Un coup d 'oeil chez Assouline pour bien finir la matinée ...

Assouline s'etonne qu'on place Chomsky en premier et aucun francais dans
les 50 premiers ; finkie 81 eme et ramadan 58eme
19 octobre 2005
http://passouline.blog.lemonde.fr/livres/2005/10/chomsky_intelle.html Noam
Chomsky, intellectuel number one ? Celui qui a signé "FranckyO33" un
commentaire sur "Alain Finkielkraut, journaliste-philosophe" m'a donné envie
d'aller voir de plus près ce palmarès qui place le linguiste Noam Chomsky en
tête des intellectuels les plus influents. D'autant que le libellé du
commentaire était assez elliptique, nous épargnant les détails pour glisser dans
la polémique. Cela vaut pourtant de s'y arrêter.

Il s'agit donc d'un sondage organisé par la revue Prospect ("Britain's
intelligent conversation") et la revue américaine Foreign Policy auprès de 20
000 personnes (sélectionnées selon quels critères ?) dans le monde c'est à dire
essentiellement dans le monde anglo-saxon (ils nous l'avouent eux-mêmes).
Désignez l'intellectuel le plus influent : c'était la question. Encore faut-il
préciser que les revues proposaient une liste, remarquable par la rareté des
jeunes et des femmes, dans laquelle il fallait choisir (qui n'y figurait pas ?
cela aussi, on aimerait le savoir).

Noam Chomsky est donc number one (4827 votes) devant Umberto Eco (2464 votes),
et puis Richard Dawkins, Vaclav Havel, Jürgen Habermas, Salman Rushdie pour
parler du peloton de tête. Pour le reste, Naomi Klein (No logo) arrive en 11ème
position, Benoît XVI 17 ème (?!), le faucon Paul Wolfowitz (ex-secrétaire d'Etat
américain et artisan de l'engagement US en Irak 19ème, Françis Fukuyama (le
théoricien de La fin de l'Histoire) 21ème, le sociologue Jean Baudrillard 22ème
(seul français parmi les 40 premiers...), Samuel Huntington le Cassandre du Choc
des civilisations 28ème, l'ayatollah Sistani 30ème, Julia Kristeva 48ème, Tariq
Ramadan 58ème, Alain Finkielkraut 81ème, etc

Et en bonus, il y a même une liste-annexe, les sondeurs ayant demandé aux
sondés quel intellectuel ils auraient aimé voir figurer: ca va de Milton
Friedman à Harold Bloom en passant par Bill Clinton et le Dalaï Lama.
Il n'est pas interdit de penser que la même question, posée selon d'autres
critères à une autre panel par d'autres revues, n'aurait peut-être pas donné les
mêmes résultats. Même le commentateur du sondage s'étonne de la quasi-absence
des intellectuels français dans les 40 premiers ("ils sont même moins nombreux
que les Iraniens et les Péruviens!...") sans aller jusqu'à se demander
pourquoi. Mais il a l'honnêteté de reconnaître que plusieurs intellectuels parmi
les tous premiers de la liste, à commencer par Noam Chomsky, ont su parfaitement
utiliser le web pour la circonstance: ils ont été jusqu'à relayer activement le
questionnaire de Prospect sur leur propre site ...

Je me souviens des résultats d'une enquête publiée il y a sept ou huit ans par
une revue américaine, dont j'ai hélas oublié le titre (dès que cela me
revient...) sur le même sujet. Mais son critère se voulait plus scientifique, et
il l'était: elle se basait sur la fréquence de citations des travaux des
intellectuels dans les publications du monde entier (le vrai, pas uniquement
l'anglo-saxon) au cours de l'année écoulée. Savez-vous quel était l'intellectuel
dont le nom revenait le plus souvent dans les écrits des autres intellectuels,
ce qui est tout de même un thermomètre assez préçis ? Le sociologue Pierre
Bourdieu.

Cela dit, il nous manque aussi de savoir comment Prospect et Foreign Policy
définissent un intellectuel, ce qu'ils entendent par "influence" et s'ils
distinguent entre l'impact d'une oeuvre et celui d'un engagement militant dans
la sphère publique. On notera tout de même que si le vainqueur figure bien en
couverture du dernier numéro de Prospect, la revue prend bien soin de titrer à
la forme interrogative ("The world's top public intellectual ?") et de donner la
parole à deux intellectuels opposés: l'un pour en faire un brillant analyste de
la linguistique et de la duplicité de la politique étrangère américaine, l'autre
pour le présenter comme un anti-américain primaire et un intellectuel cavalier
avec ses sources.
*
Et c'est ainsi que Chomsky sera grand ...