IMMIGRATION CLANDESTINE, ESCLAVAGE, TRAITE NEGRIERE ET DEVOIR DE MEMOIRE
Chères toutes et tous,
Malgré les patrouilles qui sillonnent les frontières maritimes et terrestres. Malgré le dispositif électronique qui scrute les horizons pour détecter les mouvements des personnes. Rien n'y fait. Rien ne casse la dynamique de l'immigration clandestine (voir mon article. Immigration clandestine : hypocrisie européenne et responsabilité africaine). Les candidats à l'immigration clandestine s'adaptent à la nouvelle donne et peaufinent des stratégies en conséquence. A cela s'ajoute les sans-papiers qui sont à l'intérieur de l'Europe, devenue une forteresse prétendument imprenable. Les Etats-Unis ne sont pas non plus épargnés par les affres de l'immigration clandestine et les sans-papiers (voir ci bas).
L'immigration clandestine et les sans papiers empoisonnent la vie des gouvernements et des partis politiques en Europe. Parce qu'ils font le lit de l'extrême-droite. Partout en Europe, l'extrême-droite monte dans les sondages d'opinion. L'immigration clandestine et les sans-papiers deviennent des enjeux capables de défaire des gouvernements. Ils investissent les plateaux de télévision, les stations de radio, alimentent la presse écrite avec une iconoclaste frénésie et suscitent des débats contradictoires souvent virulents et vifs.
Ici et la, les sans-papiers s'organisent, se réfugient dans des églises, mobilisent les opinions nationales et demandent l'obtention des papiers de séjour. Parallèlement, des groupuscules d'inspiration néo-nazie, -essentiellement nourri par le racisme, xénophobie et l'antisémitisme- font la croix gammée, profanent les tombes, brûlent les synagogues, harcèlent et souvent tuent des personnes innocentes dont le tort est d'avoir, soit une couleur de la peau différente, soit une confession différente ou les deux a la fois. Le triple meurtre d'Anvers en Belgique, en est une parfaite illustration. Triple meurtre parce que la jeune femme africaine abattue était en grossesse (la troisième victime est la fille qu'elle gardait).
Même la Russie –ancienne gardienne de l'international socialiste est atteinte de plein fouet par ce fâcheux phénomène. Les meurtres des africains et d'autres étrangers défrayent régulièrement la chronique. Karl Max, Lénine, Trotski et Che Guevara –qui rêvaient d'un monde fraternel, convivial, ou les inégalités, le racisme, l'antisémitisme et l'oppression- disparaîtront avec la mort du capitalisme doivent se retourner dans leurs tombes. Il est vrai que la perestroïka, le glanost et la chute du mur de Berlin (1989), ont reformaté sociologiquement, géographiquement et idéologiquement l'URSS et ses anciens pays satellites.
Partout en Europe, pour contrer l'extrême-droite, la droite classique s'invente une idéologie hybride faite du néo-libéralisme matinée du social-populisme, voire du poujadisme larvée. Partout en Europe, mais en France plus qu'ailleurs, la droite sort sous des oripeaux retailles, une stratégie de lutte contre l'immigration clandestine et qui par ricochet, l'aidera à freiner la montée de l'extrême droite. La droite redoute le remake du cataclysme du 21 Avril 2002, mais cette fois-ci, avec l'élimination du candidat de la droite des le premier tour en 2007. Ce spectre hante les esprits des leaders de la droite française et ne relève pas de l'autoflagellation schizophrénique, encore moins du masochisme morbide.
Déjà en campagne pré-électorale, la droite française passe à l'offensive et investit le terrain de prédilection de l'extrême-droite. Immigration Choisie et non subie, Carte de Compétence Universelle est la nouvelle mouture proposée par la droite française. Elle annonce une série des mesures draconiennes. Attaque tout azimuts contre les mariages en blancs, durcissement des conditions de regroupement familial, expulsion –menottes aux poings- des clandestins, refus de régulariser les sans-papiers et encouragement des retours volontaires aux pays d'origine, moyennant compensation financière. Le tout dans un décor surmédiatisé. Spectacle burlesque et ludique. Spectacle sulfureux aussi.
Les leaders de l'extrême-droite comprennent le danger de la récupération de leur cheval de bataille. Ils préviennent : « Les français ne sont pas dupes. Ils choisiront –le moment venu- l'original et non la copie ».
L'Amérique a aussi ses immigres clandestins et ses sans-papiers. Dans cette Amérique, riche, puissante et plus impériale que jamais, les sans-papiers en ont ras-le-bol, des emplois au rabais, des salaires de misère et du manque total de protection sociale : ils n'ont ni assurance-maladie, ni assurance-chômage.
Comme en Europe, les sans-papiers –environ 12 millions- demandent la régulation de leurs statuts. Ils choisissent la rue et le spectaculaire pour exprimer leurs revendications. Les sans-papiers –majoritairement « Hispanic »- soutenus par la grande majorité des « Hispanic » résidents et naturalisés américains, organisent des marches de protestation et appellent pour une « ville morte ». Ils savent qu'ils sont en train de gagner la bataille démographique. Ils constituent –désormais- la plus large communauté parmi les minorités. Les « Hispanic » naturalisés américains ou ceux d'entre eux qui ont acquis la nationalité américaine a la naissance (le fameux droit du sol et non le droit du sang comme dans beaucoup des pays européens) peuvent voter. Et par solidarité avec leurs sans-papiers, ils peuvent nuire au parti Républicain lors des élections de « Mid-Term » pour le Congres au mois de novembre. Très mauvaise nouvelle pour la Maison Blanche, fragilisée par Katrina (voir mon article ; Etats-Unis : Katrina, racisme, pauvrete et moralité), la guerre de l'Irak, les démissions en cascades, les affaires qui défrayent la chronique. La dernière est cette affaire d'écoute téléphonique par la NSA (ressentie comme une intrusion du pouvoir dans la vie privée des américains).
Les « Hispanic » manifestent dans les grandes villes américaines. Ils bombent les torses, roulent les muscles et donnent de la voix, portant le ton aussi dans le paroxysme. Ils hissent le drapeau mexicain et d'autres pays de l'Amérique du Sud. Ils chantent l'hymne américain en ….espagnol. Ce geste est perçus comme une dangereuse dérive communautaire et identitaire qui peur menacer la cohésion nationale, chèrement acquise. Les oreilles de la Maison Blanche sifflent et quelques faucons du Parti Republicain sortent du bois, s'indignent : « They don't have a right to translate our national anthem in spanish. This is America , they have to respect the rules and regulations ». (Ils n'ont pas le droit de traduire l'hymne national en espagnol. Nous sommes en Amérique, ils doivent obéir aux lois et règles).
Esclavage et Traite Négrière et devoir de mémoire. Beaucoup des mémoires. Mémoire africaine blessée, mémoire trahie, mémoire assassinée,
Mémoire blessée. On stigmatise la collaboration des royaumes et empires africains lors de l'esclavage et la traite négrière mais on passe sous silence les virulentes résistances contre l'innommable. Tel Mpanzu a Nzinga dont la farouche opposition a la traite négrière mais aussi a la main mise des occidentaux sur les ressources du royaume du Kongo causa sa perte. Les puissances européennes esclavagistes se coalisèrent et décidèrent de son élimination physique. Il fut abattu le jour de son accession au trône par un soldat portugais. Telle, la reine Nzinga qui avec son armée, se battra pendante près de 30 ans contre les armées de coalitions portugaise, néerlandaise et anglaise. Les exemples de résistances dans d'autres royaumes et empires africains sont légions.
Mémoire trahie. Les anciennes puissances européennes esclavagistes traînent les pieds pour reconnaître leurs crimes et responsabilité dans la traite négrière et esclavage. La France a fait le premier pas. Le 10 mai, en France, sera désormais, la journée officielle de commémoration de l'abolition de l'esclavage. Initiative doublement tardive : cinq ans après la loi « Taubira » et près de 160 ans après l'abolition de l'esclavage en 1848. Frileuse, la France s'arrête a mi-chemin et rechigne a franchir le rubicon : celui de réparation et compensation. Les gouvernants ne veulent pas ouvrir la boite de pandore donnant ainsi du grain a moudre a l'extreme-droite et a tous les cassandre de la ‘Justice, Ici et Maintenant' qui exigent des réparations pour l'Afrique. Ce 10 Mai, une partie de la presse française montre des photos sur les horreurs de Leopold II. Elle plonge et remue le couteau dans les plaies des RDCongolais qui ne se cicatriseront pas de si tôt.
Mémoire assassinée. Le racisme qui fit à la base de la déshumanisation de l'homme Noir qui s'est poursuivit au cœur de l'Europe des Lumières, n'a pas pris de ride. Aujourd'hui encore le Noir est considéré comme un sous-être, incapable de s'assumer, de définir son devenir et d'apporter sa contribution a l'essor scientifique et technologique. Cet afro-pessimisme trouve écho auprès de certains occidentaux paternalistes, qui prétendent –avec un lyrisme un peu pataud- que la technique est étrangère à l'Afrique, et même à son génie et que c'est même contraire à sa chaleur humaine.
Mémoire ressuscitée. Comment le monde s'est transformé et surtout comment les premiers hommes sont partis de l'Afrique pour gagner les autres continents. Comment l'Afrique a produit d'autres races, d'autres morphologies. The « National Geographic » apporte sa contribution, utilisant une arme redoutable : ADN. 100.000 échantillons de salive vont être prélevées sur les populations de tous les continents. Une première a l'échelle de la planète Il s'agit d'établir le patrimoine génétique de toutes les premières tribus de la planète et d'étudier leur migration. Les chercheurs vont prélever des goûtes de salive, car chaque salive est une page de l'histoire de l'humanité. La génétique au secours de l'histoire, de la géographie, de l'anthropologie, de la sociologie…..
Abdoulaye est furax et dépité. Toute amertume n'a pas encore quitté son cœur. Il regarde au ciel et ne comprends pas. Il vient d'être refoulée à la frontière espagnol pour la quatrième fois. Avec un groupe d'amis, il s'était passé des passeurs. Question de réduire sensible les frais.
A la question du journaliste qui lui demande s'il recommencerait, il fulmine : « Je recommencerai jusqu'à ce que la chance me sourit. J'ai une licence en bio-chimie. Je suis au chômage depuis six ans. Je n'ai pas des pistons pour trouver du boulot dans mon pays. Je suis marie et père de trois enfants. J'ai aussi des sœurs. J'ai quitté mon pays, parce que je ne supportais plus de voir mes enfants crever de faim. Je ne supportais plus d'être inutile. Je préfère mourir dans l'océan que mourir de misère et de honte. Je recommencerai jusqu'à mort s'en suive… ».
Frustré par l'impuissance du gouvernement fédéral américain, d'enrayer l'immigration clandestine, les comites d'auto-défense de la nation, sillonnent les frontières et traquent les immigrants clandestins. Ce jour la, le chef de la milice est aux anges. La « prise » est bonne. Il montre fièrement un groupe des « hispanic ». Enrico est du groupe. Il craque et confesse. Il a payé très cher son « voyage » : quatre mille dollars. Il a bravé les morsures de serpent, le vent aveuglant du désert, la chaleur déshydratante et suffocant du désert.
Comme Abdoulaye, Enrico est prêt à recommencer. Il tentera de nouveau sa chance. Un jour –peut être- il y arrivera. Il rejoindra les autres clandestins, travaillera au noir et enverra l'argent à sa famille. Il se débrouillera pour faire venir d'autres, à commencer par sa femme qu'il a laissé dans son pays.
Il y aura de plus en plus d'Enrico et d'Abdoulaye. L'Occident refuse de se rendre à l'évidence simple : L'immigration clandestine est le résultat des inégalités de bien être et de richesse entre les pays riches et les pays pauvres et du manque d'opportunités et perspectives dans les pays pauvres.
Aussi tant que ce déséquilibre durera, les pays riches –Etats-Unis en tête- fascineront et attirerons toujours les immigres clandestins. Et, ce n'est pas les mesures de coercition, d'intimidation qui résoudront le problème. L'Occident doit aider les pays pauvres à mettre de l'ordre chez eux. Les années 60 et 70, on parlait des « boat people » chinois. Qui en parle encore aujourd'hui ? Mêmement pour les Vietnamiens. Pourquoi les chinois et les vietnamiens ne tentent plus ces expériences périlleuses ? Parce qu'ils vivent bien chez eux.
Le 10 Mai 2001, le parlement français vote la loi « Taubira » qui reconnaît la traite négrière et l'esclavage comme des crimes contre l'humanité. Mais il faut attendre cinq ans pour que la France célèbre pour la première fois la commémoration de l'abolition de l'esclavage.
Ce 10 Mai 06, Françoise Verges, prof en Sciences Po et vice-présidente du Comité est invitée par TV5Monde, pour commenter sur son dernier livre : MEMOIRE ENCHAINEE, questions sur l'esclavage, Edition Albain Michel . A la question du journaliste qui lui demandait : pourquoi se réveille-t-on si tard ? Pourquoi cette commémoration si tardive ?
Pour Françoise Verges, « des 1848, il y a eu un silence en France, un silence total sur la traite négrière et l'esclavage. Il n'y aura aucune ligne dans les grands livres d'histoire, dans les grands récits qui vont fonder le registre national Français, aucune trace dans les manuels scolaires. Des générations des français vont aller à l'école sans savoir, qu'il y a eu la traite négrière et l'esclavage. On le cache en France. Simplement parce que la France ne veut pas s'associer a cette histoire, veut la mettre derrière elle, ne veut pas la reconnaître. Mais de ce fait, en ne reconnaissant pas cette histoire, la France produit des trous de mémoire, des troubles aussi. Le silence va s'accumuler et produire dans les années 60 et 70, dans les départements d'outre-mer –anciennes sociétés esclavagistes- un besoin, une nécessité de dire l'histoire ».
Pour couvrir la commémoration de l'abolition de l'esclavage, la presse française ; audio-visuelle et écrite a été très friande. Dans la revue Intelligence du Monde du 10 mai 06 , on découvre des photos répugnants, de l'atrocité et l'horreur en grande nature, haut en couleur. On voit un congolais tétanisé et meurtri en train de regarder le corps mutilé d'une jeune fille gisant à même le sol. Le bras et la jambe gauche de la fille sont coupés. Un panier de caoutchouc a moitié vide, une chicote (fouet) a cote de la fille. Le congolais reconnaît sa fille. On vient de la punir, parce que, lui, le père n'a pas assez produit du caoutchouc, son rendement est en dessous de la moyenne, sa productivité insignifiante. Plus loin, les congolaises sont enfermées dans des enclos pour dissuader et décourager toute velléité de fuite de leurs époux et fils.
A l'époque, le Congo utile était à l'Equateur. L'Etat Indépendant du Congo (propriété de Léopold II, excusez du peu) et le Liberia étaient les deux pays au monde capable de produire du caoutchouc à grande échelle. La naissance de l'industrie automobile avait besoin de caoutchouc. Le malheur de nos grands parents de l'Equateur, était de se trouver au mauvais endroit et d'être propriétaire d'une terre qui avait une ressource naturelle convoitée par les occidentaux. Pendant qu'on mutilait, foutait nos grands parents, qu'on violait nos grandes- mères, les occidentaux, eux, roulaient en voiture, limousine, carrosses et pédalaient la bicyclette. Avaient-ils conscience que les congolais et les libériens qui produisaient ce caoutchouc étaient soumis à des régimes des travaux forcés où ils étaient battus, mutilés, humiliés ?
Lun 11 Déc - 22:06 par mihou