuets, de pâtes courtes, de raisins verts, de fraises, de sections d'oranges et d'amandes effilées. Arroser d'une vinaigrette, si possible au vinaigre de bleuet. Ou, encore, marier pâtes courtes, bleuets, céleri, poivron rouge, dés de poulet, pois mange-tout, oignon rouge. Assaisonner de persil et de basilic et arroser d'une vinaigrette au vin rouge.
* En faire un coulis qui pourra servir à napper un gâteau au fromage ou tout autre dessert de son choix.
* Farcir de bleuets assaisonnés de sucre des cailles ou des petits poulets.
* On peut préparer d'agréables petites bouchées froides en mélangeant du chocolat fondu avec des bleuets séchés, de la noix de coco râpée et des morceaux de noix. Façonner des boulettes avec la préparation et les mettre à refroidir sur une plaque.
* En faire un chutney, en les mélangeant avec des canneberges séchées et de l'oignon, et en assaisonnant avec du vinaigre, du sucre, du gingembre émincé, de la cannelle, du zeste de citron, du piment de Cayenne, du sel et du poivre.
* Dans le kir, le sirop ou la liqueur de bleuet remplacera agréablement la liqueur de cassis.
Jardinage biologique
Bleuet sauvage à grande échelle
Au Québec, la cueillette du fruit sauvage continue de se pratiquer à grande échelle dans les secteurs où l'on a récemment effectué des coupes forestières ou qui ont été incendiés. Les cueilleurs couchent en forêt, sous la tente ou dans des abris temporaires. Souvent, des familles entières se livrent à cette activité pendant tout un mois. Le bleuet est l'une des rares baies sauvages qui donnent lieu à une véritable activité commerciale.
Le paillis de copeaux de bois (8 cm à 15 cm d'épaisseur) est utilisé couramment dans la culture à grande échelle du bleuet parce qu'il empêche la prolifération de mauvaises herbes et permet de maintenir le pH à un faible niveau. Toutefois, dans le jardin familial, le paillis d'aiguilles de pin est à recommander, car il est plus efficace que les deux autres. En effet, le bleuet chérit tout particulièrement les grandes forêts de pin. On suppose que les aiguilles de cet arbre favorisent la relation symbiotique que l'arbuste établit avec les mycorhizes, champignons microscopiques présents dans le sol et dont il a besoin pour croître.
PH : 4,2 à 5,5. Pour acidifier un sol trop alcalin, on épand du soufre à la surface, une année avant la plantation, à raison d'une application au printemps et une à l'automne. On peut également ajouter à la terre de la mousse de tourbe, mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit en fait d'une ressource non renouvelable et qu'il est préférable de réduire son emploi.
Planter dans un sol léger, riche en matières organiques, de préférence en billon ou en platebande de 30 cm à 35 cm de haut. Espacer les plants de 0,9 m à 1,5 m et les rangs de 2,5 m à 3 m.
Planter au moins trois variétés pour favoriser la pollinisation.
Dans les régions où les redoux d'hiver sont fréquents, installer un brise-vent pour retenir la neige.
Fertilisation : le bleuet a surtout besoin d'azote. Le fumier et le compost n'étant pas nécessairement souhaitables pour ce type de culture, on utilisera de préférence de la farine de plume, de poisson ou de sang.
Favoriser la présence des bourdons, les meilleurs pollinisateurs du bleuet, en laissant des tas de branches ou de roches à proximité de la plantation ou en semant des plantes qui les attireront, comme la phacélie.
Il est indispensable d'irriguer, car le bleuet est peu pourvu en radicelles qui permettent normalement aux plantes de puiser l'eau.
Contre le maraudage des oiseaux, installer des filets au-dessus des plants.
Récolter le fruit lorsqu'il est d'un beau bleu profond.
Écologie et environnement
Les pigments foncés dans l'écologie des plantes
Le royaume du bleuet
Au Québec, on appelle amicalement « Bleuets » les habitants du Saguenay/Lac-Saint-Jean, tellement le fruit y abonde. Ce serait le grand feu de 1870, qui a dévasté les deux tiers de la région, qui serait à l'origine de la multiplication des plants de bleuets.
Du point de vue de l'être humain, les anthocyanines et leurs dérivés, dont le bleuet est particulièrement riche, constituent des antioxydants de premier choix. Mais, qu'en est-il du point de vue de la plante elle-même? Des chercheurs se sont posé la question et ont décidé d'étudier le rôle que ces substances jouaient chez les bleuets et chez d'autres plantes qui en sont riches. Les anthocyanines semblent avoir pour fonction de protéger la plante contre les agressions de toutes sortes - chaleur, froid, lumière intense, blessures, insectes.
Dans une étude, les chercheurs ont agressé des plantes à feuilles vertes et d'autres à feuilles rouges en les piquant avec une aiguille. Grâce à un instrument d'analyse extrêmement sensible, ils ont constaté que les piqûres provoquaient la libération de grandes quantités de peroxyde d'hydrogène, un composé toxique et un des plus puissants oxydants des cellules vivantes. Toutefois, dans les plantes à feuilles rouges (contenant plus d'anthocyanines), la libération de peroxyde cessait presque instantanément tandis que, dans celles à feuilles vertes, elle se poursuivait pendant plus de dix minutes.
En outre, comme elles sont hydrosolubles, les anthocyanines pourraient également réguler le mouvement de l'eau dans les tissus et limiter l'évaporation causée par le vent sec ou la chaleur, ou encore abaisser la température à laquelle l'eau contenue dans les cellules gèle, une action fort utile quand il fait froid.
On a aussi observé que les fourmis qui « cultivent » des champignons microscopiques ne rapportaient jamais de morceaux de feuilles rouges dans leurs « jardins », ce qui donne à penser que les anthocyanines pourraient avoir des propriétés antifongiques.
D'autres, enfin, pensent que ces substances pourraient jouer un rôle similaire à celui du plumage coloré de la queue du mâle chez certaines espèces d'oiseaux. Au cours des parades d'amour, la femelle choisira toujours le mâle aux coloris les plus flamboyants, car ce serait là un indicateur de la santé de son futur partenaire. De la même façon, en faisant étalage de ses couleurs rouges, l'arbre ou l'arbuste enverrait le message aux insectes prédateurs qu'il est capable de contrer leurs attaques et que, par conséquent, ils feraient mieux de s'en prendre à ses congénères moins colorés.
Sections Le bleuet et la myrtille au fil du temps, Usages culinaires, Conservation, Jardinage biologique, Écologie et environnement
Recherche et rédaction : Paulette Vanier
Fiche créée le : 15 juin 2005
Références
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Bibliographie
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