Le 2 janvier 1812, le banquier Benjamin Delessert accueille Napoléon 1er dans sa fabrique de Passy où il produit du sucre de betterave.
L'empereur épingle sur le champ sa croix de la Légion d'honneur sur la poitrine de l'industriel. Celui-ci recevra plus tard le titre de baron d'Empire.
C'est que son procédé a un intérêt stratégique. Il offre à la France la possibilité de remplacer le sucre de canne qui n'arrive plus dans les ports à cause de la guerre contre l'Angleterre et du Blocus continental.
Betterave et canne à sucre
La betterave, originaire du Moyen-Orient, est cultivée depuis 2500 ans. De ses racines, on a longtemps extrait un miel végétal comme le sirop de caroube et ses feuilles servaient à l'alimentation du bétail.
Dès 1575, le grand agronome Olivier de Serres remarque sa forte teneur en sucre (jusqu'à 7%).
En 1747, un chimiste prussien, Andreas Sigismund Marggraf, réussit à en tirer du sucre cristallisé, à raison d'une once un quart de sucre pour une livre et demie de betterave.
En 1786, à l'instigation du roi Frédéric II, un pharmacien d'origine huguenote, Charles-François Achard, construit la première sucrerie à betterave à Kürnen-sur-Oder, en Silésie. Elle traite 70 kilos de betterave par jour selon le procédé de Marggraf. Mais l'entreprise tourne court.
Quand Napoléon éprouve la nécessité de remplacer le sucre des Antilles, les scientifiques français lui déconseillent le sucre de betterave. Le célèbre Parmentier recommande le sucre de raisin.
Mais l'empereur n'en offre pas moins cent mille arpents de terre à qui voudra cultiver la betterave et il s'engage à subventionner les recherches des industriels à hauteur d'un million de francs.
Son obstination est récompensée par Benjamin Delessert qui travaille depuis dix ans déjà sur le procédé de Marggraf avec un pharmacien de l'Académie des Sciences, Nicolas Deyeux.
À la suite de ce succès, Napoléon délivre 500 licences pour la fabrication du sucre de betterave. Ses encouragements ne sauveront pas l'Empire de la déconfiture mais auront des conséquences industrielles majeures.
Soutenue par une intense recherche agronomique, la betterave ne tardera pas à concurrencer avec succès la canne à sucre.
En moins d'un siècle, le prix courant du sucre sera divisé par... 200 (de 15 francs à 7 centimes le kilo).
Bibliographie
On peut lire sur les aspects économiques de la Révolution et de l'Empire l'excellent essai de René Sédillot : Le coût de la Révolution française (Perrin, 1987). Sa lecture est aisée et il est truffé de renseignements en rapport avec notre époque.
http://www.herodote.net/histoire01021.htm