La fièvre Mecca-Cola, concept prometteur de consommation militante anti-impérialiste
06/03/2006

Le pouvoir du consommateur que le matraquage médiatique et psychologique ainsi que les dispositifs de désinformations/mésinformations et de législations asymétriques s’attachent à dériver vers les puissants, est l’arme fatale du capitalisme, entre les mains des ... non capitalistes. Ce n’est qu’en mettant sous curatelle la majorité des «consommateurs idiots» que le miracle de la reproduction de la dictature de l’égoïsme économique se perpétue. Mais les apprentissages générés par le capitalisme lui-même suscitent désormais l’utilisation de la consommation comme une force alternative voire adverse aux mécanismes d’accumulation hégémoniques et prédateurs, centrés sur l’opulence du Nord au détriment des périphéries laborieuses.

Le concept Mecca-Cola pris comme innovation marketing alternative appartient à ces formes de contestations du capitalisme par lui-même -principe du profit. A méditer pour les autres Damnés de la Terre, de l’Economique ou du Derme.



«Ne Buvez plus idiot, Buvez engagé», telle est la devise altercapitaliste choisie par l’entrepreneur tunisien Tawfik Mathlouthi, inventeur de la marque Mecca-Cola, ouvertement lancée sur les chasses gardées de Pepsi et de Coca-Cola, avec la ville sainte de l’Islam comme valeur fédératrice.

C’est en novembre 2002 que démarre cette marque de boisson engagée qui affiche sa volonté solidaire de répartir le cinquième de ses profits nets entre le soutien humanitaire aux populations palestiniennes et aux associations qui luttent pour la paix partout où le produit est commercialisé.

Le principe est louable et les détracteurs qui voient déferler une marque à très fort pouvoir de mobilisation ont la réplique facile du financement du terrorisme. Un peu court quand on connaît les relations qui lient les multinationales du Nord et les pratiques hégémoniques de l’Occident dans le monde, d’Irak en Afrique en passant par l’Asie. Total, multinationale française qui engrange 12 milliards de bénéfices records en 2005 a dédommagé des Birmans qui l’accusent de travail forcé en intelligence avec le junte au pouvoir, ce n’est pas sans compter avec Halliburton qui co-gère la colonisation irakienne des USA avec une implication quasiment officielle...



Il n’a pas fallu plus d’un trimestre d’existence pour que ce produit engagé de consommation de masse, cette arme indolore contre le capitalisme et le fondamentalisme américano-occidental braqué sur l’appropriation de la planète, s’écoule à plusieurs millions de boîtes vers près d’une trentaine de pays au Moyen Orient, en Asie, en Afrique, en Europe, et un peu en Amérique. La boisson, en son essence discours politique taillé pour rencontrer un écho favorable chez les minorités musulmanes et dominées des pays d’Europe et d’Amérique, et pour enthousiasmer les peuples et sociétés du monde arabo-musulman, remporte un phénoménal succès marketing et commercial.



Les consommateurs des pays cibles la comparent spontanément dans leur univers évoqué aux Coca, Pepsi et autres Soft Drinks de loin antérieurs en présence sur le marché international et surtout disposant d’une force médiatique et financière incomparable avec la petite association Mecca-Cola née à Saint-Denis en banlieue parisienne. Un petit prodige de l’action commerciale et de la pub, marquant bien que l’originalité et la faculté à capter les attentes solidaires et surtout anti-impérialistes des peuples peut transformer rapidement le monde, au moins soutenir des organisations et entreprises dissidentes à l’ordonnancement autoritaire capitaliste de la planète terre.



L’idée de Mecca-Cola, petite sœur de Zam Zam Cola en Iran, est dans son principe d’un intérêt primordial dans la construction des alternatives économiques post ou non capitalistes. Elle dévoile les fondements non économiques des réussites industrielles, économiques et commerciales, les valeurs sous-jacentes à la mise en boîte, à la congélation des esprits transformés en moutonniers de l’achat impulsif. Si des réserves légitimes pourraient s’appliquer aux conditions de naissance du modèle Mecca-Cola, pas moins que pour les grandes firmes capitalistes cela dit, l’effectivité de la réserve éthique des 20% de bénéfices ne fait pas l’objet à ce jour d’une traçabilité indubitable [que nous n’avons pas davantage recherché], mais l’initiative est jeune. Ce qui fait sens par-dessus les préoccupations éventuelles d’affectations du surplus, c’est le potentiel de mise en mouvement alternatif de l’économique en fonction valeurs partagées au quotidien par des consommateurs dotés de visions du monde communes ou proches. La leçon vaut donc tant pour les dominés d’Afrique, des Amériques, des Caraïbes que d’Europe et leurs innovations, marketées en règle et administrées avec intelligence et sagesse disposent aujourd’hui d’une acceptabilité sociale de masse sur les marchés capitalistes.

Il serait dommage de ne pas s’en servir et d’investir dans l’exclusive économie de la contestation verbale.

Pierre Prêche