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 Histoire et conscience Nègre par Joseph Ki-Zerbo (3)

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Anton
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Nombre de messages : 27
Date d'inscription : 14/06/2007

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14062007
MessageHistoire et conscience Nègre par Joseph Ki-Zerbo (3)

2. L’histoire des nègres leur a été brutalement confisquée

Or ce dynamisme a été brutalement arrêté et tué par les invasions violentes des conquérants maghrébins et européens du XVe au XIXe siècle.
On a souvent affirmé que le retard actuel de l’Afrique Noire provient de son isolement séculaire résultant du Sahara et des marges côtières montagneuses ou forestières ; on l’a expliqué aussi par l’énorme durée du nomadisme dans ce continent immense, la stabilisation propice à l’organisation ne s’étant faite que dans certains points de cristallisation comme au Mossi.

Mais il y a contacts et contacts. D’abord le Sahara n’a jamais été une barrière absolue, et l’Afrique Noire, même après la conquête de l’Egypte par les grecs puis les romains, a gardé des contacts fructueux avec les Etats méditerranéens malgré un courant persistant de commerce esclavagiste. Vers le nord-ouest aussi, nous avons signalé des relations commerciales entre les grands empires noirs et le Maroc. Il s’agissait là de contacts de civilisation.

A partir du XVe siècle au contraire, des hommes de proie, la pègre et l’écume des ports européens ou maghrébins, souvent des condamnés à mort, abordent les peuples noirs dans un but de destruction et de déprédation inspiré par l’économie mercantiliste de l’époque. Or ces conquistadors bénéficiaient d’une supériorité technique qui leur est venue de l’Egypte via la Grèce et la Chine ; je veux dire, la possession d’armes à feu. Ils employèrent parfois des procédés criminels ou malhonnêtes surprenant souvent la bonne foi des autochtones. On pourrait citer des dizaines de cas dans toute l’Afrique Noire.

Au XVIIe siècle par exemple, les Hottentots et Zoulous reçurent les ancêtres des Boers en leur accordant avec l’hospitalité, des vivres et des terres. Ce qui intéressait ces envahisseurs et trafiquants, c’était au Nord, le sel de Taodenit et la gomme, au Sud, l’or et l’ivoire, le bois d’ébène et les épices (graines de Malaguette). Quatre siècles de piétinement et d’écrasement effroyable comme aucun peuple n’en a jamais subi sauf peut-être le peuple juif. Cet épisode est l’un des chapitres les plus sinistres de l’histoire de l’humanité. Les négriers du Maghreb et surtout ceux d’Europe sont donc en grande partie responsables de la régression générale des peuples noirs depuis le XVe siècle et des stigmates qu’elle a imprimés dans la conscience de ces peuples.

Au point de vue politique, il se produisit une fuite panique vers les zones intérieures, une désagrégation des royaumes périphériques, une exaspération des luttes intestines, une insécurité, une anarchie, un ensauvagement général.

Deux exemples : le royaume de Gao que nous avons vu si bien organisé, attirait les convoitises du sultan El Mansour à cause des mines de sel du Sud saharien. Et ce fut au XVIe siècle la ruée transsaharienne d’une horde bigarrée menée par des renégats espagnols ignares et cupides. Gao et Tombouctou sont pillés ; les notables et universitaires protestataires sont déportés au Maroc ou exécutés ; les descendants des envahisseurs, les Armas métis cumulant les défauts des deux races, pillards invétérés, persécutent tous les hommes de valeur ; c’est la débâcle de la civilisation soudanaise.

Au même moment au Congo, nous dit un auteur : "la traite détruisait le royaume devenu marché d’esclaves. La paix quitta le pays la guerre entre les chefs s’installa à titre permanent comme un moyen de recruter des esclaves. Le roi de San Salvador (Ambassa) y perdit son autorité et son prestige". Il est vrai que pour mettre fin à cette anarchie créée par leurs pères du XVIe siècle, les européens du XIXe siècle ne trouveront rien de mieux que de "pacifier" le pays par sa conquête définitive. Mais ce sont les mêmes méthodes qui continuent, aggravées par le perfectionnement des armes, la confiscation des terres et la destruction massive des collectivités villageoises.

Confiscation des terres ? Jetons un coup d’œil sur le rapport de la Commission d’Enquête (déjà !) sur les mauvais traitements infligés aux indigènes, publié dans les numéros 9 et 10 du Bulletin Officiel de l’Etat indépendant du Congo (23 juillet 1904). On y trouve une définition de la terre occupée. C’est "seulement les terres sur lesquelles sont installés les villages et établies les cultures des autochtones". Comme la plus grande partie du Congo n’est pas mise en culture, l’Etat indépendant du Congo prenait un droit absolu et exclusif sur la presque totalité des terres. Cette expropriation est rendue officielle par l’ordonnance du 1er juillet 1885, et deux décrets de 1892 et 1893. La Commission d’Enquête constata que les congolais n’avaient pas la jouissance des terrains entourant leurs huttes et leurs cultures. Par conséquent on peut dire qu’ils étaient établis dans un statut général et permanent de voleurs. C’est ce qu’on semble avoir voulu puisque par décret du 18 novembre 1903, le travail forcé était institué. La Commission d’Enquête justifie cette mesure en ces termes [2].

Ces exactions se traduisirent par le "devoir du caoutchouc", les redevances en bétail, poisson, et denrées de toutes sortes et par le portage. Le tout sanctionné par des procédés d’une sauvagerie à faire frémir les ancêtres mérovingiens des Belges. Témoin ce passage d’une lettre de pasteur [3].

Ainsi les Balobos du Congo définis par Wissmann en 1881 encore comme "un peuple de penseurs", d’effroyables expéditions primitives les déracinèrent, les rejetant au delà des lacs où ils furent la proie de la maladie du sommeil et des bêtes féroces.

Pendant ce temps, partout ailleurs, les villages s’écroulaient. Au Sénégal, dans le seul récit que fait le général Duboc de la pacification (c’est-à-dire les opérations qui ont suivi la conquête proprement dite, dirigée en particulier contre les Damels du Cayor comme Lat Dior), j’ai relevé l’incendie et la destruction de cent quarante à cent cinquante villages. Dans plusieurs cas, le nombre est indéterminé comme lorsque l’auteur dit : "Après avoir brûlé les villages les plus compromis, la colonne entra à Saint-Louis". Donc cent quarante villages en moins. Or certains de ces villages étaient très peuplés [4]. Partout ailleurs aussi ce sont des villages cassés, sans parler des populations enfumées et asphyxiées dans des grottes comme des chacals.

Les conséquences de ce cataclysme multiséculaire sont catastrophiques pour la conscience nègre. La ponction démographique évaluée à cent millions d’individus environ créa une chute du tonus humain et se solda par un désarroi plus grand devant la nature. En effet, c’est un fait bien connu qu’une certaine tension démographique se traduit par l’humanisation de la nature. En Afrique Noire, la soustraction brutale d’une forte proportion de producteurs a reculé pour longtemps cette emprise sur la nature qui donne à l’homme une confiance et un stimulant. Surtout si l’on réfléchit que ce sont les meilleurs, les plus forts, les plus intelligents, les plus honnêtes, les plus délicats, qui sont éliminés. Les négriers exigeaient "des adolescents sans barbe et des jeunes filles à seins debout".

De plus la peur pendant des siècles devient une dimension de l’âme nègre. A quelques kilomètres du village, c’est la hantise de la servitude. Les Balobos du Congo ne construisaient même plus de villages. Rien que des huttes et des abris provisoires pour pouvoir prendre la fuite à la moindre alerte.

Désarroi aussi dans les conceptions fondamentales. La terre considérée en droit coutumier comme acquis au nom de la famille par l’ancêtre fondateur, léguée à tous ses descendants présents et à venir, détenue à jamais par la collectivité puisque celle-ci basée sur la descendance, ne saurait périr, la terre dis-je, propriété des esprits protecteurs, est confisquée et entre dans le commerce. De plus les élites guerrières sont éliminées, les tribus et les clans sont partagés entre des maîtres européens différents alors qu’ils ont conscience d’être soudés à un ancêtre commun. Le patriotisme est atteint jusque dans sa racine.

Développement aussi d’une conscience humiliée et malheureuse chez des peuples réduits à être des matériaux au sens fort du terme pour la prospérité d’autres peuples. L’esclavage qui existait en Afrique depuis fort longtemps comme partout ailleurs, était embryonnaire. C’était un esclavagisme artisanal. Les Européens l’ont fait passer au stade industriel et par un "saut qualificatif" il a véritablement changé de nature. Le commerce du bois d’ébène comme élément du commerce circuiteux a engraissé les principaux ports européens et a servi l’accumulation capitaliste nécessaire à la révolution industrielle.

La traite des nègres permettait aux trafiquants européens de rouler carrosse et d’arborer fièrement le mantelet de velours. L’exquise Henriette d’Angleterre était actionnaire d’une compagnie de trafic négrier (Compagnie des Aventuriers Royaux d’Afrique). On nous parle même d’esclaves morts utilisés comme engrais… Passons. Toutes ces techniques du mépris procèdent d’un système de pensée tendant à réduire les nègres au rôle d’outils, à les traiter comme un simple "élément du paysage". On pourrait constituer toute une anthologie ou plutôt un bêtisier avec les âneries qui ont été débitées dans ce sens, parfois par des personnages considérables. Contentons-nous de cueillir quelques perles :

"La France ne doit rien à ses colonies, et ses colonies lui doivent tout". Ed. Denancy in Philosophie de la colonisation [5].
Ces textes sont intéressants car ils témoignent pour le colonialisme, au temps où il était facile d’être franchement colonial. Ce piétinement de la race noire se solde bien souvent chez les nègres par une perte de confiance dans leur destin. D’autres techniques furent alors mises en jeu pour les associer à des destins nouveaux en les annexant à des cultures importées. C’est tout le problème de l’enseignement colonial qui n’a été souvent que la conquête coloniale continuée par d’autres moyens, surtout en matière d’histoire. Selon la formule napoléonienne, l’instruction publique est une direction des esprits par l’Esprit. La culture locale est détournée pour n’être plus qu’un hors-d'œuvre folklorique. Parfois aussi le but utilitaire l’emporte. Comme dans le Guide de l’Européen aux Colonies : "Peu importe que les Noirs sachent épeler, lire ou écrire, qu’ils connaissent notre syntaxe, nos sous-préfectures. Ce qu’il faut, c’est qu’ils soient capables de nous aider dans l’utilisation de leur continent. Leur éducation doit par suite être purement manuelle et professionnelle".

Quoi d’étonnant alors que beaucoup de noirs devant le siège formidable mis autour de leur personnalité dont toutes les plages sont occupées par un garde armé ou non, chargé de veiller au salut de l’Empire, quoi d’étonnant que nombre d’entre eux aient capitulé et perdu le sens de leur existence collective et de leur propre Histoire ? Cette conscience en minorité perpétuelle, prise en charge sur tous les plans, sera aussi une conscience évadée et insouciante.

Le médecin Gallien, émule d’Hippocrate, citait, entre autres caractéristiques du nègre comme… la noirceur de la peau, l’écartement des orteils, la longueur du membre viril, une propension à l’hilarité bruyante. Il est vrai qu’il n’avait pu observer que des esclaves, c’est-à-dire des irresponsables. Aujourd’hui encore, nous pouvons voir, étalé sur les panneaux publicitaires, un certain sourire, associé à un certain petit déjeuner. Le sourire "Banania" (Y’a bon !), est le sourire d’une conscience mineure.

Mais cette prostration générale des peuples noirs ne s’est pas faite sans un sursaut qui doit être marqué au crédit du patriotisme des nègres. Bien des héroïsmes dont la plupart demeureront à jamais obscurs, se sont opposés à cette mainmise brutale sur la terre des Ancêtres. Ils témoignent que les peuples noirs n’avaient pas perdu le goût de la liberté. Les guerriers de la résistance nègre ne se sont pas battus pour l’honneur. Ils ont mis la liberté au dessus de la vie.

Car les exemples innombrables dont nous disposons, sont tous marqués par l’idée de ne pas survivre. A la dernière extrémité, on se suicide pour échapper à la sujétion. C’est Ologlochéri, général en chef du roi du Bénin Overami. C’est le chef d’Ouossébougou, Bandiougou Diarra, qui se fait sauter dans sa poudrière, plutôt que se rendre "comme si (ajoute le narrateur), comme s’il connaissait le sublime règlement des commandants de places et des marins français". Ses guerriers, ses femmes mêmes, imitent son exemple. "Il n’est pas rare de voir ces nouvelles Amazones se défendre au sabre et s’enfermer dans leurs cases incendiées de leurs propres mains". Dignes héritières de Candace la Nubienne !
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