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 Encore une sale histoire de famille!

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brigitte
Membre confirmé
brigitte


Nombre de messages : 65
Localisation : France/Togo
Date d'inscription : 24/11/2005

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24112005
MessageEncore une sale histoire de famille!

Nouvelle présidentielle tronquée au Gabon Afrique centrale A 70 ans, le président Bongo se présente pour un troisième mandat. Un scrutin qui semble largement verrouillé.
P. S.-E.
[23 novembre 2005]

FORMELLEMENT, le maximum était fixé à deux. Adoptée durant l'instauration tumultueuse du multipartisme dans les années 90, la Constitution gabonaise n'autorisait pas plus de deux mandats successifs à la tête du pays. Mais voilà, le Gabon étant ce qu'il est, un fief villageois, il a été souverainement décidé voici deux ans de revenir sur cette disposition. Et c'est ainsi qu'Omar Bongo, président du Gabon depuis 1968 et, à ce titre, doyen des chefs d'Etat africains, se présente le 27 novembre prochain à sa propre succession.


Difficile de parler de suspense pour ce scrutin tant il apparaît verrouillé d'avance. La campagne électorale a été limitée au plus court : à peine deux semaines. Les moyens engagés par le candidat Bongo ont été démesurés, voire «déments», selon le mot d'un diplomate : son comité de soutien n'a pas hésité à faire venir de Paris un ballon dirigeable orné d'un immense portrait du candidat qui, jour après jour, fut promené sur le front de mer de Libreville déjà orné d'innombrables affiches et même d'une animation laser. L'accès aux médias pour les opposants a été, bien sûr, restreint. Le vote, à un seul tour, a été taillé sur mesure pour Omar Bongo, qui fait face à quatre candidats, dont deux sérieux. La date du scrutin a, elle, été brutalement avancée peu avant l'échéance, coupant ainsi l'herbe sous le pied de beaucoup. Quand aux opérations de vote, elles ont été scindées en deux temps : d'abord l'armée, puis la population. Enfin, la Commission électorale est contrôlée par les autorités.


Alors pourquoi évoquer ce scrutin ? Parce que le véritable enjeu se lit en filigrane à travers les premières manoeuvres qui se sont officieusement ouvertes à Libreville. Omar Bongo sera certes réélu pour sept ans, mais ce devrait être vraisemblablement son ultime mandat. Agé de 70 ans, le président est «fatigué». Il est même «comme malade», relèvent certains, qui notent la fréquence de ses déplacements au Maroc qui s'explique peut-être par la qualité des infrastructures médicales.

«Bongoland»

De fait, durant la campagne électorale, Omar Bongo a plus été promené par les siens que véritable acteur de son marathon. Ses «femmes» se sont emparées des avant-postes. Edith, la première dame du «village», a longuement battu les pistes gabonaises grâce à une opportune campagne de lutte contre le sida. A de nombreuses reprises, la presse officielle a rendu compte de meetings éloignés en province, et toujours «triomphants», en publiant les photos des filles du président. C'est que, durant sa campagne, le président s'est souvent assoupi en public après de brèves prises de parole.


Dans un pays marqué du sceau de sa très forte personnalité, de telles absences ne sont pas sans agiter les esprits. Car, s'il y eut un «Bongoland», il y aura aussi un après. «Nous rentrons dans les derniers avatars d'un long règne, constate un diplomate étranger. Aujourd'hui, le régime est sévèrement condamné par tout le monde, même par la classe politique gabonaise.»


Proche de Zacharie Myboto, un ancien cacique du régime et membre du clan passé avec fracas à l'opposition, Sylvestre Ratanga, ancien ambassadeur du Gabon en Allemagne, résume à sa manière les quarante ans de règne d'Omar Bongo : «Voici quinze jours, raconte-t-il, le président a inauguré deux bâtiments : le Sénat et un hôpital militaire. Le Sénat a été baptisé du nom d'«el-Hadj Bongo». Tout à côté, l'hôpital militaire a reçu le nom d'«Omar Bongo». Ces bâtiments sont, tous deux, situés le long de l'avenue Omar-Bongo et pas loin de l'hôpital Jeanne Ebory. Jeanne Ebory est le nom de la mère du président. Pas loin, il y a aussi l'université Omar Bongo...». Agé de 59 ans et aujourd'hui privé de passeport, l'ambassadeur enchaîne en jouant au naïf : «Soit personne n'ose dire la vérité au président, soit il n'en fait qu'à sa tête. Ce Monsieur a tellement pris l'habitude d'agir comme si le budget du pays lui appartenait qu'il continue sur sa lancée en ayant perdu tout sens de la réalité. Il a tant pris. Tant, tant...».


Les chiffres sont sans appel. Longtemps doté d'une population d'à peine plus d'un million d'habitants et de très importantes richesses pétrolières, le pays a absorbé en moyenne sur près d'un demi-siècle plus de 1 000 milliards de CFA annuels (NDLR : près de 1,5 milliard d'euros). Le résultat est affligeant : l'émirat du golfe de Guinée est aujourd'hui classé à la 123e position dans le rapport sur le développement humain du PNUD et le FMI vient d'imposer aux autorités de Libreville un programme de réduction de la pauvreté. Selon la Banque mondiale, le revenu moyen en 2003 était estimé à plus de 4 000 euros par tête. Un chiffre qui fait rêver nombre de Gabonais plutôt habitués à gérer leur vie à l'aune du smic local, soit 46 euros mensuels.

Clientélisme


Pour appréhender cette disparité outrancière et la réalité du système de clientélisme mis en place grâce à la privatisation de l'Etat par la famille présidentielle, il faut se rendre à dîner un soir chez Pascaline Bongo, la fille aînée du président. Directrice de cabinet de son père depuis 1994, Pascaline est une maîtresse femme habituée à se savoir écoutée. C'est que son autorité ne connaît guère de limites : responsable de la gestion du patrimoine familial et porte d'accès presque obligée à Omar Bongo, elle est également mariée à Paul Toungui, le ministre gabonais des Finances.


Ce soir-là, donc, Pascaline a invité plusieurs journalistes étrangers à son domicile, situé dans la banlieue résidentielle de Libreville. Une grande enceinte protégée par de nombreuses caméras vidéo, un portail de fer forgé blanc ouvert par des soldats en armes, un impressionnant garage où, dans chaque box, trônent de luxueuses 4 X 4. Ceint par un jardin propret, la maison a des allures de petit Trianon parisien. A sa droite, un immense dais de plusieurs centaines de mètres carrés. C'est là, sous cette tente tendue de blanc, moquettée de rouge et meublée par d'imposants écrans de télévision, que Pascaline reçoit. Sous les lustres de cristal accrochés à la draperie, plusieurs dames engoncées dans de luxueux fauteuils et banquettes attendent. Il y a là Pascaline bien sûr, le ministre de l'Education, une syndicaliste, la femme d'un ancien opposant aujourd'hui rallié au régime et quelques autres dames représentant les «femmes cadres» du pays.

«Combattre les traîtres»

Très vite, dans cette ambiance quelque peu surréelle – «Il ne manque que les trapèzes du cirque», notera l'un –, la discussion démarre. Son thème : la transition à venir. Tout est feutré, bien sûr, et les non-dits nombreux, mais Pascaline ne recule pas : «Le président, lance-t-elle, est conscient qu'il faut faire des changements. Cette élection est donc spéciale. Les gens lui disent que son entourage le trahit, que le peuple est avec lui, qu'il faut écouter le peuple. Et c'est vrai que, souvent, des gens en qui il a eu confiance l'ont trahi.»

Agressive, mais pragmatique, puisqu'elle a négocié son ralliement à l'approche de cette fin de règne, la syndicaliste rebondit sur le propos : «Le président est le fonds de commerce de toute une clique. Moi, je dis que, si tu t'entoures de mauvais, tu deviens mauvais». Gêne et sourires embarrassés.

Plus tard dans la soirée, Pascaline affirmera que l'heure approche où il faudra trancher. Trancher quoi pour parvenir à quel résultat ? «Trancher un bras», répond-elle. Quant à la finalité, elle est évidente : se survivre. Pour y parvenir, il va falloir combattre les «traîtres». Si, toutefois, le régime en a encore le ressort. Un observateur avisé des affaires gabonaises en doute : «Le système est aujourd'hui totalement vermoulu.»
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